Vu les procédures suivantes :
M. A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés des 30 avril et 5 septembre 2014 ainsi que la décision implicite née le 8 janvier 2015 par lesquels le directeur général de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire lui a refusé la création d'une officine de pharmacie sur la commune de La Pouëze. Par un jugement n°s 1404195, 1408271 et 1501287 du 2 juillet 2015, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à cette demande.
Par un arrêt n° 15NT02728 du 21 juin 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur l'appel du ministre des affaires sociales et de la santé, annulé ce jugement et rejeté les demandes de M.A....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 août et 21 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre des affaires sociales et de la santé ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code de la santé publique, notamment son article L. 5125-11 ;
- la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 ;
- la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de M.A....
Considérant ce qui suit :
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article L. 5125-11 du code de la santé publique, issu de l'article 59 de la loi du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008, dans sa rédaction applicable au litige : " L'ouverture d'une officine dans une commune qui en est dépourvue peut être autorisée par voie de transfert lorsque le nombre d'habitants recensés dans la commune est au moins égal à 2 500./ L'ouverture d'une nouvelle officine dans une commune de plus de 2 500 habitants où au moins une licence a déjà été accordée peut être autorisée par voie de transfert à raison d'une autorisation par tranche entière supplémentaire de 4 500 habitants recensés dans la commune./ Lorsque la dernière officine présente dans une commune de moins de 2 500 habitants a cessé définitivement son activité et qu'elle desservait jusqu'alors une population au moins égale à 2 500 habitants, une nouvelle licence peut être délivrée pour l'installation d'une officine par voie de transfert dans cette commune./ Dans les communes qui sont dépourvues d'officine ou dans les zones franches urbaines, les zones urbaines sensibles et les zones de redynamisation urbaine mentionnées dans la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville ainsi que dans les zones de revitalisation rurale définies par l'article 1465 A du code général des impôts, l'ouverture d'une officine peut être autorisée par voie de création si les conditions prévues au premier, deuxième ou troisième alinéa sont remplies depuis au moins deux ans à compter de la publication d'un recensement mentionné à l'article L. 5125-10 et si aucune décision autorisant cette ouverture par voie de transfert ou regroupement n'a été prise dans ce délai ".
3. D'une part, il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. Parmi ces exigences constitutionnelles figure la protection de la santé telle qu'elle est garantie par le Préambule de la Constitution de 1946.
4. D'autre part, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Il n'en résulte pas pour autant que le principe d'égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose.
5. Les dispositions contestées de l'article L. 5125-11 du code de la santé publique ont pour objet, conjointement avec les autres dispositions du chapitre V du titre II du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique, relatif aux pharmacies d'officine, de favoriser une répartition équilibrée des officines sur l'ensemble du territoire et de garantir ainsi l'accès de l'ensemble de la population aux services qu'elles offrent. Eu égard, d'une part, au niveau des seuils démographiques auxquels les deux premiers alinéas de cet article conditionnent l'ouverture d'une nouvelle officine, d'autre part, aux dispositions de ses troisième et quatrième alinéas, qui permettent le transfert voire la création d'une nouvelle officine dans une commune dont la population n'atteint pas le seuil de 2 500 habitants lorsque la dernière officine présente sur cette commune a cessé définitivement son activité alors qu'elle desservait une population excédant ce seuil, le législateur a opéré entre l'exercice de la liberté d'entreprendre et l'exigence de protection de la santé une conciliation qui, compte tenu notamment du nombre d'officines existant à la date d'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2007 et alors que par ailleurs les dispositions de l'article L. 4211-3 du même code permettent, " lorsque l'intérêt de la santé publique l'exige ", aux médecins établis dans une commune dépourvue d'officine de pharmacie d'être autorisés à avoir un dépôt de médicaments et à délivrer aux personnes auxquelles ils donnent leurs soins les médicaments et dispositifs médicaux nécessaires à la poursuite du traitement qu'ils ont prescrit, n'est pas manifestement déséquilibrée. En ne prévoyant pas d'autres possibilités de dérogation aux seuils de population applicables en vertu des dispositions de l'article L. 5125-11 du code de la santé publique, fondées notamment sur un critère de distance raisonnable de la population concernée avec une officine de pharmacie, il n'a pas privé de garanties légales les exigences qui résultent de cette dernière. Il n'a pas non plus établi de différences de traitement qui soient sans rapport avec l'objet de la norme qu'il a établie ou disproportionnées entre les habitants de communes selon que leur population est inférieure ou supérieure au seuil ainsi fixé. Par suite, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions portant atteinte à la liberté d'entreprendre, au droit à la santé ou à l'égalité dans l'accès aux soins.
6. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article L. 5125-11 du code de la santé publique porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme n'étant pas de nature à permettre l'admission du pourvoi.
Sur les autres moyens du pourvoi :
7. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".
8. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, M. A...soutient que :
- la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit dans l'application de l'article L. 5125-11 du code de la santé publique en interprétant ces dispositions comme imposant de décompter le délai de deux ans qu'elles prévoient à compter du dernier recensement postérieur à la cessation d'activité de la dernière officine de pharmacie présente dans la commune ;
- en jugeant, pour écarter le moyen tiré de l'atteinte à la liberté d'établissement au sens de l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, que, si les dispositions de l'article L. 5125-11 du code de la santé publique empêchent de façon temporaire la création de pharmacies dans les communes situées dans les zones rurales dénombrant moins de 2 500 habitants, elles autorisent l'ouverture d'une pharmacie par la voie d'un transfert ou d'un regroupement, la cour n'a pas répondu à l'argumentation qu'il avait soulevée tenant à l'absence, aux troisième et quatrième alinéas de cet article, de la possibilité d'une dérogation au critère démographique, et a commis une erreur de droit ;
- la cour a dénaturé les pièces du dossier et les faits de l'espèce en estimant qu'il ne ressortait pas de ces pièces qu'à la date à laquelle le précédent exploitant avait cessé son activité, l'officine desservait une population d'au moins 2 500 habitants et a commis une erreur de droit en ne recherchant pas si les populations des communes de Saint-Clément-de-la-Place et de Brain-sur-Longuenée avaient été prises en compte pour la création ou le transfert des officines environnantes et en se fondant sur les circonstances, qui étaient inopérantes, que six communes situées à moins de dix kilomètres de La Pouëze disposaient d'une officine et que " c'est en raison de la diminution de son activité liée à la conjoncture économique locale que le précédent exploitant a cessé d'exercer ".
9. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.A....
Article 2 : Le pourvoi de M. A...n'est pas admis.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A....
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à la ministre des solidarités et de la santé.