Vu la procédure suivante :
Mme A...D..., M. B... F...et Mme E... C...ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 18 mai 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Nord-Pas-de-Calais a homologué le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi des sociétés Tel and Com, L'enfant d'aujourd'hui et Squadra. Par un jugement n° 1505942, 1506143 du 14 octobre 2015, le tribunal administratif a annulé cette décision.
Par un arrêt n° 15DA01822 du 11 février 2016, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par les sociétés Tel and Com, L'enfant d'aujourd'hui et Squadra contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 mars, 15 avril et 21 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Tel and Com, L'enfant d'aujourd'hui et Squadra demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre solidairement à la charge de MmeD..., M. F... et Mme C... la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-François de Montgolfier, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat des sociétés Tel and Com et autres, et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme D...et autres ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées les 12 et 18 janvier 2018, présentées par les sociétés Tel and Com et autres ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'unité économique et sociale (UES) Tel and Com, composée de la société Squadra et des sociétés Tel and Com et L'enfant d'aujourd'hui, filiales de la société Squadra, a, à la suite de la résiliation des contrats qui liaient ces sociétés aux opérateurs de téléphonie mobile Orange et Bouygues Telecom, cessé son activité de distribution de téléphones mobiles, d'accessoires et de contrats d'abonnement de téléphonie mobile et décidé la fermeture de l'ensemble de ses établissements et le licenciement collectif des 719 salariés des sociétés Tel and Com et L'enfant d'aujourd'hui et de l'un des deux salariés de la société Squadra ; que, par une décision du 18 mai 2015, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Nord - Pas-de-Calais a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de l'UES Tel and Com ; que, par un jugement du 14 octobre 2015, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision en se fondant sur l'insuffisance des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi ; que la société Tel and Com et les deux autres sociétés de l'UES Tel and Com se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 11 février 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté leur appel formé contre ce jugement ;
2. Considérant que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code ; qu'à ce titre, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité ; que l'employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise ; qu'en outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe, celles-ci devant s'entendre, à la date de la décision attaquée, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation ;
3. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que, pour rejeter l'appel formé contre le jugement ayant annulé la décision d'homologation litigieuse, la cour administrative d'appel s'est fondée sur l'insuffisance des recherches de reclassement auprès de deux autres entreprises du groupe Squadra, en relevant, d'une part, l'absence de mention, dans le plan, de deux postes disponibles dans la société Tel and Com Mobile SL et, d'autre part, le caractère tardif des recherches effectuées auprès de la société Com Holding ; qu'en jugeant, ainsi, que l'insuffisance des recherches de postes de reclassement internes au groupe Squadra était, à elle seule, de nature à caractériser une insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, alors qu'il lui appartenait de considérer les mesures du plan dans leur ensemble, pour apprécier si elles étaient propres à satisfaire les objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, la cour administrative d'appel a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, les sociétés Tel and Com et autres sont fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent ;
4. Considérant que le délai de trois mois imparti à la cour administrative d'appel pour statuer par les dispositions de l'article L. 1235-7-1 du code du travail étant expiré, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application des mêmes dispositions, de statuer immédiatement sur l'appel formé par les sociétés Tel and Com et autres contre le jugement du 14 octobre 2015 du tribunal administratif de Lille ;
5. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 2331-1 du code du travail : " Un comité de groupe est constitué au sein d'un groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce " ;
6. Considérant qu'au titre du contrôle qui incombe à l'administration lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il lui appartient notamment d'apprécier, en vertu des dispositions de l'article L. 1233-57-3 du même code, " (...) le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe (...) " ; que, pour l'application de ces dispositions et à la différence de ce qui a été dit au point 2 s'agissant du groupe au sein duquel doivent s'effectuer les recherches de postes de reclassement, les moyens du groupe s'entendent des moyens, notamment financiers, dont disposent l'ensemble des entreprises placées, ainsi qu'il est dit au I de l'article L. 2331-1 du code du travail cité ci-dessus, sous le contrôle d'une même entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce, ainsi que de ceux dont dispose cette entreprise dominante, quel que soit le lieu d'implantation du siège de ces entreprises ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Squadra, qui fait partie de l'UES Tel and Com et qui contrôle les sociétés Tel and Com et L'enfant d'aujourd'hui, est elle-même détenue à 100 % par la société Sarto Finances ; qu'il est constant que, pour estimer suffisantes les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi de l'UES Tel and Com, l'administration n'a pas tenu compte des moyens financiers dont disposait cette société Sarto Finances ; que, la question de savoir si cette société doit être regardée comme une entreprise dominante, au sens des dispositions rappelées au point précédent, n'ayant été débattue ni devant le tribunal administratif ni la cour administrative d'appel, il y a lieu de surseoir à statuer et de rouvrir l'instruction afin de permettre un débat contradictoire en vue du règlement de l'affaire au fond ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 11 février 2016 est annulé.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par les sociétés Tel and Com et autres devant la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Tel and Com et à Mme A...D....
Les autres parties requérantes seront informées de la présente décision par la SCP Baraduc, Duhamel, Bardeix, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat. Les autres parties en défense seront informées de la présente décision et par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représentent devant le Conseil d'Etat.
Copie en sera adressée à la ministre du travail.