Vu la procédure suivante :
Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'association interdépartementale et régionale pour le développement de l'insertion économique à lui verser la somme de 41 068,67 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de fautes commises dans la gestion de la procédure destinée à la faire bénéficier du dispositif dénommé " nouvel accompagnement à la création et à la reprise d'entreprise " lors de la création de son entreprise. Par un jugement n° 1203743 du 1er juillet 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Par un arrêt n° 14MA03953 du 15 mars 2016, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 mars 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 15 septembre 2014 au greffe de cette cour, présenté par Mme A...contre ce jugement.
Par ce pourvoi, ainsi que par un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 juin et 2 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er juillet 2014 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'association interdépartementale et régionale pour le développement de l'insertion économique la somme de 1 500 euros, à verser à la SCP Lesourd, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
-la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 ;
- la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Thoumelou, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lesourd, avocat de Mme A...et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'association interdépartementale et régionale pour le développement de l'insertion économique.
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, aux termes de l'article L. 5141-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " L'Etat peut, par convention, participer au financement d'actions d'accompagnement et de conseil organisées avant la création ou la reprise d'une entreprise et pendant les trois années suivantes. Ces actions peuvent bénéficier à des personnes sans emploi ou rencontrant des difficultés pour s'insérer durablement dans l'emploi, pour lesquelles la création ou la reprise d'entreprise est un moyen d'accès, de maintien ou de retour à l'emploi (...) ". L'article L. 5141-6 du même code renvoie à un décret en Conseil d'Etat les conditions d'application de ces dispositions et " notamment les conditions dans lesquelles la décision d'attribution des aides peut être déléguée à des organismes habilités par l'Etat ". A ce titre, l'article R. 5141-1 du même code dispose que : " Les aides destinées aux personnes qui créent ou reprennent une entreprise, ou qui entreprennent l'exercice d'une autre profession non salariée, prévues au présent chapitre, comprennent : / (...) 4° Le financement partiel par l'Etat des actions de conseil et d'accompagnement au bénéfice des créateurs ou repreneurs d'entreprises en application de l'article L. 5141-5 du code du travail " et l'article R. 5141-29 de ce code, dans sa rédaction alors applicable, que : " Les actions de conseil et d'accompagnement mentionnées au 4° de l'article R. 5141-1 sont réalisées par un opérateur avec lequel l'Etat passe à cet effet une convention. / Les actions sont réalisées dans le cadre d'un parcours comportant les trois phases suivantes : / 1° Une phase d'aide au montage, d'une durée maximum de quatre mois pour un projet de création et de six mois pour un projet de reprise d'entreprise ; / 2° Une phase d'aide à la structuration financière, d'une durée maximum de quatre mois pour un projet de création d'entreprise et de six mois pour un projet de reprise d'entreprise ; / 3° Une phase d'accompagnement du démarrage et du développement de l'activité de l'entreprise immatriculée ou bénéficiant d'une dispense d'immatriculation en application de l'article L. 123-1-1 du code de commerce, d'une durée fixe de trente-six mois. (...) ". L'article R. 5141-30 précise que : " Les personnes mentionnées à l'article L. 5141-5 peuvent solliciter auprès des opérateurs conventionnés de leur choix le bénéfice des actions de conseil et d'accompagnement prévues à l'article R. 5141-29. Elles peuvent demander à entrer dans le parcours à n'importe laquelle des phases prévues par cet article. Elles peuvent s'adresser pour chaque phase à un opérateur différent de celui qui les a accompagnées au cours de la phase précédente (...) ". Enfin, les articles R. 5141-31 et R. 5141-32 prévoient respectivement qu'" en cas d'acceptation de la demande, l'opérateur conclut avec la personne, par délégation de l'Etat, un contrat d'accompagnement " et que " les décisions de refus d'accompagnement et de résiliation du contrat d'accompagnement peuvent faire l'objet d'un recours hiérarchique devant le préfet de région ".
