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02/12/2016 | FRANCE | N°383727

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 02 décembre 2016, 383727


Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière Paricap a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 à 2008. Par un jugement n° 1200964 du 18 avril 2013, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13PA02113 du 17 juin 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre

ce jugement par la société Paricap.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enr...

Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière Paricap a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 à 2008. Par un jugement n° 1200964 du 18 avril 2013, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13PA02113 du 17 juin 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la société Paricap.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 août 2014 et le 1er octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Paricap demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt, en ce qu'il concerne l'impôt sur les sociétés ;

2°) réglant dans cette mesure l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de la SCI Paricap ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle sur place, la société Paricap a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2006 à 2008 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008.

2. La fin de non-recevoir opposée par le ministre, tirée de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre l'arrêt en tant que celui-ci statue sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, est dépourvue d'objet, la société Paricap ne demandant l'annulation de l'arrêt qu'en tant qu'il statue sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge. Elle ne peut par suite qu'être écartée.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 (...). Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

4. En premier lieu, pour écarter un moyen tiré de ce que, faute d'avoir fait droit à une demande de communication à la société requérante des relevés bancaires dont l'administration fiscale avait demandé et obtenu communication auprès de l'organisme bancaire teneur de ses comptes, l'administration avait entaché d'irrégularité la procédure d'imposition, la cour administrative d'appel de Paris s'est fondée sur ce que les redressements en litige ne procédaient pas des éléments contenus dans les relevés bancaires en cause mais des documents bancaires consultés durant le contrôle, qui s'est déroulé dans les locaux de l'expert comptable de la société. En jugeant ainsi, la cour, qui a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, ni entaché son arrêt d'insuffisance de motivation. Si la cour a ajouté, par un motif surabondant, qu'il n'était au demeurant ni soutenu, ni même d'ailleurs allégué que la société contrôlée n'aurait pas été en possession de ses relevés bancaires et ne les aurait pas présentés elle-même au vérificateur, la société requérante ne peut utilement soutenir qu'elle aurait, en statuant ainsi, commis une erreur de droit.

5. En deuxième lieu, c'est sans erreur de droit que la cour a jugé que les pièces relatives à des baux immobiliers obtenues auprès de tiers n'avaient pas à être communiquées à la société contribuable, dès lors qu'elle a estimé, par une appréciation souveraine qui n'est pas arguée de dénaturation, que l'administration fiscale ne s'était pas fondée sur ces baux pour établir les impositions en litige. La société n'est, par ailleurs, pas fondée à soutenir que la cour aurait omis de répondre à un moyen tiré du défaut de communication de factures considérées comme payées et non comptabilisées et d'autres documents bancaires utilisés pour fonder les redressements, qui n'était pas soulevé devant elle.

6. En troisième lieu, l'administration n'est tenue de communiquer au contribuable, en application de l'article L. 76 B précité du livre des procédures fiscales, une copie des documents qu'elle a obtenus de tiers que dans la mesure où celui-ci, après avoir été informé de leur origine et de leur teneur, lui en a fait la demande. Par suite, le contribuable qui, ayant présenté une première demande de communication, souhaite ensuite obtenir copie de documents obtenus auprès de tiers par l'administration fiscale postérieurement à cette première demande, doit en former une nouvelle. Il en résulte que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, après avoir relevé par une appréciation souveraine non entachée de dénaturation que la demande de communication de la société, formulée le 27 novembre 2009, ne pouvait concerner des documents demandés par l'administration le 25 janvier 2010, obtenus par elle le 5 février suivant et mentionnés dans la réponse au observations du contribuable du 9 février, que, faute d'une nouvelle demande de la contribuable, l'administration fiscale n'était pas tenue de procéder d'elle-même à la transmission de ces derniers documents.

7. En quatrième lieu, la cour a estimé, par une appréciation souveraine des faits non entachée de dénaturation, que si la SCI Paricap avait sollicité la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires par un courrier du 12 mars 2010, en vue de lui soumettre des différends persistants portant, d'une part, sur le rattachement à l'exercice comptable 2007 de certaines prestations de services facturées le 8 janvier 2007, d'autre part, sur le principe de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, en particulier au titre de l'exercice 2008 et, enfin, sur les règles de détermination des plus-values incluses dans sa base imposable à l'impôt sur les sociétés et sur le taux de cet impôt, le premier différend portait uniquement sur la portée des règles de rattachement des créances aux exercices et non sur la question de la date effective d'achèvement des prestations en litige, le deuxième sur une question de principe liée au champ d'application de l'impôt sur les sociétés et non sur l'existence, en fait, de prestations commerciales qui auraient été effectuées par la société en 2008 et le troisième sur une question de champ d'application des dispositions des articles 202 ter et 210 E du code général des impôts. La cour a pu, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, en déduire que l'administration n'avait pas entaché d'irrégularité la procédure d'imposition en s'abstenant de donner suite à la demande de saisine de la commission sur ces trois points, qui ne soulevaient que des questions de droit, sans porter sur des faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de ces questions de droit.

