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13/04/2018 | FRANCE | N°398271

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 13 avril 2018, 398271


Vu la procédure suivante :

La société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2007 en sa qualité de tête de groupe fiscal intégré.

Par un jugement n° 1200562 du 3 janvier 2013, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé la réduction de la fraction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributi

on additionnelle à cet impôt auxquelles la société a été assujettie au titre de cet ...

Vu la procédure suivante :

La société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2007 en sa qualité de tête de groupe fiscal intégré.

Par un jugement n° 1200562 du 3 janvier 2013, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé la réduction de la fraction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la société a été assujettie au titre de cet exercice en conséquence de la réintégration d'un abandon de créance consenti par la société Parfums Christian Dior, membre du groupe fiscal intégré, à sa filiale américaine LVMH Perfumes et Cosmectics Inc. et de la remise en cause de l'éligibilité de certaines dépenses au crédit d'impôt " recherche ".

Par un arrêt n° 13VE00986 du 28 janvier 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté le recours formé par le ministre des finances et des comptes publics contre ce jugement, en tant qu'il a prononcé la décharge des impositions supplémentaires découlant de la réintégration de l'abandon de créance consenti par la société Parfums Christian Dior à sa filiale américaine LVMH Perfumes et Cosmectics Inc.

Par un pourvoi, enregistré le 25 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Simon Chassard, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société LVMH Moet Hennessy Louis Vuitton.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Parfums Christian Dior, société membre du groupe fiscal intégré dont la tête est la société LVMH Moët Hennesy Louis Vuitton, a, par deux accords des 15 mai et 15 septembre 2007, prêté à sa filiale américaine, la société LVMH Perfumes et Cosmetics Inc., la somme globale de 75 millions de dollars. Par un troisième accord intervenu le 18 décembre 2007, la société Parfums Christian Dior a consenti à sa filiale un abandon de cette créance à hauteur de 69 millions de dollars et a converti le solde en un prêt à long terme, décisions qui ont été consignées dans une convention de " Loan Forgiveness Agreement ". Sur le fondement de cette convention, la société Parfums Christian Dior a comptabilisé une perte pour le montant de la créance ainsi abandonnée et porté la charge correspondante en déduction de son résultat imposable. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur l'exercice clos en 2007, le service vérificateur a remis en cause la déduction de cet abandon de créance, au motif qu'il avait été comptabilisé par la société LVMH Perfumes et Cosmetics Inc., ainsi que le droit comptable américain le lui permettait, comme un apport en capital.

2. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué contrairement à ce qui est soutenu par le pourvoi, qu'après les avoir citées, la cour n'a pas jugé que les redressements litigieux étaient fondés sur les dispositions du deuxième alinéa de l'article 38 du code général des impôts, mais a au contraire relevé que l'abandon de créance litigieux ne " constituerait d'ailleurs pas un supplément d'apport au sens du 2 de l'article 38 du code général des impôts relatif aux seuls apports reçus de ses actionnaires par la société contribuable ".

3. En deuxième lieu, s'il appartient au juge de l'impôt, lorsqu'il détermine le traitement à réserver à une opération impliquant une société régie par le droit d'un autre Etat, de rechercher la nature réelle de cette opération, il ne saurait, sans commettre d'erreur de droit, déduire sa qualification en droit fiscal national du seul traitement comptable qu'elle a reçu dans le droit de cet autre Etat. Après avoir souverainement apprécié les faits qui lui étaient soumis, la cour administrative d'appel de Versailles a jugé que l'opération litigieuse revêtait les caractéristiques d'un abandon de créance au sens de la législation fiscale française. En jugeant que la comptabilisation de cette opération par la société LVMH Perfumes et Cosmetics Inc. à un compte de capitaux propres, permise par le droit comptable américain, n'était pas de nature, à elle seule, à remettre en cause cette qualification, elle n'a pas commis d'erreur de droit.

