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26/06/2017 | FRANCE | N°396319

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 26 juin 2017, 396319


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

En premier lieu, la société Clinique Saint-Antoine a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner l'agence régionale de l'hospitalisation de Corse à lui verser la somme de 1 107 102,10 euros en réparation du préjudice résultant pour elle de la perte du coefficient de haute technicité pour l'année 2005. Par un jugement n°s 0500560, 0500561, 0801156 du 12 mars 2009, le tribunal administratif de Bastia a condamné l'agence régionale de l'hospitalisation de Corse à verser à la société Clinique

Saint-Antoine la somme de 710 456 euros, augmentée des intérêts, mis à la char...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

En premier lieu, la société Clinique Saint-Antoine a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner l'agence régionale de l'hospitalisation de Corse à lui verser la somme de 1 107 102,10 euros en réparation du préjudice résultant pour elle de la perte du coefficient de haute technicité pour l'année 2005. Par un jugement n°s 0500560, 0500561, 0801156 du 12 mars 2009, le tribunal administratif de Bastia a condamné l'agence régionale de l'hospitalisation de Corse à verser à la société Clinique Saint-Antoine la somme de 710 456 euros, augmentée des intérêts, mis à la charge de l'agence régionale les frais de l'expertise d'un montant de 7 196,76 euros et rejeté le surplus des conclusions de la société.

Par un arrêt n° 09MA01554 du 14 mai 2012, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Bastia du 12 mars 2009 en tant qu'il condamnait l'agence régionale de l'hospitalisation de Corse à verser à la société Clinique Saint-Antoine une somme excédant 206 402 euros et l'article 3 du même jugement, rejeté les conclusions indemnitaires présentées par la société clinique Saint-Antoine restant en litige et les conclusions de son appel incident tendant au versement d'une somme de 396 656 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2005, et a mis les frais de l'expertise à la charge de cette dernière.

En second lieu, la société Clinique Saint-Antoine a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner l'agence régionale de l'hospitalisation de Corse à lui verser la somme de 1 431 982,84 euros en réparation du préjudice résultant pour elle de la suppression du coefficient de haute technicité et de l'autorisation de chirurgie en soins particulièrement coûteux pour les années 2006 à 2008, augmentée des intérêts de droit à compter du 23 mars 2009. Par un jugement n° 0900797 du 17 juin 2010, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 10MA03131 du 14 mai 2012, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Clinique Saint-Antoine contre le jugement du tribunal administratif de Bastia du 17 juin 2010.

Par une décision n°s 360376 et 360377 du 23 juillet 2014, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi des pourvois de la société Clinique Saint-Antoine, a annulé les arrêts n°s 09MA01554 et 10MA03131 de la cour administrative d'appel de Marseille du 14 mai 2012 et renvoyé les affaires à cette cour.

Par un arrêt n° 14MA03512 du 26 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a ramené à 206 402,09 euros la somme que l'agence régionale de l'hospitalisation de Corse a été condamnée à verser à la société Clinique Saint-Antoine par l'article 2 du jugement du 12 mars 2009 du tribunal administratif de Bastia, mis les frais d'expertise pour moitié à la charge de l'agence régionale de santé de Corse et pour moitié à la charge de la société, réformé le jugement du 12 mars 2009 du tribunal administratif de Bastia en ce qu'il a de contraire et rejeté le surplus des conclusions présentées devant elle par l'agence régionale de santé de Corse et par la société Clinique Saint-Antoine.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 22 janvier 2016, 21 avril 2016, 2 mai 2017 et 16 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Clinique Saint-Antoine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 26 novembre 2015 en tant qu'il lui fait grief ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à ses conclusions d'appel et de rejeter l'appel de l'agence régionale de santé de Corse ;

3°) de mettre à la charge de l'agence régionale de santé de Corse la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 ;

- le décret n° 2004-1539 du 30 décembre 2004 ;

- l'arrêté du 29 juin 1978 modifiant un précédent arrêté relatif aux critères et aux procédures de classement applicables aux établissements privés mentionnés à l'article L. 275 du code de la sécurité sociale et prévu par l'article 2 du décret n° 73-183 du 22 février 1973 ;

