Vu la procédure suivante :
M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 novembre 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision du 7 mai 2012 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de Paris avait refusé à la société Procédés Roland Pigeon l'autorisation de le licencier et s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de cette société. Par un jugement n° 1221333 du 28 janvier 2014, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 14PA01375 du 26 mai 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 27 juillet 2015, 26 octobre 2015 et 25 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Procédés Roland Pigeon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-François de Montgolfier, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. B...et à la SCP Didier, Pinet, avocat de la société Procédés Roland Pigeon ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées les 10 et 16 novembre 2016, présentées par la société Procédés Roland Pigeon ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 novembre 2016, présentée par la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Procédés Roland Pigeon a demandé à l'administration l'autorisation de licencier pour faute M. B..., salarié protégé ; que cette autorisation lui a été refusée par l'inspecteur du travail compétent le 7 mai 2012 ; que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, saisi d'un recours hiérarchique par la société Procédés Roland Pigeon, a, par une décision du 5 novembre 2012, annulé la décision de l'inspecteur du travail puis, statuant sur la demande d'autorisation de licenciement, s'est déclaré incompétent pour se prononcer sur cette demande ; que M. B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 mai 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande d'annulation de cette décision ;
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que cette autorisation est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-3 du code du travail : " Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. / Cette autorisation est également requise pour le licenciement de l'ancien délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, s'il a exercé ces dernières pendant au moins un an. / Elle est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la désignation du délégué syndical a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa désignation comme délégué syndical, avant que le salarié ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement " ;
4. Considérant que, pour juger que l'inspecteur du travail n'était pas compétent pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. B... et que le ministre avait pu, par suite, annuler à bon droit sa décision et se déclarer lui-même incompétent, la cour administrative d'appel de Paris s'est fondée sur la circonstance qu'à la date à laquelle l'inspecteur du travail s'était prononcé sur la demande de l'employeur, M. B... ne bénéficiait plus de la protection prévue par les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 2411-3 du code du travail ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en recherchant si le salarié bénéficiait de cette protection à la date de la décision de l'administration et non, comme il lui incombait, à la date de l'envoi par l'employeur de la convocation du salarié à l'entretien préalable au licenciement, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
6. Considérant que, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la question de savoir si M. B...a perdu sa qualité de délégué syndical au mois d'avril ou au mois de mai 2011, il est constant que ce salarié avait exercé un tel mandat au sein de la société Procédés Roland Pigeon pendant au moins un an et l'exerçait encore le 9 mars 2011 ; que, par suite, en application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 2411-3 du code du travail, il bénéficiait encore de la protection prévue par cet article le 9 mars 2012, date de l'envoi de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement ; que, par suite, en estimant, pour retirer sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique de la société Procédés Roland Pigeon, annuler la décision de l'inspecteur du travail et se déclarer lui-même incompétent, que l'inspecteur du travail n'était plus compétent, le 7 mai 2012, pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement, le ministre chargé du travail n'a pas fait une exacte application des dispositions de ce même article L. 2411-3 du code du travail ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 28 janvier 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat et de la société Procédés Roland Pigeon une somme de 1 500 euros chacun à verser à M. B... au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 26 mai 2015, le jugement du tribunal administratif de Paris du 28 janvier 2014 et la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 5 novembre 2012 sont annulés.
Article 2 : L'Etat et la société Procédés Roland Pigeon verseront chacun à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la Société Procédés Roland Pigeon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la société Procédés Roland Pigeon et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.