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16/11/2017 | FRANCE | N°15VE02613

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 16 novembre 2017, 15VE02613


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS DCM-Usimeca, venant aux droits de la SA ATN Industrie a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de la décharger de l'obligation de payer la somme de 241 478 euros procédant du titre de perception en date du 26 janvier 2012 émis par le trésorier payeur général des Hauts-de-Seine ;

Par un jugement n° 1208913 du 4 juin 2015, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a annulé le titre de perception litigieux.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un

mémoire, enregistrés les 3 août 2015 et 12 septembre 2016, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINAN...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS DCM-Usimeca, venant aux droits de la SA ATN Industrie a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de la décharger de l'obligation de payer la somme de 241 478 euros procédant du titre de perception en date du 26 janvier 2012 émis par le trésorier payeur général des Hauts-de-Seine ;

Par un jugement n° 1208913 du 4 juin 2015, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a annulé le titre de perception litigieux.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 août 2015 et 12 septembre 2016, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour d'annuler l'article 1er de ce jugement ;

Il soutient que :

- La SA ATN Industrie, aux droits de laquelle vient la SAS DCM-Usimeca, a bénéficié d'une exonération fiscale en faveur de la reprise d'entreprises en difficulté ; par décision du

16 décembre 2003, la commission européenne a estimé cette exonération incompatible avec le droit communautaire et cette obligation de remboursement a été confirmée par un arrêt du

13 novembre 2008 de la Cour de justice des communautés européennes ;

- La vente de la société SA ATN Industrie s'est faite par cession d'actions et non d'actifs et cette dernière société restait redevable du remboursement de l'aide illégale ;

- A la suite de la radiation du registre du commerce et des sociétés le 7 janvier 2011, la SAS DCM Usimeca est venue aux droits et obligations de la SA ATN Industrie ; l'administration n'avait ainsi pas à apporter la preuve que la SAS DCM-Usimeca avait bénéficié de l'aide en cause dès lors qu'elle avait absorbée la SA ATN Industrie ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le Traité instituant la Communauté économique européenne, devenu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement n° 659/1999 du Conseil de l'Union Européenne ;

- le règlement n° 784/2004 du Conseil de l'Union Européenne ;

- la décision 2004/343/CE du 16 décembre 2003 de la Commission européenne ;

- l'arrêt aff. 214/07 du 13 novembre 2008 de la Cour de justice des Communautés européennes ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

- le décret n°92-1369 du 29 décembre 1992 modifiant le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et fixant les dispositions applicables au recouvrement des créances de l'Etat mentionnées à l'article 80 de ce décret ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.

1. Considérant que la SA ATN Industrie, aux droits de laquelle vient la

SAS DCM-Usimeca, a bénéficié au titre des exercices clos en 2001 et 2002 de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue à l'article 44 septies du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988 portant loi de finances pour 1989 ; que par une décision n° 2004/343/CE du 16 décembre 2003, la Commission européenne a invalidé le dispositif d'exonération d'impôt codifié à l'article 44 septies du code général des impôts, estimant qu'il s'agissait d'une aide d'Etat incompatible avec les règles du marché commun qui avait été illégalement mise à exécution faute d'avoir été préalablement notifiée comme l'exige l'article 88 paragraphe 3 du Traité instituant la Communauté économique européenne, devenu l'article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et a ordonné sa suppression, sous réserve des aides d'un montant inférieur au seuil fixé par le règlement CE n° 70/2001 et des aides compatibles au titre des régimes applicables aux aides à finalité régionale et aux aides en faveur des petites et moyennes entreprises ; que la France a suspendu l'application de

l'article 44 septies par l'instruction administrative 4 H-2-04 du 4 mars 2004, puis modifié l'article 44 septies par la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ; que, toutefois, en l'absence de décisions de récupération, auprès des contribuables bénéficiaires, des aides illégalement octroyées, prises par les autorités françaises, la Cour de justice des Communautés européennes a condamné la France pour manquement par un arrêt du 13 novembre 2008 ; que, pour récupérer l'aide dont a bénéficié la SA ATN Industrie, aux droits de laquelle vient la requérante, le trésorier-payeur général des Hauts-de-Seine a émis à son encontre, le 27 novembre 2009, un premier titre de perception d'un montant de 819 845 euros correspondant à l'aide nette assortie des intérêts communautaires ; que la SA ATN Industrie a formé opposition à ce premier titre de perception par réclamation du 22 février 2010 ; que par décision du 11 mai 2010, l'administration l'a annulé ; que le trésorier-payeur général des Hauts-de-Seine a émis à l'encontre de la SAS DCM-Usimeca,le 26 janvier 2012, un titre de perception d'un montant de 241 478 euros correspondant à l'aide nette assortie des intérêts communautaires ; que, par jugement du 4 juin 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ce titre de perception ;

Sur les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 88 du Traité instituant la