2. D'autre part, aux termes du III de l'article 80 de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale : " 1. L'Etat finance, par des crédits ouverts en loi de finances, un fonds ayant pour objet de garantir des prêts à des fins sociales. (...) / 2. Les prêts garantis par le fonds sont : (...) d) Les prêts accordés dans le cadre du dispositif " Nouvel accompagnement pour la création et la reprise d'entreprise " qui est destiné aux publics éloignés de l'emploi, qui créent ou reprennent une entreprise (...) ". L'article 101 de la loi du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 prévoit, en outre, l'engagement de la garantie de l'Etat en cas d'épuisement des ressources du fonds de garantie.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeA..., bénéficiaire du revenu de solidarité active, a été admise le 26 août 2011 à bénéficier du dispositif dénommé " nouvel accompagnement à la création et à la reprise d'entreprise " (NACRE) relevant de l'article L. 5141-5 du code du travail, au titre de la phase d'aide à la structuration financière du parcours d'actions de conseil et d'accompagnement prévu par l'article R. 5141-29 du code du travail. Dans ce cadre, elle a soumis à l'association interdépartementale et régionale pour le développement de l'insertion économique, opérateur conventionné par l'Etat, un projet de création d'entreprise de prothésiste ongulaire et de vente de machines à impression sur ongles, pour lequel elle a sollicité l'obtention d'un prêt à taux zéro d'un montant de 7 000 euros, dont l'octroi peut être accordé dans le cadre du dispositif " NACRE ". Le 8 septembre 2011, le comité des engagements de cette association, chargé d'examiner sa demande, a ajourné sa décision au motif qu'il convenait de vérifier la réalité de la rentabilité du projet et de procéder à une étude plus approfondie des conditions d'exploitation du local commercial retenu. Ce comité a, le 22 septembre 2011, de nouveau ajourné sa décision en estimant que les emprunts envisagés par Mme A...l'exposaient à un taux d'endettement trop élevé. Mme A...ayant alors conclu un bail commercial pour l'exploitation d'un local au loyer mensuel de 400 euros, le comité a, le 6 octobre 2011, donné son accord au prêt sollicité, pour une durée de soixante mois, ainsi qu'à une garantie partielle du groupe associatif France Active à un emprunt bancaire complémentaire de 8 000 euros.
4. Le 5 juin 2012, Mme A...a demandé à l'association interdépartementale et régionale pour le développement de l'insertion économique de l'indemniser des préjudices, tels que des frais supplémentaires et une clientèle moindre que celle attendue, qu'elle estime avoir subis en raison d'un retard pris dans le déblocage des fonds sollicités et de l'obligation dans laquelle elle se serait trouvée d'installer son entreprise dans un local moins adapté, à son avis, à la création de sa clientèle que celui qu'elle avait initialement retenu. L'association ayant rejeté sa demande, Mme A...a saisi le tribunal administratif de Montpellier qui, par un jugement du 1er juillet 2014, a rejeté sa requête comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
5. Il résulte de l'ensemble des dispositions mentionnées au point 1 que les opérateurs conventionnés par l'Etat pour réaliser les actions de conseil et d'accompagnement au bénéfice des créateurs ou repreneurs d'entreprise en application de l'article L. 5141-5 du code du travail agissent dans ce cadre par délégation de l'Etat et disposent à cette fin de financements publics. Les décisions prises par ces opérateurs dans ce cadre et notamment sur les demandes de prêt sans intérêt garantis sur ressources budgétaires de l'Etat dont ils sont saisis doivent donc être regardées comme l'étant au nom et pour le compte de l'Etat. Par suite, une action en responsabilité fondée sur une faute commise lors de l'instruction d'une telle demande de prêt relève de la compétence de la juridiction administrative, alors même que l'opérateur agissant par délégation est une personne morale de droit privé. Mme A...est, dès lors, fondée à soutenir que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en rejetant sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, et à demander pour ce motif l'annulation de son jugement.
6. Mme A...ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Lesourd renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'association interdépartementale et régionale pour le développement de l'insertion économique la somme de 1 500 euros à verser à cette société. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeA..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'association interdépartementale et régionale pour le développement de l'insertion économique.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er juillet 2014 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montpellier.
Article 3 : L'association interdépartementale et régionale pour le développement de l'insertion économique versera à la SCP Lesourd une somme de 1 500 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Les conclusions de l'association interdépartementale et régionale pour le développement de l'insertion économique présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et à l'association interdépartementale et régionale pour le développement de l'insertion économique.
Copie en sera adressée à la ministre du travail.