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08/11/2017 | FRANCE | N°394764

France | France, Conseil d'État, 4ème - 5ème chambres réunies, 08 novembre 2017, 394764


Vu la procédure suivante :

Mme W...A..., M. O...E..., M. S...P..., M. H...F..., M. L...C..., Mme Q...B..., Mme G...M...et Mme R...D..., d'une part, M. K... X..., M. J...I...et M. U...N..., d'autre part, et M. Y...et M. V...T...ont saisi le tribunal administratif de Nancy de trois requêtes aux fins d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du conseil d'administration de l'université de Lorraine du 20 novembre 2012 en tant que, en son point 4 a), elle harmonise les règles régissant le temps de travail pour les personnels " Bibliothèques, Ingénieurs, Administratifs, Technic

iens, Social, Santé " (BIATSS), ainsi que les annexes 1 et 2 de...

Vu la procédure suivante :

Mme W...A..., M. O...E..., M. S...P..., M. H...F..., M. L...C..., Mme Q...B..., Mme G...M...et Mme R...D..., d'une part, M. K... X..., M. J...I...et M. U...N..., d'autre part, et M. Y...et M. V...T...ont saisi le tribunal administratif de Nancy de trois requêtes aux fins d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du conseil d'administration de l'université de Lorraine du 20 novembre 2012 en tant que, en son point 4 a), elle harmonise les règles régissant le temps de travail pour les personnels " Bibliothèques, Ingénieurs, Administratifs, Techniciens, Social, Santé " (BIATSS), ainsi que les annexes 1 et 2 de cette délibération. Par un jugement n° 1300100, 1300101 et 1300102 du 13 mai 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.

Par un arrêt n° 14NC01330 du 24 septembre 2015, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur l'appel de MmeA..., M.E..., M.P..., M.F..., M.C..., Mme B..., Mme M...et MmeD..., annulé ce jugement et le point 4 a) de la délibération du 20 novembre 2012 ainsi que ses annexes 1 et 2.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 23 novembre 2015 et 22 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'université de Lorraine demande :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de MmeA..., M.E..., M. P..., M.F..., M.C..., MmeB..., Mme M...et Mme D...;

3°) de mettre à la charge de ces derniers la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 2011-1169 du 22 septembre 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Tiphaine Pinault, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Balat, avocat de l'université de Lorraine et à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de Mme A...et autres ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

1. Considérant, en premier lieu, que le mémoire en défense produit par l'université de Lorraine devant la cour administrative d'appel ne contenait - mise à part une fin de non-recevoir que la cour a analysée dans ses visas, ainsi qu'elle devait le faire, et à laquelle elle a répondu dans ses motifs - qu'une argumentation tendant à réfuter les moyens invoqués devant elle par les appelants ; que, dès lors, la cour pouvait, sans entacher son arrêt d'irrégularité, viser ce mémoire en se bornant, sur ce point, à relever que le défendeur concluait au rejet de la requête, sans être tenue d'analyser chacun de ses arguments ;

2. Considérant, en second lieu, que dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci ; qu'il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser ; que, s'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser ;