Communauté économique européenne, devenu l'article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) " ; qu'aux termes de l'article 14 du règlement

n° 659/1999 du Conseil de l'Union Européenne susvisé : " 1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l'État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire (...). La Commission n'exige pas la récupération de l'aide si, ce faisant, elle allait à l'encontre d'un principe général de droit communautaire. 2. L'aide à récupérer en vertu d'une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d'un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l'aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu'à celle de sa récupération. (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 11 du règlement n° 784/2004 de la Commission du 21 avril 2004 susvisé : " (...) Le taux d'intérêt applicable est le taux en vigueur à la date à laquelle l'aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire. 2. Le taux d'intérêt est appliqué sur une base composée jusqu'à la date de récupération de l'aide. Les intérêts courus pour une année produisent des intérêts chaque année suivante. 3. Le taux d'intérêt visé au paragraphe 1 s'applique pendant toute la période jusqu'à la date de récupération de l'aide. (...) " ; que la récupération des aides illégales auprès de l'entreprise bénéficiaire vise au rétablissement de la situation antérieure ; que cet objectif est atteint lorsque le bénéficiaire a restitué, avec des intérêts de retard, ladite aide ; que par ce remboursement, le bénéficiaire perd ainsi l'avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents, et la situation antérieure au versement de l'aide est rétablie ;

3. Considérant que lorsqu'une entreprise a racheté une société bénéficiaire d'une aide d'Etat postérieurement déclarée incompatible avec les textes et principes du droit communautaire par la Commission européenne, dans des conditions de concurrence non discriminatoires et donc au prix du marché, c'est-à-dire au prix le plus élevé dont un investisseur privé agissant dans des conditions de libre concurrence était prêt à s'acquitter pour cette société dans la situation où elle se trouvait, et notamment après avoir bénéficié de l'aide d'État, l'élément d'aide a été évalué au prix du marché et inclus dans le prix d'achat ; que dans de telles conditions, l'acquéreur ne saurait être considéré comme ayant bénéficié d'un avantage par rapport aux autres opérateurs sur le marché ; qu'il appartient aux autorités nationales, agissant en exécution de la décision de la Commission qualifiant l'aide incompatible avec le marché commun, de vérifier si les conditions financières de la cession ont été conformes aux conditions du marché ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA ATN Industrie a fait l'objet d'un rachat, en 2000, de l'ensemble de ses actions par le groupe DCM ; que ce même groupe a racheté, en 2004, l'ensemble des actions de la société Usimeca, avec laquelle il a fusionné pour donner naissance à la SAS DCM-Usimeca, membre du groupe DCM ; que ce dernier groupe, acceptant l'offre présentée pour son propre rachat par le fonds d'investissement Perfectis, a été cédé le 28 juillet 2006 à la SAS Sollya, société créée pour les besoins de l'opération de cession ; que la SA ATN Industrie a finalement été dissoute en 2010 et radiée du registre du commerce et des sociétés le 7 janvier 2011, son activité étant poursuivie par la seule SAS DCM-Usimeca, qui vient à ses droits dans la présente instance ;

5. Considérant que si les opérations de rachat des actions de la SA ATN Industrie par le groupe DCM, puis de dissolution de la société SA ATN Industrie permettent à l'administration de regarder la société DCM-Usimeca comme ayant repris les actifs et poursuivi l'activité économique de la société SA ATN Industrie et de réclamer entre ses mains, indépendamment du prix payé lors de ces opérations, le paiement des créances qu'elle estime détenir au titre de la récupération d'une aide d'Etat déclarée incompatible dont a bénéficié la SA ATN Industrie, il lui appartient toutefois de prendre en compte le prix de vente des actions de cette société à la société DCM puis, le cas échéant, celui auquel ces actions ont été achetées par la société SAS Sollya, pour établir que le bénéfice de l'aide en litige a été transmis entre ces sociétés et que celle-ci peut effectivement être récupérée auprès de la société DCM-Usimeca ; que le ministre de l'économie et des finances n'apporte aucun élément en ce sens, alors que la SAS DCM-Usimeca soutient, sans être contestée, qu'elle a acquis le capital social de la SA ATN Industrie au prix du marché, ce qui avait d'ailleurs été admis par la Commission européenne ainsi que par l'administration fiscale lorsque le premier titre de perception émis à l'encontre de la société ATN Industrie avait été annulé ; que dans ces conditions la SAS DCM-Usimeca ne peut pas être réputée bénéficiaire de l'aide en litige et par suite redevable de la somme de 241 478 euros mise à sa charge en vue de sa récupération ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 4 juin 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé le titre de perception en date du

26 janvier 2012 émis à l'encontre de la SAS DCM-Usimeca par le directeur des finances publiques des Hauts-de-Seine pour le montant susmentionné au point 1 de 241 478 euros;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SAS DCM-Usimeca, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie et des finances est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SAS DCM-Usimeca la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 15VE02613


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE02613
Date de la décision : 16/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-01-01 Contributions et taxes. Généralités. Recouvrement. Action en recouvrement. Détermination du redevable de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-11-16;15ve02613 ?
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