- l'arrêté du 31 janvier 2005 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la Société Clinique Saint-Antoine, et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'agence régionale de la santé de Corse.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Clinique Saint-Antoine, qui est un établissement de santé privé à but lucratif, a conclu, en application des dispositions du code de la santé publique, un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens avec l'agence régionale de l'hospitalisation de Corse. Pour la mise en oeuvre de la tarification à l'activité décidée par la loi du 20 décembre 2002 de financement de la sécurité sociale pour 2003, et selon les conditions prévues par l'article 33 de la loi du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004, ainsi que par le décret du 30 décembre 2004 pris pour son application, la commission exécutive de l'agence a, par une délibération du 22 février 2005, approuvé les avenants aux contrats des établissements de la région fixant un " coefficient de transition " applicable à compter du 1er mars 2005 aux tarifs de ces établissements, ainsi que, dans le cas particulier de la clinique, un " coefficient de haute technicité ". Toutefois, ce dernier coefficient n'a été repris ni par la décision du 16 mars 2005 par laquelle le directeur de l'agence lui a notifié les tarifs définitifs qui lui étaient applicables à compter du 1er mars 2005, ni par la nouvelle délibération de la commission exécutive de l'agence du 2 août 2005 approuvant de nouveau les avenants aux contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens. Par deux jugements des 12 mars 2009 et 17 juin 2010, le tribunal administratif de Bastia a, respectivement, condamné l'agence à verser à la clinique Saint-Antoine la somme de 710 456 euros en réparation du préjudice né du retrait illégal du coefficient de haute technicité pour l'année 2005 et rejeté les conclusions de la clinique tendant à la condamnation de l'agence à l'indemniser des préjudices qu'elle estimait avoir subis du même fait au titre des années 2006 à 2008. Par l'arrêt du 26 novembre 2015, contre lequel la clinique se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, fait partiellement droit à l'appel formé par l'agence contre le jugement du tribunal administratif de Bastia du 12 mars 2009, en limitant l'indemnité qu'elle devait verser à la clinique au titre de l'année 2005 à la somme de 206 402,09 euros correspondant à la perte due à l'absence d'attribution du " coefficient de haute technicité ", à l'exclusion de toute indemnisation au titre de la perte de journées non facturées en " supplément soins particulièrement coûteux " et de l'affaiblissement financier de la clinique, ainsi qu'en répartissant entre elles les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal et, d'autre part, rejeté l'appel de la clinique contre le jugement du même tribunal du 17 juin 2010, qui avait rejeté sa demande d'indemnisation portant sur les années 2006 à 2008.

2. Le ministre des affaires sociales et de la santé justifie, contrairement à ce que soutient la clinique, d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêt attaqué. Ainsi, son intervention, qui s'associe aux conclusions du défendeur, est recevable.

3. En premier lieu, il ressort des mentions de l'arrêt attaqué que la cour, qui a statué par un seul arrêt sur l'appel formé par l'agence régionale de santé de Corse, venant aux droits de l'agence régionale de l'hospitalisation, contre le jugement du tribunal administratif de Bastia du 12 mars 2009 et sur celui formé par la société contre le jugement du même tribunal du 17 juin 2010 et a regroupé, dans les visas de son arrêt, pour chaque partie à ces deux litiges, les mémoires produits, n'a pas omis, dans les visas ainsi présentés, de viser et analyser, au titre des productions de la société Clinique Saint-Antoine, les mémoires en défense que cette société a déposés au titre de l'appel formé par l'agence contre le jugement du 12 mars 2009, ainsi que les conclusions et moyens qu'ils comportent, y compris les conclusions de son appel incident. La clinique Saint-Antoine n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la cour aurait entaché son arrêt d'irrégularité faute d'avoir visé et analysé l'ensemble de ses mémoires en défense, et notamment ses conclusions incidentes.

4. En second lieu, aux termes du IV de l'article 33 de la loi du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004, dans sa rédaction applicable, pour l'année 2005, aux établissements de santé privés à but lucratif ayant conclu un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens avec l'agence régionale de l'hospitalisation : " Pour les années 2005 à 2012, l'Etat fixe (...) des coefficients de transition moyens régionaux ainsi que les écarts maximums entre les tarifs nationaux et les tarifs des établissements (...) de la région après application de leur coefficient de transition. Les coefficients de transition moyens régionaux atteignent la valeur 1 au plus tard en 2012. / L'Etat fixe les règles générales de modulation du coefficient de transition entre les établissements de la région, dans le respect des dispositions prévues à l'article L. 162-22-10 du même code. / Les tarifs des prestations mentionnées au 1° de l'article L. 162-22-6 du même code applicables à chacun des établissements de santé (...) sont fixés dans le cadre d'un avenant tarifaire à leur contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens en appliquant le coefficient de transition et, le cas échéant, le coefficient de haute technicité propres à l'établissement aux tarifs nationaux des prestations affectés, le cas échéant, d'un coefficient géographique. (...) ". L'article 6 du décret du 30 décembre 2004 pris pour l'application de ces dispositions a précisé les règles de calcul des " coefficients de transition moyens régionaux ", du " coefficient de transition " de chaque établissement, ainsi que du " coefficient de haute technicité ", lequel est fonction de l'importance, dans les recettes tirées de son activité, " des produits relatifs au classement en chirurgie à soins particulièrement coûteux ".

