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30/05/2018 | FRANCE | N°405248

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 30 mai 2018, 405248


Vu la procédure suivante :

La société Rhodia Opérations a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de 2008. Par un jugement n° 1403187 du 18 mai 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15VE02348 du 27 septembre 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Rhodia Opérations contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentai

re et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 novembre 2016, 20 février 2017 et 16 ...

Vu la procédure suivante :

La société Rhodia Opérations a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de 2008. Par un jugement n° 1403187 du 18 mai 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15VE02348 du 27 septembre 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Rhodia Opérations contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 novembre 2016, 20 février 2017 et 16 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Rhodia Opérations demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ghestin, avocat de la société Rhodia Opérations.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration a partiellement remis en cause le dégrèvement de la cotisation de taxe professionnelle que la société Rhodia Opérations avait obtenu au titre de 2008 dans le cadre de sa demande de plafonnement de cet impôt en fonction de la valeur ajoutée prévu à l'article 1647 B sexies du code général des impôts. La société Rhodia Opérations se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 septembre 2016 de la cour administrative d'appel de Versailles, qui a rejeté son appel à l'encontre du jugement du 18 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle résultant de la remise en cause partielle de ce dégrèvement.

2. En premier lieu, la cour a suffisamment motivé son arrêt, sans dénaturer les faits qui lui étaient soumis, en jugeant que la mention d'une " restitution indue de taxe professionnelle ", dans l'avis d'imposition litigieux, ne saurait signifier que l'administration aurait entendu mettre en oeuvre une action en répétition de l'indu au sens de l'article 1376 du code civil.

3. En deuxième lieu, selon l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun ". La cour n'a pas méconnu ces dispositions en jugeant que le courrier remis par l'administration à la société Rhodia Opérations le 16 décembre 2011, l'informant qu'elle envisageait de modifier ses bases d'imposition par l'émission d'un rôle supplémentaire en matière de taxe professionnelle, avait interrompu la prescription, dès lors qu'elle avait relevé que ce courrier désignait l'imposition, l'année et le montant des bases que l'administration entendait retenir.

4. En dernier lieu, aux termes de l'article de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " I. Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. La valeur ajoutée est définie selon les modalités prévues au II. / Le taux de plafonnement est fixé à 3,5 % de la valeur ajoutée. (...) / II. 1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers (...) / 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : / D'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les transferts de charges mentionnées aux troisième et quatrième alinéas ainsi que les transferts de charges de personnel mis à disposition d'une autre entreprise ; les stocks à la fin de l'exercice ; / Et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. / Les consommations de biens et services en provenance de tiers comprennent : les travaux, fournitures et services extérieurs, à l'exception des loyers afférents aux biens pris en crédit-bail, ou des loyers afférents à des biens, visés au a du 1° de l'article 1467, pris en location par un assujetti à la taxe professionnelle pour une durée de plus de six mois ou des redevances afférentes à ces biens résultant d'une convention de location-gérance, les frais de transports et déplacements, les frais divers de gestion ". Ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle. Pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, il y a lieu de se reporter aux dispositions du plan comptable général dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée. Si les opérations relatives à des éléments de l'actif circulant relèvent en principe de l'activité courante, la perte résultant de la cession à un tiers d'une créance commerciale, à un prix substantiellement inférieur à sa valeur nominale, ne peut être comptabilisée en compte de " charges d'exploitation " que lorsque cette cession revêt, compte tenu de la spécificité de l'activité de l'entreprise, un caractère habituel.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Rhodia Opérations a cédé en mai 2008 à la banque Bear Sterns plc, pour un prix de 6 millions d'euros, la créance, d'une valeur nominale de 37 198 692 euros, qu'elle détenait sur la société Nylstar dont elle était l'un des principaux fournisseurs, dans le cadre de la mise en oeuvre d'un plan de continuation de l'activité de la société Nylstar. La société Rhodia Opérations a comptabilisé en compte de " charges d'exploitation " la perte, d'un montant de 31 198 692 euros, résultant de cette opération. Après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la cession à titre exceptionnel à un tiers de cette créance commerciale détenue par la société requérante sur un de ses principaux clients en situation financière difficile, à un prix substantiellement inférieur à sa valeur nominale, ne pouvait être regardée comme relevant de l'activité habituelle de la société, alors même que cette cession permettait d'assurer la pérennité des relations commerciales entre les deux sociétés, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, par un arrêt suffisamment motivé, que la société Rhodia Opérations devait comptabiliser cette perte en compte de " charges exceptionnelles ", dont les éléments ne sont pas à prendre en compte au titre de la valeur ajoutée définie à l'article 1647 B sexies précité.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Rhodia Opérations doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Rhodia Opérations est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Rhodia Opérations et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 405248
Date de la décision : 30/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-04-05 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES. TAXE PROFESSIONNELLE. QUESTIONS RELATIVES AU PLAFONNEMENT. - DÉTERMINATION DE LA VALEUR AJOUTÉE SERVANT DE BASE AU CALCUL DU PLAFONNEMENT DE TAXE PROFESSIONNELLE (ART. 1647 B SEXIES DU CGI) - ELÉMENTS À PRENDRE EN COMPTE - PRINCIPE [RJ1] - 1) CAS DE LA CESSION À UN TIERS D'UNE CRÉANCE COMMERCIALE À UN PRIX SUBSTANTIELLEMENT INFÉRIEUR À SA VALEUR NOMINALE - COMPTABILISATION DE LA PERTE EN CHARGES D'EXPLOITATION SEULEMENT SI CETTE CESSION REVÊT, COMPTE TENU DE LA SPÉCIFICITÉ DE L'ACTIVITÉ DE L'ENTREPRISE, UN CARACTÈRE HABITUEL - 2) ESPÈCE.

19-03-04-05 Les dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts (CGI) alors en vigueur fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle. Pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, il y a lieu de se reporter aux dispositions du plan comptable général dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée.... ,,1) Si les opérations relatives à des éléments de l'actif circulant relèvent en principe de l'activité courante, la perte résultant de la cession à un tiers d'une créance commerciale, à un prix substantiellement inférieur à sa valeur nominale, ne peut être comptabilisée en compte de charges d'exploitation que lorsque cette cession revêt, compte tenu de la spécificité de l'activité de l'entreprise, un caractère habituel.,,,2) Société requérante ayant cédé, pour un prix de 6 millions d'euros, la créance, d'une valeur nominale de 37 198 692 euros, qu'elle détenait sur une autre société dont elle était l'un des principaux fournisseurs, dans le cadre de la mise en oeuvre d'un plan de continuation de l'activité de cette dernière. La société requérante a comptabilisé en compte de charges d'exploitation la perte, d'un montant de 31 198 692 euros, résultant de cette opération. Si les opérations relatives à des éléments de l'actif circulant relèvent en principe de l'activité courante, la cession à titre exceptionnel à un tiers de la créance commerciale détenue par la société requérante sur un de ses principaux clients en situation financière difficile, à un prix substantiellement inférieur à sa valeur nominale, ne pouvait être regardée dans les circonstances de l'espèce comme relevant de l'activité habituelle de la société, alors même que cette cession permettait d'assurer la pérennité des relations commerciales entre les deux sociétés. Par suite la société requérante devait comptabiliser cette perte en compte de charges exceptionnelles, dont les éléments ne sont pas à prendre en compte au titre de la valeur ajoutée définie à l'article 1647 B sexies du CGI.


Références :

[RJ1]

Cf., CE, 4 août 2006, Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie c/ Société foncière Ariane, n° 267150, T. p. 831.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 mai. 2018, n° 405248
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP GHESTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:405248.20180530
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