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26/01/2018 | FRANCE | N°402269

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 26 janvier 2018, 402269


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée Servicash Anjou a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 à 2009 dans les rôles de la commune d'Angers. Par un jugement n° 1103474 du 28 novembre 2013, le tribunal administratif a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance et rejeté le surplus de cette demande.

Par un arrêt n° 14NT02060 du 9 juin 2016, la cour

administrative d'appel de Nantes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à c...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée Servicash Anjou a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 à 2009 dans les rôles de la commune d'Angers. Par un jugement n° 1103474 du 28 novembre 2013, le tribunal administratif a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance et rejeté le surplus de cette demande.

Par un arrêt n° 14NT02060 du 9 juin 2016, la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé par la société Servicash Anjou contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 août et 9 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Servicash Anjou demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit, dans cette mesure, à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 68-659 du 10 juillet 1968 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Etienne de Lageneste, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Servicash Anjou.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société par actions simplifiée Epigram exerçait une activité de commerce de gros de viandes dans des locaux situés dans l'emprise du marché d'intérêt national d'Angers, qu'elle occupait en vertu d'un contrat de concession conclu avec la société anonyme d'économie mixte Sominval, gestionnaire de ce marché d'intérêt national. Par un jugement du 29 juin 2005, le tribunal de commerce d'Angers a arrêté le plan de cession de la société Epigram au profit de la société par actions simplifiée Erin Finances, conformément aux propositions de cette dernière, qui s'était notamment engagée à reprendre le contrat de concession conclu entre les sociétés Epigram et Sominval. Après la substitution de la société par actions simplifiée Servicash Anjou à la société Erin Finances en qualité de cessionnaire, la cession est intervenue le 1er juillet 2005 en exécution du plan arrêté par le tribunal de commerce. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société Servicash Anjou, l'administration fiscale a regardé cette reprise comme une cession d'établissement au sens de l'article 1518 B du code général des impôts et a en conséquence assujetti la société cessionnaire à des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle au titre des années 2007 à 2009. Après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de la demande de la société Servicash Anjou tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 juin 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur d'un nouveau dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne la procédure d'imposition :

2. Lorsqu'une imposition, telle la taxe professionnelle, est assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le redevable, l'administration ne peut établir, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits de la défense et à défaut d'applicabilité de la procédure de redressement contradictoire prévue par les articles L. 55 à L. 61 du livre des procédures fiscales, mis à même de présenter ses observations. Après avoir relevé que l'administration fiscale avait adressé à la contribuable, le 24 juin 2010, un courrier par lequel elle l'informait de son intention de procéder aux rehaussements en litige et dans lequel étaient mentionnés l'imposition et les années en cause ainsi que le montant des bases qu'elle entendait retenir, la cour administrative d'appel en a déduit que l'administration n'avait pas méconnu les obligations qui lui incombaient au titre du respect du principe général des droits de la défense. La société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en jugeant ainsi alors que l'administration s'était abstenue de faire droit à sa demande de communication du détail des valeurs locatives précédemment déclarées par la société Epigram, la cour aurait entaché son arrêt de dénaturation.

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

3. Aux termes de l'article 1518 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite (...) de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant (...) la cession (...) ". Aux termes de l'article 310 HA de l'annexe II au même code : " (...) l'établissement s'entend de toute installation utilisée par une entreprise en un lieu déterminé, ou d'une unité de production intégrée dans un ensemble industriel ou commercial lorsqu'elle peut faire l'objet d'une exploitation autonome ". Pour l'application de ces dispositions, un établissement doit être regardé comme ayant fait l'objet d'une cession lorsque le même redevable a acquis l'ensemble des éléments mobiliers et immobiliers qui étaient nécessaires à l'exercice autonome de l'activité par le cédant, en vue d'y exercer avec ces moyens sa propre activité.

4. Aux termes de l'article 31 du décret du 10 juillet 1968 portant organisation générale des marchés d'intérêt national, applicable à la date de la reprise des actifs de la société Epigram : " Le titulaire d'une autorisation d'occupation privative peut, dans les conditions fixées ci-après, présenter au gestionnaire un successeur qui sera subrogé dans ses droits. / Le gestionnaire ne peut refuser à la personne présentée comme successeur l'autorisation de s'établir à titre privatif dans un emplacement du marché si cette personne a obtenu l'autorisation préfectorale portée au titre II ci-dessus et remplit les conditions prévues par le présent décret et le règlement intérieur pour exercer une activité conforme à la destination de cet emplacement. / Lorsque le titulaire de la concession d'emplacement désire céder son fonds de commerce, et pourvu qu'il ne se trouve pas frappé par l'une des mesures prévues à l'article 33 ci-après, il peut, s'il a exercé au marché son activité pendant trois ans, présenter au gestionnaire comme successeur le cessionnaire dudit fonds, pour être subrogé dans son droit à occuper le même emplacement ". Il résulte de ces dispositions que, bien que les emplacements compris dans l'enceinte d'un marché d'intérêt national fassent partie du domaine public et que les autorisations de les occuper présentent nécessairement un caractère précaire, les conditions dans lesquelles ces autorisations sont accordées et transmises, qui comportent notamment le droit de présenter un successeur opposable au concédant, en font un élément du patrimoine de l'entreprise qui en est titulaire.