4. En troisième et dernier lieu, la circonstance que l'abandon de créance consenti à une société étrangère par sa mère française, comptabilisé comme un apport en capital sur le fondement de la législation en vigueur dans l'Etat de la filiale, n'aurait fait l'objet d'aucune imposition dans cet Etat n'est pas de nature à remettre en cause la déductibilité en France de cet abandon de créance, lorsque les conditions de cette déductibilité sont réunies. Ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'abandon de créance litigieux était déductible du résultat imposable de la société Parfums Christian Dior alors même qu'aucun revenu n'aurait été constaté par la société Perfumes et Cosmetics Inc. à concurrence du montant de la dette annulée ni imposé aux Etats-Unis, par dérogation aux règles prévues en matière d'abandon de créance au 6) du e) de la section 108 de l'Internal Revenue Code.

5. Il résulte de ce tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 3 500 euros à la charge de l'Etat, à verser à la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 3 500 euros à la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 398271
Date de la décision : 13/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - DÉTERMINATION DU TRAITEMENT FISCAL À RÉSERVER À UNE OPÉRATION RÉGIE PAR LE DROIT D'UN AUTRE ETAT - 1) PRINCIPE - OBLIGATION POUR LE JUGE DE L'IMPÔT DE RECHERCHER LA NATURE RÉELLE DE CETTE OPÉRATION SANS POUVOIR DÉDUIRE LA QUALIFICATION EN DROIT FISCAL NATIONAL DU SEUL TRAITEMENT COMPTABLE QU'ELLE A REÇU DANS L'AUTRE ETAT - 2) ESPÈCE - OPÉRATION REVÊTANT LE CARACTÈRE D'UN ABANDON DE CRÉANCE SANS QUE LA CIRCONSTANCE QU'ELLE SOIT PERMISE PAR LE DROIT ÉTRANGER SOIT DE NATURE À REMETTRE EN CAUSE CETTE QUALIFICATION.

19-01 1) S'il appartient au juge de l'impôt, lorsqu'il détermine le traitement à réserver à une opération impliquant une société régie par le droit d'un autre Etat, de rechercher la nature réelle de cette opération, il ne saurait, sans commettre d'erreur de droit, déduire sa qualification en droit fiscal national du seul traitement comptable qu'elle a reçu dans le droit de cet autre Etat.... ,,2) Ne commet pas d'erreur de droit une cour qui juge qu'une opération revêt les caractéristiques d'un abandon de créance au sens de la législation fiscale française sans que la comptabilisation de cette opération, par la société étrangère qui en est bénéficiaire, à un compte de capitaux propres, permise par le droit fiscal étranger, ne soit à elle seule de nature à remettre en cause cette qualification.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET - ACTE ANORMAL DE GESTION - DÉTERMINATION DU TRAITEMENT FISCAL À RÉSERVER À UNE OPÉRATION RÉGIE PAR LE DROIT D'UN AUTRE ETAT - 1) PRINCIPE - OBLIGATION POUR LE JUGE DE L'IMPÔT DE RECHERCHER LA NATURE RÉELLE DE CETTE OPÉRATION SANS POUVOIR DÉDUIRE LA QUALIFICATION EN DROIT FISCAL NATIONAL DU SEUL TRAITEMENT COMPTABLE QU'ELLE A REÇU DANS L'AUTRE ETAT - 2) ESPÈCE - OPÉRATION REVÊTANT LE CARACTÈRE D'UN ABANDON DE CRÉANCE SANS QUE LA CIRCONSTANCE QU'ELLE SOIT PERMISE PAR LE DROIT ÉTRANGER SOIT DE NATURE À REMETTRE EN CAUSE CETTE QUALIFICATION.

19-04-02-01-04-082 1) S'il appartient au juge de l'impôt, lorsqu'il détermine le traitement à réserver à une opération impliquant une société régie par le droit d'un autre Etat, de rechercher la nature réelle de cette opération, il ne saurait, sans commettre d'erreur de droit, déduire sa qualification en droit fiscal national du seul traitement comptable qu'elle a reçu dans le droit de cet autre Etat.... ,,2) Ne commet pas d'erreur de droit une cour qui juge qu'une opération revêt les caractéristiques d'un abandon de créance au sens de la législation fiscale française sans que la comptabilisation de cette opération, par la société étrangère qui en est bénéficiaire, à un compte de capitaux propres, permise par le droit fiscal étranger, ne soit à elle seule de nature à remettre en cause cette qualification.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 avr. 2018, n° 398271
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Simon Chassard
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:398271.20180413
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