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19/10/2016 | FRANCE | N°389757

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 19 octobre 2016, 389757


Vu la procédure suivante :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Château L'Eglise Clinet a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2011 par lequel le préfet de Gironde a autorisé la société civile (SC) Château L'Evangile à exploiter diverses parcelles sur le territoire de la commune de Pomerol. Par un jugement n° 1103684 du 15 octobre 2013, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 13BX03370, 14BX00668 du 26 février 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur la requ

ête de la SC Château L'Evangile et sur le recours du ministre de l'agricultur...

Vu la procédure suivante :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Château L'Eglise Clinet a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2011 par lequel le préfet de Gironde a autorisé la société civile (SC) Château L'Evangile à exploiter diverses parcelles sur le territoire de la commune de Pomerol. Par un jugement n° 1103684 du 15 octobre 2013, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 13BX03370, 14BX00668 du 26 février 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur la requête de la SC Château L'Evangile et sur le recours du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, a annulé ce jugement et rejeté la demande de la SCEA Château L'Eglise Clinet.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 avril 2015, 24 juillet 2015 et 23 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCEA Château L'Eglise Clinet demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les appels de la SC Château L'Evangile et du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la SCEA Château L'Eglise Clinet et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la SC Château L'Evangile.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 13 juillet 2011, le préfet de la Gironde a autorisé la SCEA Château L'Eglise Clinet à exploiter deux parcelles viticoles sur le territoire de la commune de Pomerol ; que, par un second arrêté du même jour, il a également autorisé la SC Château L'Evangile à exploiter ces deux parcelles, ainsi que d'autres parcelles contiguës ; que, saisi par la SCEA Château L'Eglise Clinet d'un recours pour excès de pouvoir contre ce second arrêté, le tribunal administratif de Bordeaux l'a annulé par jugement du 15 octobre 2013 au motif que le préfet n'avait pas mis en oeuvre les critères prévus par le schéma directeur départemental des structures agricoles pour départager deux candidats relevant l'un et l'autre du quatrième rang de priorité au sein du cas n° 2 mentionné à son article 2, alors qu'il ressortait des pièces du dossier que le projet de la SCEA Château L'Eglise Clinet répondait mieux que celui de la SC Château L'Evangile à trois de ces critères ; que, par l'arrêt du 26 février 2015 contre lequel la SCEA Château L'Eglise Clinet se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur les appels de la SC Château L'Evangile et du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, a annulé ce jugement et rejeté la demande de première instance de la SCEA Château L'Eglise Clinet au motif que le préfet, saisi de deux demandes concurrentes relevant du même rang de priorité, pouvait légalement délivrer deux autorisations ;

2. Considérant, d'une part qu'aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime : " (...) L'objectif prioritaire du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. En outre, il vise : soit à empêcher le démembrement d'exploitations agricoles viables pouvant permettre l'installation d'un ou plusieurs agriculteurs ; soit à favoriser l'agrandissement des exploitations agricoles dont les dimensions, les références de production ou les droits à aide sont insuffisants au regard des critères arrêtés dans le schéma directeur départemental des structures ; soit à permettre l'installation ou conforter l'exploitation d'agriculteurs pluriactifs partout où l'évolution démographique et les perspectives économiques le justifient " ; qu'aux termes de l'article L. 331-3 du même code : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet, saisi de demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter portant sur les mêmes terres, doit, pour statuer sur ces demandes, observer l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles ; qu'il peut être conduit à délivrer plusieurs autorisations lorsque plusieurs candidats à la reprise relèvent du même rang de priorité et qu'aucun autre candidat ne relève d'un rang supérieur ; que la circonstance qu'une autorisation ait déjà été délivrée pour l'exploitation de certaines terres ne fait pas obstacle à la délivrance d'une autorisation portant sur les mêmes terres à un agriculteur relevant d'un rang de priorité au moins égal à celui dont relève le titulaire de la première autorisation ; que lorsque plusieurs personnes sont autorisées à exploiter les mêmes terres, la législation sur le contrôle des structures des exploitations agricoles est sans influence sur la liberté du propriétaire des terres de choisir la personne avec laquelle il conclura un bail ; que, cependant, lorsque le schéma directeur prévoit des critères de départage des demandes relevant d'un même rang de priorité, il incombe au préfet de mettre en oeuvre les critères de départage ainsi prévus ;

3. Considérant, d'autre part, que l'article 2 du schéma directeur départemental des structures agricoles (SDDSA) de la Gironde prévoit qu'en fonction des objectifs définis, les autorisations d'exploiter sont délivrées selon les priorités suivantes : " cas n° 1 - le bien objet de la demande a une superficie supérieure ou égale à 0,5U.R. considérée comme un seuil de viabilité (...)/ Cas n° 2 - le bien objet de la demande a une superficie inférieure à 0,5 U.R. : /1. L'installation progressive d'agriculteurs (...) répondant aux conditions d'octroi des aides à l'installation dont l'objectif est de devenir agriculteur à titre principal (...). / 2. L'agrandissement de l'exploitation d'un agriculteur de moins de 40 ans dont la superficie est inférieure à 1 U.R. / 3. L'agrandissement de l'exploitation d'un agriculteur de plus de 40 ans dont la superficie est inférieure à 1 U.R. / 4. Autres agrandissements compte tenu : / - des superficies exploitées ; / - des références de production ou des droits à prime dont disposent les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande ; / - de la situation personnelle des demandeurs (capacité professionnelle, situation familiale, situation professionnelle) ; / - de la participation à l'exploitation directe des biens ; / - de la situation de l'emploi salarié et non salarié ; / - du nombre d'associés exploitants dans les formes sociétaires ; / - de l'effet restructurant sur le parcellaire ; / - de l'éloignement par rapport au siège d'exploitation ; / et plus généralement des critères figurant à l'article L. 331-3 du code rural (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque les projets de deux candidats relèvent l'un et l'autre du quatrième rang de priorité au sein du cas n° 2, il appartient au préfet de déterminer au regard des critères qu'elles prévoient si l'un d'eux peut néanmoins être regardé comme prioritaire ; que le préfet doit, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tenir compte, pour procéder à ce départage, de l'ensemble des critères prévus à cet effet ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, dès lors que les demandes de la SCEA Château L'Eglise Clinet et de la SC Château l'Evangile relevaient toutes deux du quatrième rang de priorité au sein du cas n° 2 prévu à l'article 2 du SDDSA de la Gironde, il appartenait au préfet d'examiner les mérites de ces deux demandes au regard des critères de départage prévus en pareille hypothèse ; qu'en jugeant que la seule circonstance que ces demandes concurrentes relevaient l'une et l'autre du quatrième rang de priorité au sein du cas n° 2 prévu à l'article 2 du SDDSA de la Gironde suffisait à leur conférer un rang de priorité égal et à permettre au préfet de délivrer deux autorisations d'exploiter pour censurer le jugement du tribunal administratif qui avait estimé que la demande de la SCEA Château L'Eglise Clinet répondait mieux que celle de la SC Château L'Evangile à trois des critères de départage prévus dans cette hypothèse, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCEA Château L'Eglise Clinet au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par la SC Château L'Evangile soit mise à la charge de la SCEA Château L'Eglise Clinet, qui n'est pas, dans la présente espèce, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 26 février 2015 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la SCEA Château L'Eglise Clinet au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SC Château L'Evangile au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SCEA Château L'Eglise Clinet, à la SC Château L'Evangile et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 389757
Date de la décision : 19/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 oct. 2016, n° 389757
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:389757.20161019
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