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26/07/2018 | FRANCE | N°416508

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 26 juillet 2018, 416508


Vu la procédure suivante :

La SAS DCM Usimeca, venant aux droits et obligations de la société anonyme ATN Industrie, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le titre de perception du 26 janvier 2012 émis par le trésorier payeur général des Hauts-de-Seine en vue de la récupération d'une somme de 241 478 euros au titre d'une aide indûment perçue. Par un jugement n° 1208913 du 4 juin 2015, ce tribunal a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 15VE02613 du 16 novembre 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel form

é par le ministre de l'économie et des finances contre ce jugement.

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Vu la procédure suivante :

La SAS DCM Usimeca, venant aux droits et obligations de la société anonyme ATN Industrie, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le titre de perception du 26 janvier 2012 émis par le trésorier payeur général des Hauts-de-Seine en vue de la récupération d'une somme de 241 478 euros au titre d'une aide indûment perçue. Par un jugement n° 1208913 du 4 juin 2015, ce tribunal a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 15VE02613 du 16 novembre 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie et des finances contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 13 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 1er de cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Gariazzo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société DCM-Usimeca venant aux droits de la société ATN industrie ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au titre des exercices clos les 31 décembre 2001 et 31 décembre 2002, la société ATN Industrie a bénéficié de l'exonération d'impôt sur les sociétés en faveur de la reprise d'entreprises en difficulté prévue à l'article 44 septies du code général des impôts. Par une décision 2004/343/CE du 16 décembre 2003, la Commission européenne a déclaré que les exonérations octroyées en application de cet article, autres que celles qui remplissent les conditions d'octroi des aides de minimis et des aides à finalité régionale, constituaient des aides d'État illégales et en a ordonné la récupération sans délai. Postérieurement à l'arrêt rendu le 13 novembre 2008 dans l'affaire C-214/07, Commission c/ France, par lequel la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la République française avait manqué à ses obligations de recouvrement de ces aides, le trésorier-payeur général des Hauts-de-Seine a émis, le 26 janvier 2012, à l'encontre de la société DCM Usimeca, venant aux droits de la société ATN Industrie, un titre de perception d'un montant de 241 478 euros, correspondant aux cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés dont la société ATN Industrie avait été exonérée au titre des exercices clos les 31 décembre 2001 et 31 décembre 2002 en application de l'article 44 septies du code général des impôts, diminuées des aides de minimis et des aides à finalité régionale et majorées des intérêts dus.

2. Par un jugement du 4 juin 2015, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, faisant droit à la demande de la société DCM Usimeca, a annulé ce titre de perception. Par un arrêt du 16 novembre 2017, contre lequel le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté le recours du ministre de l'économie et des finances contre ce jugement.

3. Aux termes de l'article 14 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE, devenu l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l'État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire (ci-après dénommée " décision de récupération "). La Commission n'exige pas la récupération de l'aide si, ce faisant, elle allait à l'encontre d'un principe général du droit communautaire. / (...) / 3. (...) la récupération s'effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l'État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l'exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire ".

4. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, rappelée notamment dans son arrêt du 29 avril 2004, Allemagne/Commission (C-277/00), la récupération d'une aide incompatible avec le marché commun vise au rétablissement de la situation antérieure et cet objectif est atteint dès que les aides en cause, augmentées le cas échéant, des intérêts de retard, ont été restituées par le bénéficiaire ou, en d'autres termes, par les entreprises qui en ont eu la jouissance effective. Par cette restitution, le bénéficiaire perd, en effet, l'avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l'aide est rétablie.

5. La Cour de justice de l'Union européenne a également jugé dans l'arrêt du 1er octobre 2015, Electrabel et Dunamenti Erömü c/ Commission (C-357/14 P), que, dans le cas où l'entreprise à laquelle des aides d'État ont été octroyées conserve sa personnalité juridique et continue d'exercer, pour elle-même, les activités subventionnées par les aides d'État, c'est normalement cette entreprise qui conserve l'avantage concurrentiel lié à ces aides et c'est donc celle-ci qui doit être obligée de rembourser un montant égal à celui des aides, même si l'entreprise a été rachetée au prix du marché et que ce prix a reflété pleinement la valeur de l'avantage résultant des aides en cause.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société ATN Industrie, appartenant au groupe DCM et créée pour les besoins de cette opération, a fait l'acquisition, au cours de l'année 2000, de l'intégralité du capital social de la société ATN, alors en liquidation judiciaire. En 2010, la société DCM Usimeca, appartenant également au groupe DCM, a absorbé la société ATN Industrie et a poursuivi son activité. Le 28 juillet 2006, la société Sollya a fait l'acquisition de l'intégralité des actions de la société DCM Group SA, société holding du groupe DCM.

7. En jugeant, après avoir relevé que la société DCM Usimeca avait repris les actifs et poursuivi l'activité économique de la société ATN Industrie, qu'il appartenait à l'administration de prendre en compte le prix de vente des actions de cette société à la société DCM puis, le cas échéant, celui auquel ces actions ont été achetées par la société Sollya, pour établir que le bénéfice de l'aide en litige avait été transmis entre ces sociétés et que celle-ci pouvait effectivement être récupérée auprès de la société DCM Usimeca, la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation de l'article 1er de l'arrêt qu'il attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 16 novembre 2017 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée ci-dessus, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : Les conclusions de la société DCM Usimeca présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société DCM Usimeca.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 416508
Date de la décision : 26/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2018, n° 416508
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Gariazzo
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:416508.20180726
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