3. Considérant que les appelants ont déposé, la veille de la lecture de l'arrêt de la cour, une note en délibéré qui, contrairement à ce qu'indique le pourvoi, figure dans les pièces du dossier d'appel mis à la disposition de la requérante après l'introduction de son pourvoi sommaire ; qu'il résulte des motifs de l'arrêt attaqué que la cour ne s'est fondée, pour statuer, sur aucun élément nouveau produit après la clôture de l'instruction à l'appui de cette note en délibéré ; que, par suite, l'université de Lorraine n'est pas fondée à soutenir que l'arrêt attaqué, qui a visé cette note sans l'analyser, aurait été rendu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, faute pour la cour d'avoir rouvert l'instruction pour la lui communiquer ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 7 du décret du 22 septembre 2011 portant création de l'université de Lorraine : " Le conseil d'administration comprend, outre le président, trente membres : / 1° Sept personnalités extérieures à l'établissement désignées par les directeurs des collégiums et des pôles scientifiques réunis en assemblée, selon des modalités fixées par le règlement intérieur, dont au moins :/a) Un chef d'entreprise ou cadre dirigeant d'entreprise ; /b) Un autre acteur du monde économique et social ; / 2° Un représentant du conseil régional de Lorraine et deux représentants d'autres collectivités territoriales ou de leurs groupements, déterminés par règlement intérieur, sur le territoire desquels est implanté l'établissement (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il revient aux directeurs des " collégiums " et des " pôles scientifiques ", réunis en assemblée, de désigner les sept personnalités extérieures siégeant au conseil d'administration de l'université, en vertu du 1° cité ci dessus, lesquelles doivent notamment comprendre un chef d'entreprise ou un cadre dirigeant d'entreprise et un autre acteur du monde économique et social ; que les trois autres personnalités extérieures appelées à siéger au conseil d'administration de l'université, en vertu du 2° cité ci-dessus, sont un représentant du conseil régional de Lorraine et deux représentants d'autres collectivités territoriales ou de leurs groupements ; qu'à ce titre, il appartient au règlement intérieur de l'université, d'une part, d'arrêter les modalités par lesquelles les sept personnalités extérieures visées au 1° de l'article 7 cité plus haut seront désignées par les directeurs des " collégiums " et des " pôles scientifiques " réunis en assemblée et, d'autre part, d'identifier les collectivités territoriales ou les groupements dont deux représentants doivent être nommés au titre du 2° des mêmes dispositions ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le règlement intérieur de l'université de Lorraine, dans sa version applicable au litige, après avoir indiqué que les collectivités territoriales ou les groupements de collectivités appelés à désigner deux représentants en vertu du 2° de l'article 7 du décret du 22 septembre 2011 sont la communauté d'agglomération de Metz-Métropole et la communauté urbaine du Grand Nancy, prévoit qu' " en outre, pendant la période 2012-2014, deux des sept sièges définis à l'article 7.1 du décret portant création de l'université de Lorraine seront réservés aux conseils généraux de Meurthe et Moselle et Moselle " ; qu'en jugeant que ces dispositions, qui ajoutent deux représentants de collectivités territoriales à ceux que prévoit déjà le 2° de l'article 7 du décret du 22 septembre 2011 et les imputent sur le nombre de personnalités extérieures devant être nommées en application du 1° du même article, violaient les dispositions de ce décret, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant, en second lieu, que la cour, pour relever que les représentants des conseils généraux de Meurthe-et-Moselle et de Moselle avaient été désignés le 23 mars 2012 en application des dispositions illégales du règlement intérieur, par l'assemblée des directeurs des " collegiums " et des " pôles scientifiques ", a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu'ils l'avaient été en qualité de représentants de ces collectivités territoriales et non, ainsi que l'exige le 1° de l'article 7 du décret du 22 septembre 2011 précité, intuitu personae ; qu'en jugeant, par suite, que la décision litigieuse du conseil d'administration de l'université de Lorraine avait été prise par un conseil dont la composition était entachée d'illégalité, la cour, devant laquelle n'était pas contesté le caractère non définitif des nominations en cause, n'a pas commis d'erreur de droit ; que son arrêt est suffisamment motivé sur ce point ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de l'université de Lorraine doit être rejeté, y compris les conclusions qu'elle présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université de Lorraine une somme de 375 euros à verser à chacun des défendeurs, sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'université de Lorraine est rejeté.

Article 2 : L'université de Lorraine versera à MmeA..., M.E..., M.P..., M.F..., M. C..., MmeB..., Mme M...et Mme D...la somme de 375 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'université de Lorraine, à Mme W...A..., M. O...E..., M. S...P..., M. H...F..., M. L...C..., Mme Q...B..., Mme G...M..., Mme R...D...et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.


Synthèse
Formation : 4ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 394764
Date de la décision : 08/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-07-01-04-04 PROCÉDURE. POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE. QUESTIONS GÉNÉRALES. MOYENS. EXCEPTION D'ILLÉGALITÉ. - ILLÉGALITÉ DE LA DÉSIGNATION DE MEMBRES D'UN ORGANISME COLLÉGIAL PRISE EN APPLICATION D'UN RÈGLEMENT LUI-MÊME ILLÉGAL, SOULEVÉE À L'APPUI DE CONCLUSIONS DIRIGÉES CONTRE UNE DÉLIBÉRATION DE CET ORGANISME - 1) OPÉRANCE - EXISTENCE [RJ1] - 2) RECEVABILITÉ - EXISTENCE TANT QUE LES DÉSIGNATIONS AU SEIN DE CET ORGANISME NE SONT PAS DEVENUES DÉFINITIVES.

54-07-01-04-04 1) L'illégalité de la désignation des membres d'un organisme collégial prise en application d'un règlement illégal peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une délibération de cet organisme. 2) Une telle exception d'illégalité n'est recevable que tant que ces désignations au sein de l'organisme ne sont pas devenues définitives.


Références :

[RJ1]

Cf., sur les conditions d'opérance d'une exception d'illégalité, CE, Section, 11 juillet 2011, Société d'équipement du département de Maine-et-Loire Sodemel et ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, n°s 320735, 320854, p. 347.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 nov. 2017, n° 394764
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Tiphaine Pinault
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP DE NERVO, POUPET ; BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:394764.20171108
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