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29/05/2017 | FRANCE | N°389736

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 29 mai 2017, 389736


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2007. Par un jugement n° 1111262 du 16 novembre 2012, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 13VE00660 du 19 février 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur le recours du ministre de l'économie et des finances, annulé ce jugement et rétabli les impositions litigieuses.

Par un pourvoi sommaire, un

mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 avril et 24 ...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2007. Par un jugement n° 1111262 du 16 novembre 2012, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 13VE00660 du 19 février 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur le recours du ministre de l'économie et des finances, annulé ce jugement et rétabli les impositions litigieuses.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 avril et 24 juillet 2015 ainsi que le 19 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) à titre subsidiaire, d'interroger à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne sur l'interprétation de l'article 8 de la directive du 23 juillet 1990 et de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'elle se soit prononcée ;

3°) en tout état de cause, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions dont elle est saisie par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 393881 du 31 mai 2016 ;

4°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le recours du ministre de l'économie et des finances ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 55 ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;

- la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;

- la convention entre la France et la Belgique, tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus signée à Bruxelles le 10 mars 1964 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. A...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civileA..., détenue à plus de 25 % par M.A..., a reçu le 10 février 1997 des titres de la société Diedis en contrepartie des titres de la société Issedis qu'elle lui a apportés. La plus-value réalisée à l'occasion de cet échange de titres a été placée, à la demande de M.A..., sous le régime du report d'imposition prévu par les dispositions, alors applicables, du I ter de l'article 160 du code général des impôts. Postérieurement au transfert du domicile fiscal de M. A...en Belgique le 1er octobre 2006, la société civile A...a, le 28 juin 2007, cédé la totalité des titres de la société Diedis reçus lors de l'échange de titres, mettant ainsi fin au report d'imposition de la plus-value d'échange conformément aux dispositions de l'article 92 B du code, alors en vigueur. Cette plus-value a été imposée à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2007. M. A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 février 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a fait droit au recours du ministre de l'économie et des finances contre un jugement du tribunal administratif de Montreuil du 16 novembre 2012 déchargeant M. A...des cotisations d'impôt sur le revenu en résultant.

2. Aux termes de l'article 8 de la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents : " 1. L'attribution, à l'occasion d'une fusion, d'une scission ou d'un échange d'actions, de titres représentatifs du capital social de la société bénéficiaire ou acquérante à un associé de la société apporteuse ou acquise, en échange de titres représentatifs du capital social de cette dernière société, ne doit, par elle-même, entraîner aucune imposition sur le revenu, les bénéfices ou les plus-values de cet associé. / 2. (...) L'application du paragraphe 1 n'empêche pas les Etats membres d'imposer le profit résultant de la cession ultérieure des titres reçus de la même manière que le profit qui résulte de la cession des titres existant avant l'acquisition. ".

3. Aux termes du II de l'article 92 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce, résultant de la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier : " 1° A compter du 1er janvier 1992 ou du 1er janvier 1991 pour les apports de titres à une société passible de l'impôt sur les sociétés, l'imposition de la plus-value réalisée en cas d'échange de titres résultant d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, peut être reportée au moment où s'opérera la cession ou le rachat des titres reçus lors de l'échange ". Aux termes du I ter de l'article 160 du code général des impôts, alors en vigueur : " 4. L'imposition de la plus-value réalisée à compter du 1er janvier 1991 en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une opération de fusion, scission ou d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés peut être reportée dans les conditions prévues au II de l'article 92 B ".

4. Il résulte des dispositions précitées du code général des impôts, selon l'interprétation constante qui en est donnée par le Conseil d'Etat statuant au contentieux, qu'elles ont pour seul effet de permettre, par dérogation à la règle suivant laquelle le fait générateur de l'imposition d'une plus-value est constitué au cours de l'année de sa réalisation, de constater et de liquider la plus-value d'échange l'année de sa réalisation et de l'imposer l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition, qui peut notamment être la cession des titres reçus au moment de l'échange. La circonstance que le contribuable ait, entre temps, transféré son domicile fiscal dans un autre Etat est sans incidence sur le pouvoir dont dispose l'Etat, dont il était le résident au moment de la réalisation de la plus-value d'échange, d'imposer celle-ci au moment de la cession finale des titres reçus en échange.

