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07/06/2017 | FRANCE | N°386579

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 07 juin 2017, 386579


Vu la procédure suivante :

La société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton a demandé au tribunal administratif de Montreuil de majorer les déficits d'ensemble du groupe fiscalement intégré dont elle est la tête pour les exercices clos de 2001 à 2004, à hauteur respectivement de 1 408 860 euros, 1 041 145 euros, 714 054 euros et 696 980 euros. Par un jugement n° 1009453 du 24 novembre 2011, le tribunal a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 12VE00639 du 18 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du ministre du budget, des comptes

publics et de la réforme de l'Etat, annulé l'article 1er de ce jugement en...

Vu la procédure suivante :

La société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton a demandé au tribunal administratif de Montreuil de majorer les déficits d'ensemble du groupe fiscalement intégré dont elle est la tête pour les exercices clos de 2001 à 2004, à hauteur respectivement de 1 408 860 euros, 1 041 145 euros, 714 054 euros et 696 980 euros. Par un jugement n° 1009453 du 24 novembre 2011, le tribunal a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 12VE00639 du 18 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, annulé l'article 1er de ce jugement en tant qu'il a majoré les déficits d'ensemble constatés par la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton au titre de ses exercices clos de 2001 à 2004 à concurrence du montant des retenues à la source acquittées par la société Givenchy aux Etats-Unis, en Italie, au Japon, en Corée du Sud et au Mexique, puis rejeté le surplus des conclusions du recours.

Par un pourvoi, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 décembre 2014, 7 octobre 2015 et 5 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de son recours ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son recours ;

3°) de rejeter le pourvoi incident présenté par la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention signée le 19 juin 1979 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Corée tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

- la convention signée le 30 novembre 1979 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Nouvelle-Zélande tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

- l'accord signé le 30 mai 1984 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République Populaire de Chine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

- la convention signée le 5 octobre 1989 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales ;

- la convention signée le 7 novembre 1991 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

- la convention signée le 31 août 1994 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- la convention signée le 3 mars 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Japon en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Simon Chassard, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Givenchy, membre du groupe fiscalement intégré à la tête duquel se trouve la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, a perçu des redevances de concessions de licences de fabrication et de commercialisation d'articles en provenance notamment des Etats-Unis, de l'Italie, du Japon, de la République de Corée, du Mexique, de la Nouvelle-Zélande et de la Chine. Elle a déduit comme charges de ses résultats des exercices 2001 à 2004 les retenues à la source qu'elle avait supportées sur ces redevances dans ces Etats, en se fondant sur les dispositions du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause la déduction de ces retenues à la source et réduit à due concurrence les déficits constatés par la société Givenchy au cours des quatre exercices. Saisi par la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, le tribunal administratif de Montreuil a, par un jugement du 24 novembre 2011, rétabli les résultats déficitaires initialement constatés par la société Givenchy au titre des quatre exercices. Par un arrêt du 18 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a, à la demande du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, annulé ce jugement en tant qu'il a rétabli les déficits constatés par la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton au titre de ses exercices clos de 2001 à 2004 à concurrence du montant des retenues à la source acquittées par la société Givenchy aux Etats-Unis, en Italie, au Japon, en République de Corée et au Mexique, puis rejeté le surplus des conclusions du recours. Le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions. Par la voie du pourvoi incident, la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton en demande l'annulation en tant qu'il a réformé le jugement du tribunal administratif de Montreuil.

Sur le pourvoi du ministre des finances et des comptes publics :

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 4° (...) les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice (...) ". Aux termes du b du 2 de l'article 22 de la convention fiscale du 30 mai 1984 entre la France et la Chine, applicable aux exercices en litige : " Les revenus (...) provenant de Chine sont imposables en France, conformément aux dispositions de ces articles, pour leur montant brut. Il est accordé aux résidents de France un crédit d'impôt français correspondant au montant de l'impôt chinois perçu sur ces revenus mais qui ne peut excéder le montant de l'impôt français afférent à ces revenus. ". Aux termes du b du 1 de l'article 23 de la convention fiscale du 30 novembre 1979 entre la France et la Nouvelle-Zélande : " Les revenus (...) provenant de Nouvelle-Zélande sont imposables en France, conformément aux dispositions de ces articles, pour leur montant brut. L'impôt néo-zélandais perçu sur ces revenus ouvre droit au profit des résidents de France à un crédit d'impôt qui correspond au montant de l'impôt néo-zélandais perçu mais qui ne peut excéder le montant de l'impôt français afférent à ces revenus. (...) ".

3. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition et si, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale, il appartient néanmoins au juge, après avoir constaté que les impositions qu'une entreprise a supportées dans un autre Etat du fait des opérations qu'elle y a réalisées seraient normalement déductibles de son bénéfice imposable en France en vertu la loi fiscale nationale, de faire application, pour la détermination de l'assiette de l'impôt dû par cette entreprise, des stipulations claires d'une convention excluant la possibilité de déduire l'impôt acquitté dans cet autre Etat d'un bénéfice imposable en France. Il en va ainsi, alors même que la convention prévoirait par ailleurs un mécanisme de crédit d'impôt imputable sur l'impôt français, dont cette entreprise ne serait pas en mesure de bénéficier du fait de sa situation déficitaire au cours de l'année en cause, dès lors que la convention interdit la déduction en toutes circonstances.

4. Les stipulations des conventions fiscales citées au point 2, selon lesquelles les revenus provenant de Chine et de Nouvelle-Zélande sont imposables en France pour leur montant brut, n'excluent pas expressément qu'une société résidente de France déduise de son bénéfice imposable d'un exercice la retenue à la source supportée sur des redevances dans ces deux Etats au cours de ce même exercice dans le cas où cette société ne peut, en raison de sa situation déficitaire, imputer le crédit d'impôt conventionnel correspondant à l'impôt acquitté à l'étranger. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les stipulations de ces deux conventions fiscales ne faisaient pas obstacle à l'application des dispositions du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de son recours.

Sur le pourvoi incident de la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton :

6. En premier lieu, il résulte des termes mêmes des stipulations des conventions fiscales que la France a conclues avec l'Italie, le Japon, les Etats-Unis, la République de Corée et le Mexique qu'elles excluent la possibilité de déduire l'impôt acquitté dans ces Etats au cours d'un exercice pour le calcul du revenu imposable en France, sans réserver le cas où le contribuable, résident de France, ne peut bénéficier, en raison de sa situation déficitaire, de l'imputation du crédit d'impôt conventionnel correspondant à l'impôt acquitté à l'étranger. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que ces stipulations faisaient obstacle à ce que les retenues à la source supportées dans ces Etats soient déduites des bénéfices imposables de la société Givenchy en application des dispositions du 4° du 1 de l'article 29 du code général des impôts.

7. En second lieu, devant la cour, la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton soutenait que la non-déductibilité des impôts étrangers résultant de l'application des conventions fiscales mentionnées au point 6 méconnaît le principe de liberté d'établissement et le principe de liberté de circulation des capitaux découlant du Traité instituant la Communauté européenne, dès lors que les retenues à la source supportées sur des redevances provenant d'Etats n'ayant pas signé de convention fiscale avec la France, ou ayant signé avec la France une convention ne faisant pas obstacle à la déduction de l'impôt acquitté dans ces Etats, sont déductibles du bénéfice imposable. En jugeant, pour écarter ce moyen, que la société n'invoquait aucun traitement différent qui serait appliqué à des situations objectivement comparables, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède que la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, qui est suffisamment motivé.

