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27/06/2018 | FRANCE | N°408061

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 27 juin 2018, 408061


Vu la procédure suivante :

La société Groupement Perspectives et Entreprises (GPE) Audit et Conseil a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'office public de l'habitat (OPH) Nord Deux-Sèvres à lui payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 94 149,12 euros TTC assortie des intérêts au taux légal avec anatocisme à compter de la date de sa demande préalable, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la résiliation, à ses torts, du marché de services de commissariat aux comptes dont elle était titulaire. Par un jugemen

t n° 1101833 du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a ...

Vu la procédure suivante :

La société Groupement Perspectives et Entreprises (GPE) Audit et Conseil a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'office public de l'habitat (OPH) Nord Deux-Sèvres à lui payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 94 149,12 euros TTC assortie des intérêts au taux légal avec anatocisme à compter de la date de sa demande préalable, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la résiliation, à ses torts, du marché de services de commissariat aux comptes dont elle était titulaire. Par un jugement n° 1101833 du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14BX03563 du 16 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société GPE Audit et Conseil.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 16 février, 2 mai et 17 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société GPE Audit et Conseil demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'OPH Nord Deux-Sèvres la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Odinot, auditeur,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du Groupement Perspectives et Entreprises (GPE) Audit et Conseil et à la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de l'office public de l'habitat Nord Deux-Sèvres.

1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'office public de l'habitat (OPH) Nord Deux-Sèvres, dans le cadre de la mise en place d'une comptabilité commerciale à compter du 1er janvier 2010, a conclu le 22 décembre 2009 avec la société Groupement Perspectives et Entreprises (GPE) Audit et Conseil un marché portant sur des missions de commissariat aux comptes pour les six exercices 2010 à 2015 et sur une mission d'audit ; que, par une lettre du 8 mars 2011, le directeur général de l'OPH a informé la société GPE Audit et Conseil de sa décision de procéder à la résiliation à ses torts de ce marché aux motifs tirés de ce que, d'une part, elle ne l'avait pas informé sans délai de la révocation de Mme A... de la gérance de la société, et, d'autre part, qu'elle n'avait pas exercé les missions qui avaient été convenues, compromettant gravement la sécurité juridique et financière de l'office ; que, par un jugement du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de la société GPE Audit et Conseil tendant à la condamnation de l'OPH à lui verser la somme de 94 149,12 euros à titre de dommages et intérêts ; que, par un arrêt du 16 décembre 2016 contre lequel la société se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel de cette société contre ce jugement ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 421-17 du code de la construction et de l'habitation : " En matière de gestion financière et comptable, les offices publics de l'habitat sont soumis soit aux règles applicables aux entreprises de commerce, soit aux règles de la comptabilité publique (...) " ; qu'aux termes de l'article R.* 423-28 du même code : " Pour chaque exercice, le compte financier, établi par le directeur général, est transmis au commissaire aux comptes au plus tard le 15 mai de l'année suivante. / Le compte financier, certifié par le commissaire aux comptes et accompagné du rapport du directeur général sur l'activité de l'office durant ce même exercice, est présenté au conseil d'administration. / (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du I de l'article L. 820-1 du code de commerce : " Nonobstant toute disposition contraire, les dispositions du présent titre sont applicables aux commissaires aux comptes nommés dans toutes les personnes et entités quelle que soit la nature de la certification prévue dans leur mission. Elles sont également applicables à ces personnes et entités, sous réserve des règles propres à celles-ci, quel que soit leur statut juridique " ; qu'aux termes de l'article L. 823-7 du même code : " En cas de faute ou d'empêchement, les commissaires aux comptes peuvent, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, être relevés de leurs fonctions avant l'expiration normale de celles-ci, sur décision de justice, à la demande de l'organe collégial chargé de l'administration, de l'organe chargé de la direction (...). / Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables, en ce qui concerne les personnes autres que les sociétés commerciales, sur demande du cinquième des membres de l'assemblée générale ou de l'organe compétent " ; qu'aux termes de l'article R. 823-5 du même code, dans sa rédaction applicable au marché en litige : " Dans les cas prévus aux articles L. 823-6 et L. 823-7, le tribunal de commerce statue en la forme des référés sur la récusation ou le relèvement de fonctions d'un commissaire aux comptes. La demande de récusation ou de relèvement de fonctions est formée contre le commissaire aux comptes et la personne ou l'entité auprès de laquelle il a été désigné (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 2 et 3 que lorsqu'un office public de l'habitat est soumis, en matière de gestion financière et comptable, aux règles applicables aux entreprises de commerce et attribue, dans ce cadre, un marché ayant pour objet de confier une mission de commissariat aux comptes, il ne peut pas résilier pour faute un tel marché, quelles qu'en soient les clauses, sans l'intervention préalable d'une décision du tribunal de commerce prononçant le relèvement de ce commissaire selon la procédure fixée aux articles L. 823-7 et R. 823-5 du code de commerce ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 7 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché en litige : " Le marché pourra être résilié par le pouvoir adjudicateur dans les cas prévus aux CCAG. (...) / Tout manquement grave ou répétitif constaté par l'organisme pourra donner lieu à l'envoi d'une lettre recommandée demandant au titulaire de remédier au manquement constaté sous 7 jours. Cette lettre demeurée sans effet, une seconde lettre recommandée entraînera la résiliation du contrat. La résiliation résultant de ces états de fait ne donnera lieu à indemnisation (...) " ; que, toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que nonobstant ces stipulations, la résiliation du marché pour faute du commissaire aux comptes ne peut être prononcée qu'après la décision du tribunal de commerce prononçant le relèvement de ce commissaire, selon la procédure prévue par les articles L. 823-7 et R. 823-5 du code de commerce ; qu'il suit de là que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que l'OPH du Nord Deux-Sèvres pouvait résilier le marché en litige sur le fondement de l'article 7 du CCAP précité sans être tenu de saisir au préalable le tribunal de commerce pour obtenir le relèvement du commissaire aux comptes ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OPH la somme de 3 000 euros à verser à la société GPE Audit et Conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle, en revanche, à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de cette société qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 16 décembre 2016 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'office public de l'habitat Nord Deux-Sèvres versera à la société Groupement perspectives et entreprises Audit et Conseil la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'office public de l'habitat Nord Deux-Sèvres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Groupement perspectives et entreprises Audit et Conseil et à l'office public de l'habitat Nord Deux-Sèvres.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 408061
Date de la décision : 27/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2018, n° 408061
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Odinot
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP DELVOLVE ET TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:408061.20180627
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