5. Néanmoins, M. A...fait valoir que ces dispositions, telles qu'interprétées par le Conseil d'Etat, méconnaissent les objectifs résultant des dispositions précitées de l'article 8 de la directive du 23 juillet 1990, en permettant à la France, à l'occasion de la cession des titres reçus lors de l'échange, d'imposer la plus-value réalisée lors de l'échange des titres initialement détenus et placée en report d'imposition. Selon lui, l'opération d'échange d'actions ne peut être regardée comme le fait générateur d'une imposition. Elle devrait être traitée comme une opération intercalaire fiscalement neutre. C'est la cession des titres reçus à l'échange qui constituerait le fait générateur d'une plus-value. Le requérant soutient que la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit en n'interprétant pas les dispositions du II de l'article 92 B et du 4 du I ter de l'article 160 du code général des impôts de manière conforme aux dispositions de l'article 8 de la directive du 23 juillet 1990 dont elles assurent la transposition en droit français, dans la mesure où elles s'appliquent de manière uniforme aux opérations d'échange d'actions résultant d'une opération de fusion, de scission ou d'apport, qu'elles soient réalisées entre deux sociétés d'Etats membres différents et donc régies par la directive, ou entre deux sociétés françaises en dehors du champ d'application de la directive.

6. L'interprétation des dispositions nationales et l'appréciation de leur compatibilité avec la directive du 23 juillet 1990 dépendent de la réponse à la question de savoir si les dispositions précitées de l'article 8 de la directive doivent être interprétées en ce sens qu'elles interdisent, dans le cas d'une opération d'échange de titres entrant dans le champ de la directive, un mécanisme de report d'imposition prévoyant que, par dérogation à la règle selon laquelle le fait générateur de l'imposition d'une plus-value est constitué au cours de l'année de sa réalisation, une plus-value d'échange est constatée et liquidée à l'occasion de l'opération d'échange de titres et est imposée l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition, qui peut notamment être la cession des titres reçus au moment de l'échange.

7. Elles dépendent également de la réponse à la question de savoir si, à la supposer imposable, la plus-value d'échange de titres peut être taxée par l'Etat de la résidence du contribuable au moment de l'opération d'échange, alors que celui-ci, à la date de la cession des titres reçus à l'occasion de cet échange à laquelle la plus-value d'échange est effectivement imposée, a transféré son domicile fiscal dans un autre Etat membre.

8. Les questions énoncées aux points 6 et 7 présentent une difficulté sérieuse d'interprétation du droit de l'Union européenne. Toutefois, par une décision n° 393881 du 31 mai 2016, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a transmis à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes : " Les dispositions de l'article 8 de la directive du 23 juillet 1990 doivent-elles être interprétées en ce sens qu'elles interdisent, dans le cas d'une opération d'échange de titres entrant dans le champ de la directive, un mécanisme de report d'imposition prévoyant que, par dérogation à la règle selon laquelle le fait générateur de l'imposition d'une plus-value est constitué au cours de l'année de sa réalisation, une plus-value d'échange est constatée et liquidée à l'occasion de l'opération d'échange de titres et est imposée l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition, qui peut notamment être la cession des titres reçus au moment de l'échange ' " et " Les dispositions de l'article 8 de la directive du 23 juillet 1990 doivent-elles être interprétées en ce sens qu'elles interdisent, dans le cas d'une opération d'échange de titres entrant dans le champ de la directive, que la plus-value d'échange de titres, à la supposer imposable, soit taxée par l'Etat de la résidence du contribuable au moment de l'opération d'échange, alors que celui-ci, à la date de la cession des titres reçus à l'occasion de cet échange à laquelle la plus-value d'échange est effectivement imposée, a transféré son domicile fiscal dans un autre Etat membre ' ". Il y a lieu, dans la présente affaire, de surseoir à statuer sur le pourvoi en cassation présenté par M. A... dans l'attente de la réponse de la Cour à ces questions.

D E C I D E :

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Article 1er : Il est sursis à statuer sur le pourvoi en cassation de M. A...jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions, mentionnées au point 8, dont elle a été saisie par le Conseil d'Etat statuant au contentieux par la décision n° 393881 du 31 mai 2016.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 389736
Date de la décision : 29/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 mai. 2017, n° 389736
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Séverine Larere
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:389736.20170529
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