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre des finances et des comptes publics et le pourvoi incident de la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton sont rejetés.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 386579
Date de la décision : 07/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - TEXTES FISCAUX - CONVENTIONS INTERNATIONALES - PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ DES CONVENTIONS FISCALES - 1) PORTÉE - OBLIGATION POUR LE JUGE - APRÈS AVOIR CONSTATÉ QUE DES IMPOSITIONS SERAIENT NORMALEMENT DÉDUCTIBLES DU BÉNÉFICE IMPOSABLE EN FRANCE EN VERTU DE LA LOI FISCALE NATIONALE - DE FAIRE APPLICATION - POUR LA DÉTERMINATION DE L'ASSIETTE DE L'IMPÔT DÛ - DES STIPULATIONS CLAIRES D'UNE CONVENTION EXCLUANT LA POSSIBILITÉ DE DÉDUIRE L'IMPÔT ACQUITTÉ DANS CET AUTRE ETAT D'UN BÉNÉFICE IMPOSABLE EN FRANCE - EXISTENCE - CIRCONSTANCE QUE LA CONVENTION PRÉVOIRAIT UN MÉCANISME DE CRÉDIT D'IMPÔT IMPUTABLE SUR L'IMPÔT FRANÇAIS - DONT L'ENTREPRISE EN SITUATION DÉFICITAIRE NE SERAIT PAS EN MESURE DE BÉNÉFICIER - INCIDENCE - ABSENCE - DÈS LORS QUE LA CONVENTION INTERDIT LA DÉDUCTION EN TOUTES CIRCONSTANCES [RJ1] - 2) ESPÈCE - CONVENTIONS NE PRÉVOYANT PAS EXPRESSÉMENT UNE TELLE EXCLUSION - CONSÉQUENCE - POSSIBILITÉ POUR UNE SOCIÉTÉ RÉSIDENTE DE FRANCE DE DÉDUIRE DE SON BÉNÉFICE IMPOSABLE LA RETENUE À LA SOURCE SUPPORTÉE SUR DES REDEVANCES PERÇUES DANS LES ETATS ÉTRANGERS PARTIES À CES CONVENTIONS DANS LE CAS OÙ ELLE NE PEUT IMPUTER LE CRÉDIT D'IMPÔT CONVENTIONNEL CORRESPONDANT À L'IMPÔT ACQUITTÉ À L'ÉTRANGER - EXISTENCE [RJ2].

19-01-01-05 1) Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition et si, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale, il appartient néanmoins au juge, après avoir constaté que les impositions qu'une entreprise a supportées dans un autre Etat du fait des opérations qu'elle y a réalisées seraient normalement déductibles de son bénéfice imposable en France en vertu la loi fiscale nationale, de faire application, pour la détermination de l'assiette de l'impôt dû par cette entreprise, des stipulations claires d'une convention excluant la possibilité de déduire l'impôt acquitté dans cet autre Etat d'un bénéfice imposable en France. Il en va ainsi, alors même que la convention prévoirait par ailleurs un mécanisme de crédit d'impôt imputable sur l'impôt français, dont cette entreprise ne serait pas en mesure de bénéficier du fait de sa situation déficitaire au cours de l'année en cause, dès lors que la convention interdit la déduction en toutes circonstances.,,,2) Les stipulations du b du 2 de l'article 22 de la convention fiscale du 30 mai 1984 entre la France et la Chine et celles du b du 1 de l'article 23 de la convention fiscale du 30 novembre 1979 entre la France et la Nouvelle-Zélande, selon lesquelles les revenus provenant de Chine et de Nouvelle-Zélande sont imposables en France pour leur montant brut, n'excluent pas expressément qu'une société résidente de France déduise de son bénéfice imposable d'un exercice la retenue à la source supportée sur des redevances dans ces deux Etats au cours de ce même exercice dans le cas où cette société ne peut, en raison de sa situation déficitaire, imputer le crédit d'impôt conventionnel correspondant à l'impôt acquitté à l'étranger. Par suite, les stipulations de ces deux conventions fiscales ne font pas obstacle à l'application des dispositions du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts (CGI).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET - DÉDUCTION DES IMPÔTS ET PÉNALITÉS - CONTESTATION PORTANT SUR LA DÉDUCTION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE EN FRANCE D'IMPOSITIONS SUPPORTÉES PAR UNE ENTREPRISE DANS UN AUTRE ETAT DU FAIT DES OPÉRATIONS QU'ELLE Y A RÉALISÉES - 1) PORTÉE DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ DES CONVENTIONS FISCALES - OBLIGATION POUR LE JUGE - APRÈS AVOIR CONSTATÉ QUE DES IMPOSITIONS SERAIENT NORMALEMENT DÉDUCTIBLES DU BÉNÉFICE IMPOSABLE EN FRANCE EN VERTU DE LA LOI FISCALE NATIONALE - DE FAIRE APPLICATION - POUR LA DÉTERMINATION DE L'ASSIETTE DE L'IMPÔT DÛ - DES STIPULATIONS CLAIRES D'UNE CONVENTION EXCLUANT LA POSSIBILITÉ DE DÉDUIRE L'IMPÔT ACQUITTÉ DANS CET AUTRE ETAT D'UN BÉNÉFICE IMPOSABLE EN FRANCE - EXISTENCE - CIRCONSTANCE QUE LA CONVENTION PRÉVOIRAIT UN MÉCANISME DE CRÉDIT D'IMPÔT IMPUTABLE SUR L'IMPÔT FRANÇAIS - DONT L'ENTREPRISE EN SITUATION DÉFICITAIRE NE SERAIT PAS EN MESURE DE BÉNÉFICIER - INCIDENCE - ABSENCE - DÈS LORS QUE LA CONVENTION INTERDIT LA DÉDUCTION EN TOUTES CIRCONSTANCES [RJ1] - 2) ESPÈCE - CONVENTIONS NE PRÉVOYANT PAS EXPRESSÉMENT UNE TELLE EXCLUSION - CONSÉQUENCE - POSSIBILITÉ POUR UNE SOCIÉTÉ RÉSIDENTE DE FRANCE DE DÉDUIRE DE SON BÉNÉFICE IMPOSABLE LA RETENUE À LA SOURCE SUPPORTÉE SUR DES REDEVANCES PERÇUES DANS LES ETATS ÉTRANGERS PARTIES À CES CONVENTIONS DANS LE CAS OÙ ELLE NE PEUT IMPUTER LE CRÉDIT D'IMPÔT CONVENTIONNEL CORRESPONDANT À L'IMPÔT ACQUITTÉ À L'ÉTRANGER - EXISTENCE [RJ2].

