La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2016 | FRANCE | N°14BX03563

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 16 décembre 2016, 14BX03563


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupement Perspectives et Entreprises (G.P.E.) Audit et Conseil a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'office public Habitat Nord Deux-Sèvres à lui payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 94 149,12 euros TTC assortie des intérêts au taux légal avec anatocisme à compter de la date de sa demande préalable, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la résiliation, à ses torts, du marché de services de commissariat aux comptes dont

elle était titulaire.

Par un jugement n° 1101833 du 23 octobre 2014, le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupement Perspectives et Entreprises (G.P.E.) Audit et Conseil a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'office public Habitat Nord Deux-Sèvres à lui payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 94 149,12 euros TTC assortie des intérêts au taux légal avec anatocisme à compter de la date de sa demande préalable, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la résiliation, à ses torts, du marché de services de commissariat aux comptes dont elle était titulaire.

Par un jugement n° 1101833 du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 décembre 2014 et 24 juin 2016, la société GPE Audit et Conseil, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 octobre 2014 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de condamner l'office public Habitat Nord Deux-Sèvres à lui payer la somme de 94 149,12 euros TTC ou, à titre subsidiaire, la somme de 22 560 euros HT, assorties des intérêts au taux légal avec anatocisme à compter de la date de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'office public Habitat Nord Deux-Sèvres la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de commerce ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant la société GPE Audit et Conseil, et de MeC..., représentant l'office public Habitat Nord Deux-Sèvres.

Considérant ce qui suit :

1. En vue de la mise en place d'une comptabilité de commerce, destinée à prendre effet à compter du 1er janvier 2010, l'office public Habitat Nord Deux-Sèvres a, sur le fondement des dispositions de l'article 28 du code des marchés publics, lancé une procédure adaptée pour l'attribution d'un marché portant, d'une part, sur des missions de commissaire aux comptes pour les six exercices 2010 à 2015 et, d'autre part, une mission d'audit (option n° 1) à la suite de la reddition des comptes au 31 décembre 2009 avec la trésorerie de Thouars. Par une lettre du 22 décembre 2009, la SARL Groupement Perspectives et Entreprises (GPE) Audit et Conseil, qui s'était portée candidate, s'est vu notifier par le directeur général de l'office son acte d'engagement, conclu pour une période de six ans du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2015, pour un montant forfaitaire annuel de 13 120,00 euros HT au titre de l'offre de base et 3 080,00 euros HT pour l'option n° 1. Toutefois, par une lettre du 8 mars 2011, le directeur général de cet établissement public a informé la société GPE de sa décision de procéder à la résiliation à ses torts de ce marché aux motifs tirés de ce que, d'une part, elle ne l'avait pas informé sans délai de la révocation de Mme B...de la gérance de la société, intervenue le 5 novembre 2010 et, d'autre part, qu'elle n'avait pas exercé les missions qui avaient été convenues, compromettant gravement la sécurité juridique et financière de l'office. A la suite de l'envoi d'une réclamation préalable tendant à la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de cette mesure de résiliation, qui a été expressément rejetée par lettre du 21 juillet 2011, la SARL GPE Audit et Conseil a saisi le tribunal administratif de Poitiers aux fins d'obtenir la condamnation de l'office public Habitat Nord Deux-Sèvres à lui verser la somme de 94 149,12 euros TTC à titre de dommages et intérêts. La société GPE relève appel du jugement du 23 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Hors le cas où il est saisi d'un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles, il appartient seulement au juge du contrat, saisi par une partie au litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, de rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité.

En ce qui concerne la régularité de la procédure de résiliation :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-10 du code de la construction et de l'habitation : " Le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires de l'office. ". Selon l'article R. 421-18 du même code : " (...) Le directeur général assiste, avec voix consultative, aux séances du conseil d'administration et du bureau dont il prépare et exécute les décisions. / Il passe tous actes et contrats au nom de l'office et le représente dans tous les actes de la vie civile. (...) ". Il ressort des termes mêmes de ces dernières dispositions, qui attribuent au directeur général d'un office public de l'habitat les plus larges pouvoirs de gestion de l'établissement, que celui-ci est compétent, sans avoir à y être habilité au préalable par le conseil d'administration, pour signer au nom de l'office tous actes relatifs tant à la passation des marchés publics qu'à l'exécution de ceux-ci, au nombre desquelles figurent les mesures de résiliation. Il s'ensuit que contrairement à ce que soutient la société GPE Audit et Conseil, M. A... était, en sa qualité de directeur général de l'office public Habitat Nord des Deux-Sèvres, compétent pour prononcer la résiliation du marché les liant.