5. Aux termes de l'annexe A de l'arrêté du 29 juin 1978 relatif aux critères et aux procédures de classement applicables aux établissements privés de santé : " Pour pouvoir bénéficier d'un classement en chirurgie à soins particulièrement coûteux, l'établissement devra avoir un service de chirurgie d'une capacité minimum de 60 lits, classés en catégorie A. / Ce classement pourra éventuellement être retenu : (...) b) Pour les services de capacité d'au moins 45 lits développant une activité chirurgicale à soins particulièrement coûteux d'un volume suffisant pour correspondre à l'occupation permanente de 5 lits ; (...) ".

6. Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 31 janvier 2005 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie : " (...) I.- Les forfaits "groupes homogènes de séjours" sont facturés dans les conditions suivantes : (...) (...) 7° Lorsque le patient est pris en charge dans un établissement ou un service bénéficiant d'un classement hors catégorie en application des dispositions de l'arrêté du 29 juin 1978 susvisé, les établissements (...) peuvent facturer un des suppléments suivants : / a) Un supplément dénommé "supplément soins particulièrement coûteux" (SRA) pour chaque journée où le patient est pris en charge (...) dans un lit classé en chirurgie à soins particulièrement coûteux en application des dispositions de l'annexe A du même arrêté et bénéficiant d'une reconnaissance de soins hautement coûteux en chirurgie (...) ".

7. Tout d'abord, d'une part, la cour a relevé que la société Clinique Saint-Antoine, qui ne disposait que de quarante-sept lits de chirurgie et ne satisfaisait pas aux conditions permettant d'obtenir ce classement, n'avait déposé aucun dossier de demande de classement en " chirurgie à soins particulièrement coûteux ", au sens de l'arrêté du 29 juin 1978. D'autre part, s'il résulte des dispositions de l'article 6 du décret du 30 décembre 2004 citées au point 4 que les lits classés en chirurgie à soins particulièrement coûteux sont en principe de nature à ouvrir droit à l'attribution à l'établissement du coefficient de haute technicité, la circonstance que la clinique se soit vu attribuer un tel coefficient ne saurait par elle-même révéler l'existence d'une décision implicite de classement en " chirurgie à soins particulièrement coûteux ". La cour, qui a ainsi jugé, par un arrêt suffisamment motivé, que la clinique ne pouvait se prévaloir d'aucune décision de classement en chirurgie à soins particulièrement coûteux sur le fondement de l'arrêté du 29 juin 1978, n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant qu'elle ne pouvait prétendre, ni en ce qui concerne l'année 2005, ni en ce qui concerne les années 2006 à 2008, au " supplément soins particulièrement coûteux " prévu par les dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 31 janvier 2005 et par les dispositions similaires des arrêtés des 5 mars 2006 et 27 février 2007, lesquelles, au demeurant, ne pouvaient être appliquées en l'absence de précision des critères et de la procédure de " reconnaissance de soins hautement coûteux en chirurgie " à laquelle le supplément est également subordonné.

8. Enfin, la clinique ne tirait de l'attribution d'un coefficient de haute technicité pour l'année 2005 aucun droit acquis à l'attribution d'un tel coefficient pour les années suivantes. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le refus de l'agence régionale de l'hospitalisation de lui attribuer ce coefficient au cours des années 2006 à 2008 ne pouvait être regardé comme procédant illégalement au retrait d'une décision créatrice de droit.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Clinique Saint-Antoine n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'agence régionale de santé de Corse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Clinique Saint-Antoine la somme de 3 000 euros à verser à l'agence régionale de santé de Corse.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention du ministre des affaires sociales et de la santé est admise.

Article 2 : Le pourvoi de la société Clinique Saint-Antoine est rejeté.

Article 3 : La société Clinique Saint-Antoine versera à l'agence régionale de santé de Corse une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Clinique Saint-Antoine, à l'agence régionale de santé de Corse et à la ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 396319
Date de la décision : 26/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2017, n° 396319
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Marguerite
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:396319.20170626
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