5. Pour juger que l'opération de reprise en litige devait être regardée comme emportant cession de l'ensemble des éléments mobiliers et immobiliers nécessaires à l'exercice autonome, par la société Epigram, de son activité, de sorte qu'elle présentait le caractère d'une cession d'établissement, au sens et pour l'application de l'article 1518 B du code général des impôts, la cour administrative d'appel a notamment relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que si cette cession n'avait pu porter sur les locaux occupés par la société Epigram dans l'enceinte du marché d'intérêt national d'Angers, lesquels faisaient partie du domaine public, il n'était pas contesté que le contrat de concession conclu entre la société gestionnaire de ce marché et la société Epigram avait été repris par la société Servicash Anjou, conformément aux engagements pris par la société Erin Finances, au vu desquels le tribunal de commerce d'Angers avait arrêté le plan de cession. La société requérante n'est pas fondé à soutenir que la cour aurait entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant que le contrat de concession d'emplacement pouvait faire l'objet d'une cession, alors même que, ainsi que le soutient la société requérante, celle-ci serait subordonnée à l'accord de la société gestionnaire du marché. En jugeant, après avoir constaté que la concession d'emplacement avait été cédée à la société Servicah Anjou en même temps que les autres éléments nécessaires à son activité, que, même en l'absence de cession des locaux occupés par la société Epigram, l'opération devait être regardée comme une cession d'établissement, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de qualification juridique des faits.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Servicash Anjou n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Par suite, son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Servicash Anjou est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Servicash Anjou et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 402269
Date de la décision : 26/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RÉGLEMENTATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES - ACTIVITÉS SOUMISES À RÉGLEMENTATION - MARCHÉS D'INTÉRÊT NATIONAL - REPRISE D'UN CONTRAT DE CONCESSION PORTANT SUR UN EMPLACEMENT COMPRIS DANS L'ENCEINTE D'UN MARCHÉ D'INTÉRÊT NATIONAL - APPARTENANT AU DOMAINE PUBLIC - NOTION DE CESSION D'ÉTABLISSEMENT POUR LA DÉTERMINATION DE LA VALEUR LOCATIVE PLANCHER DES IMMOBILISATIONS CORPORELLES (ART - 1518 B DU CGI) - INCLUSION.

14-02-01-04 Reprise par une société A d'un contrat de concession conclu par une société B, conformément aux engagements pris par celle-ci, portant sur un emplacement compris dans l'enceinte d'un marché d'intérêt national (MIN), appartenant au domaine public.,,,Le contrat de concession d'emplacement devait être regardé comme pouvant faire l'objet d'une cession, alors même que celle-ci était subordonnée à l'accord de la société gestionnaire du marché. La concession d'emplacement ayant été cédée en même temps que les autres éléments nécessaires à l'activité de la société B, l'opération de reprise devait ainsi être regardée comme emportant cession de l'ensemble des éléments mobililers et immobiliers nécessaires à l'exercice de son activité, de sorte qu'elle présentait le caractère d'une cession d'établissement au sens et pour l'application de l'article 1518 B du code général des impôts (CGI).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - QUESTIONS COMMUNES - VALEUR LOCATIVE DES BIENS - VALEUR LOCATIVE PLANCHER DES IMMOBILISATIONS CORPORELLES ACQUISES À LA SUITE DE CESSIONS D'ÉTABLISSEMENTS (ART - 1518 B DU CGI) - NOTION DE CESSION D'ÉTABLISSEMENT - REPRISE D'UN CONTRAT DE CONCESSION PORTANT SUR UN EMPLACEMENT COMPRIS DANS L'ENCEINTE D'UN MARCHÉ D'INTÉRÊT NATIONAL - APPARTENANT AU DOMAINE PUBLIC - INCLUSION.

19-03-01-02 Reprise par une société A d'un contrat de concession conclu par une société B, conformément aux engagements pris par celle-ci, portant sur un emplacement compris dans l'enceinte d'un marché d'intérêt national (MIN), appartenant au domaine public.,,,Le contrat de concession d'emplacement devait être regardé comme pouvant faire l'objet d'une cession, alors même que celle-ci était subordonnée à l'accord de la société gestionnaire du marché. La concession d'emplacement ayant été cédée en même temps que les autres éléments nécessaires à l'activité de la société B, l'opération de reprise devait ainsi être regardée comme emportant cession de l'ensemble des éléments mobililers et immobiliers nécessaires à l'exercice de son activité, de sorte qu'elle présentait le caractère d'une cession d'établissement au sens et pour l'application de l'article 1518 B du code général des impôts (CGI).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - TAXE PROFESSIONNELLE - ASSIETTE - VALEUR LOCATIVE PLANCHER DES IMMOBILISATIONS CORPORELLES ACQUISES À LA SUITE DE CESSIONS D'ÉTABLISSEMENTS (ART - 1518 B DU CGI) - NOTION DE CESSION D'ÉTABLISSEMENT - REPRISE D'UN CONTRAT DE CONCESSION PORTANT SUR UN EMPLACEMENT COMPRIS DANS L'ENCEINTE D'UN MARCHÉ D'INTÉRÊT NATIONAL - APPARTENANT AU DOMAINE PUBLIC - INCLUSION.

19-03-04-04 Reprise par une société A d'un contrat de concession conclu par une société B, conformément aux engagements pris par celle-ci, portant sur un emplacement compris dans l'enceinte d'un marché d'intérêt national (MIN), appartenant au domaine public.,,,Le contrat de concession d'emplacement devait être regardé comme pouvant faire l'objet d'une cession, alors même que celle-ci était subordonnée à l'accord de la société gestionnaire du marché. La concession d'emplacement ayant été cédée en même temps que les autres éléments nécessaires à l'activité de la société B, l'opération de reprise devait ainsi être regardée comme emportant cession de l'ensemble des éléments mobililers et immobiliers nécessaires à l'exercice de son activité, de sorte qu'elle présentait le caractère d'une cession d'établissement au sens et pour l'application de l'article 1518 B du code général des impôts (CGI).


Publications
Proposition de citation : CE, 26 jan. 2018, n° 402269
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Etienne de Lageneste
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:402269.20180126
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