En ce qui concerne le bien-fondé de la mesure de résiliation :

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 421-17 du code de la construction et de l'habitation : " En matière de gestion financière et comptable, les offices publics de l'habitat sont soumis soit aux règles applicables aux entreprises de commerce, soit aux règles de la comptabilité publique. (...) ". Selon l'article L. 823-7 du code de commerce : " En cas de faute ou d'empêchement, les commissaires aux comptes peuvent, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, être relevés de leurs fonctions avant l'expiration normale de celles-ci, sur décision de justice, à la demande de l'organe collégial chargé de l'administration, de l'organe chargé de la direction, d'un ou plusieurs actionnaires ou associés représentant au moins 5 % du capital social, du comité d'entreprise, du ministère public ou de l'Autorité des marchés financiers pour les personnes dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé et entités. / Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables, en ce qui concerne les personnes autres que les sociétés commerciales, sur demande du cinquième des membres de l'assemblée générale ou de l'organe compétent. ". Aux termes de l'article R. 823-5 du même code : " Dans les cas prévus aux articles L. 823-6 et L. 823-7, le tribunal de commerce statue en la forme des référés sur la récusation ou le relèvement de fonctions d'un commissaire aux comptes. La demande de récusation ou de relèvement de fonctions est formée contre le commissaire aux comptes et la personne ou l'entité auprès de laquelle il a été désigné. La demande de récusation du commissaire aux comptes est présentée dans les trente jours de sa désignation. / Lorsque la demande émane du procureur de la République, elle est présentée par requête ; lorsqu'elle émane de l'Autorité des marchés financiers, elle est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / Le délai d'appel est de quinze jours. L'appel est formé et jugé selon les règles applicables à la procédure abrégée ou à la procédure à jour fixe. / Lorsque le commissaire aux comptes est relevé de ses fonctions, il est remplacé par le commissaire aux comptes suppléant. ".

5. Il résulte de l'instruction que l'office public Habitat Nord Deux-Sèvres a, par acte d'engagement du 22 décembre 2009, confié l'exercice du mandat légal de commissaire aux comptes à la société GPE et a désigné MmeB..., associée gérante de cette société, pour exécuter ces prestations. Toutefois, lors d'une assemblée de la société GPE tenue le 5 novembre 2010, Mme B...a été révoquée et remplacée par M.E.... Si les dispositions précitées du statut des commissaires aux comptes prévoient effectivement qu'en cas de faute ou d'empêchement, seul le tribunal de commerce statuant en la forme des référés peut relever un commissaire aux comptes de ses fonctions ou le récuser, ces règles ne sont applicables qu'à l'exercice du mandat légal de commissaire aux comptes. En l'espèce, et ainsi qu'il a déjà été dit au point 1, la résiliation a été prononcée aux motifs tirés de ce que, d'une part, la société GPE Audit et Conseil n'a pas informé sans délai l'office public Habitat Nord Deux-Sèvres de la révocation de Mme B...de la gérance de la société, en méconnaissance des stipulations des articles 3.4.1 et 3.4.2 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) des marchés publics de fournitures courantes et de services et 4.1. du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché et, d'autre part, qu'elle n'avait pas exercé les missions qui avaient été convenues. Ainsi, et contrairement à ce que soutient la société GPE Audit et Conseil, cette résiliation n'a pas été prononcée en raison d'une faute imputée par l'office au commissaire aux comptes concerné ou de l'empêchement de ce dernier. Par suite, le moyen tiré de ce que l'office public Habitat Nord Deux-Sèvres était tenu de saisir au préalable le tribunal de commerce d'une demande de relèvement de Mme B...ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3.4.1. du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services dans sa rédaction issue de l'arrêté susvisé du 19 janvier 2009 : " Dès la notification du marché, le titulaire désigne une ou plusieurs personnes physiques, habilitées à le représenter auprès du pouvoir adjudicateur, pour les besoins de l'exécution du marché. D'autres personnes physiques peuvent être habilitées par le titulaire en cours d'exécution du marché. / Ce ou ces représentants sont réputés disposer des pouvoirs suffisants pour prendre, dès notification de leur nom au pouvoir adjudicateur dans les délais requis ou impartis par le marché, les décisions nécessaires engageant le titulaire. ". Selon l'article 3.4.2. de ce cahier : " Le titulaire est tenu de notifier sans délai au pouvoir adjudicateur les modifications survenant au cours de l'exécution du marché et qui se rapportent : / - aux personnes ayant le pouvoir de l'engager ; / - à la forme juridique sous laquelle il exerce son activité ; / - à sa raison sociale ou à sa dénomination ; / - à son adresse ou à son siège social ; / - aux renseignements qu'il a fournis pour l'acceptation d'un sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement ; / et de façon générale, à toutes les modifications importantes de fonctionnement de l'entreprise pouvant influer sur le déroulement du marché. ". Aux termes de l'article 4.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché litigieux : " La bonne exécution des prestations implique que la responsabilité de la mission incombe à une personne physique nommément désignée parmi les collaborateurs du titulaire et inscrite sur la liste des commissaires aux comptes à la date du présent marché puis lors de ses interventions tout au long des exercices ". / En cas de défaillance du responsable, le titulaire doit désigner un remplaçant répondant aux mêmes obligations. / La mission du commissaire aux comptes devra s'exercer dans le respect des normes d'exercice professionnel définies et publiées ". Selon l'article 7 de ce cahier : " Le marché pourra être résilié par le pouvoir adjudicateur dans les cas prévus aux CCAG. (...) / Tout manquement grave ou répétitif constaté par l'organisme pourra donner lieu à l'envoi d'une lettre recommandée demandant au titulaire de remédier au manquement constaté sous 7 jours. Cette lettre demeurée sans effet, une seconde lettre recommandée entraînera la résiliation du contrat. La résiliation résultant de ces états de fait ne donnera lieu à indemnisation (...) ". Enfin, par lettre du 22 décembre 2009 lui notifiant son acte d'engagement, la société GPE Audit et Conseil a été informée par l'office de ce que l'exécution de ses prestations commencerait dès réception de cette notification.