19-04-02-01-04-08 1) Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition et si, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale, il appartient néanmoins au juge, après avoir constaté que les impositions qu'une entreprise a supportées dans un autre Etat du fait des opérations qu'elle y a réalisées seraient normalement déductibles de son bénéfice imposable en France en vertu la loi fiscale nationale, de faire application, pour la détermination de l'assiette de l'impôt dû par cette entreprise, des stipulations claires d'une convention excluant la possibilité de déduire l'impôt acquitté dans cet autre Etat d'un bénéfice imposable en France. Il en va ainsi, alors même que la convention prévoirait par ailleurs un mécanisme de crédit d'impôt imputable sur l'impôt français, dont cette entreprise ne serait pas en mesure de bénéficier du fait de sa situation déficitaire au cours de l'année en cause, dès lors que la convention interdit la déduction en toutes circonstances.,,,2) Les stipulations du b du 2 de l'article 22 de la convention fiscale du 30 mai 1984 entre la France et la Chine et celles du b du 1 de l'article 23 de la convention fiscale du 30 novembre 1979 entre la France et la Nouvelle-Zélande, selon lesquelles les revenus provenant de Chine et de Nouvelle-Zélande sont imposables en France pour leur montant brut, n'excluent pas expressément qu'une société résidente de France déduise de son bénéfice imposable d'un exercice la retenue à la source supportée sur des redevances dans ces deux Etats au cours de ce même exercice dans le cas où cette société ne peut, en raison de sa situation déficitaire, imputer le crédit d'impôt conventionnel correspondant à l'impôt acquitté à l'étranger. Par suite, les stipulations de ces deux conventions fiscales ne font pas obstacle à l'application des dispositions du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts (CGI).


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 12 mars 2014, Société Céline, n° 362528, p. 50., ,

[RJ2]

Comp. CE, 11 juillet 1991, Société française des techniques du lummus, n° 57391, T. pp. 804-853 ;

CE, 12 mars 2014, Société Céline, n° 362528, p. 50.


Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 2017, n° 386579
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Simon Chassard
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:386579.20170607
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