8. En cinquième lieu, le cour, qui a estimé par une appréciation souveraine de l'avis de mise en recouvrement du 16 juillet 2010 adressé à la SCI Paricap, que celui-ci, par ses mentions dactylographiées et manuscrites, fussent-elles conditionnelles pour certaines d'entre elles, informait suffisamment la contribuable sur les conséquences financières du contrôle, n'a pas méconnu les dispositions de l'article R.256-1 du livre des procédures fiscales en jugeant que cet avis satisfaisait aux exigences qu'elles posent.

Sur le bien fondé des impositions :

9. En premier lieu, si l'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à fonder l'imposition, une telle substitution ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable de la faculté, prévue par les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires afin que celle-ci se prononce sur un désaccord portant sur des questions de fait dont la solution commande le bien-fondé du nouveau motif invoqué par l'administration. Pour juger que l'administration était fondée à solliciter une substitution de motif, tirée de ce que la société avait exercé une activité commerciale en 2008, la cour s'est fondée sur ce que la contribuable ne contestait pas la réalité des locations en meublés auxquelles elle s'était livrée, de sorte que cette substitution ne soulevait pas de questions de fait dont la contribuable aurait pu demander qu'elles soient soumises à l'examen de la commission. En jugeant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

10. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article 202 ter du code général des impôts, si une société dont les revenus n'ont pas la nature de bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière, d'une exploitation agricole ou d'une activité non commerciale cesse totalement ou partiellement d'être soumise au régime de l'impôt sur le revenu, " l'impôt sur le revenu est établi au titre de la période d'imposition précédant immédiatement le changement de régime, à raison des revenus et des plus-values non encore imposés à la date du changement de régime, y compris ceux qui proviennent des produits acquis et non encore perçus ainsi que des plus-values latentes incluses dans le patrimoine ou l'actif social (...) ". Aux termes du III du même article : " Les sociétés et organismes définis aux I et II doivent, dans un délai de soixante jours à compter de la réalisation de l'évènement qui entraîne le changement de régime ou d'activité mentionné auxdits I et II, produire le bilan d'ouverture de la première période d'imposition ou du premier exercice au titre duquel le changement prend effet ". La mise en évidence, à l'occasion d'un contrôle fiscal, de l'exercice par une société d'une activité commerciale de nature à entraîner son assujettissement à l'impôt sur les sociétés ne constitue pas, par elle-même, un changement de régime fiscal au sens de ces dispositions. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le moyen de la société, tiré de ce que son assujettissement à l'impôt sur les sociétés à compter du 1er janvier 2006, à la suite du contrôle opéré par l'administration fiscale, devait être assimilé, par ses conséquences, à un changement de régime fiscal conduisant à établir l'impôt sur le revenu pour la période immédiatement antérieure au 1er janvier 2006 en prenant en compte les plus-values latentes incluses dans son patrimoine et, en conséquence, à imposer les plus-values réalisées au cours des exercices clos en 2006 et 2008, durant lesquels elle était passible de l'impôt sur les sociétés, en ne retenant pour base imposable que la différence entre le prix de cession et la valeur vénale des biens à la date du 1er janvier 2006.

11. En troisième lieu, la cour n'a pas méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve en se fondant, pour rattacher, en application des dispositions du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, un produit correspondant à une créance sur la clientèle à l'exercice clos en 2007 sur ce que la facture correspondante était datée du 8 janvier 2007 et en écartant comme dépourvue d'incidence l'existence, sur cette facture, de la mention imprécise "note de présentation d'affaires 2006".

12. En quatrième lieu, la cour n'a pas méconnu la portée de l'instruction fiscale référencée BOI 4 A-1-92 du 31 décembre 1991, en ce qu'elle mentionne que la réalisation, par les sociétés civiles, d'opérations commerciales définies aux articles 34 et 35 du code général des impôts compte parmi les événements mentionnés à l'article 202 ter dudit code, en jugeant que celle-ci n'ajoutait pas à la loi fiscale et a pu en déduire sans erreur de droit que la SCI Paricap ne pouvait utilement s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

13. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société Paricap doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Paricap est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Paricap et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 383727
Date de la décision : 02/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 déc. 2016, n° 383727
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Uher
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:383727.20161202
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