7. Il résulte, d'une part, de l'instruction qu'en méconnaissance des dispositions précitées des articles 3.4.1. et 3.4.2. du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services et de l'article 4.1 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché, la société GPE Audit et Conseil n'a pas informé sans délai l'office public Habitat Nord Deux-Sèvres de ce que Mme B...avait été, lors de l'assemblée du 5 novembre 2010, révoquée de ses fonctions de gérante de la société, alors que compte tenu du rôle déterminant qu'elle était amenée à remplir pour la bonne exécution des prestations prévues au marché, cette modification importante du fonctionnement de l'entreprise était de nature à influer sur le déroulement du marché. Il résulte, d'autre part, de l'instruction, ainsi que l'a relevé l'office dans sa lettre du 4 juillet 2011 rejetant le mémoire en réclamation présenté par l'appelante, que l'exécution de ses prestations devait commencer dès réception de la lettre de notification du marché, qui a eu lieu en l'espèce le 4 janvier 2010. Si la société GPE Audit et Conseil soutient qu'elle a été mise dans l'impossibilité d'accomplir une quelconque tâche et que la vérification pour avis des comptes sociaux ne pouvait avoir lieu au plus tôt que le 31 décembre 2010, date de l'arrêt des comptes au titre de l'année 2010, l'intéressée ne justifie pas du moindre commencement de l'exécution de son offre de base au début de l'année 2011 ni, davantage, de la réalisation de la mission d'audit qui lui avait été confiée au titre de l'option n° 1 du marché dans le cadre de la reddition des comptes au 31 décembre 2009 avec la trésorerie de Thouars. Ainsi, les manquements imputés par l'office public Habitat Nord Deux-Sèvres à la société GPE à ses obligations contractuelles doivent être regardés comme établis. Compte tenu de leur nature, ils caractérisent une faute grave susceptible de justifier la résiliation du contrat à ses torts. Il s'ensuit que les conclusions de cette dernière tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du caractère prétendument mal fondé de cette résiliation doivent être rejetées.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société GPE Audit et Conseil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'office public Habitat Nord Deux-Sèvres, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société GPE Audit et Conseil au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société GPE Audit et Conseil une somme de 1 500 euros à verser à l'office public Habitat Nord Deux-Sèvres sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société GPE Audit et Conseil est rejetée.

Article 2 : La société GPE Audit et Conseil versera à l'office public Habitat Nord Deux-Sèvres la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 14BX03563


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX03563
Date de la décision : 16/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Logement - Habitations à loyer modéré - Organismes d'habitation à loyer modéré.

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET SCHBATH

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-12-16;14bx03563 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award