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17/10/2016 | FRANCE | N°389092

France | France, Conseil d'État, 4ème - 5ème chambres réunies, 17 octobre 2016, 389092


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 décembre 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé l'association F 93 à la licencier. Par un jugement n° 1300656 du 23 avril 2013, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13VE01595 du 7 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par Mme A...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un

mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 mars 2015...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 décembre 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé l'association F 93 à la licencier. Par un jugement n° 1300656 du 23 avril 2013, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13VE01595 du 7 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par Mme A...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 mars 2015, 30 juin 2015 et 26 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'association F 93 la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Pannier, auditeur-rapporteur,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme A...et à la SCP Gaschignard, avocat de l'association F 93 ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 14 septembre 2011, l'inspecteur du travail de la 7ème section de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de l'association F 93 tendant à ce que soit autorisé le licenciement de MmeA..., salariée protégée ; que l'association F 93 a formé contre cette décision un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, qui a été implicitement rejeté le 19 février 2012 ; que, par une décision expresse du 11 avril 2012, le ministre a retiré sa décision implicite de rejet, annulé la décision du 14 septembre 2011 de l'inspecteur du travail et accordé l'autorisation demandée ; que, sur demande de MmeA..., le tribunal administratif de Montreuil a, par un jugement du 2 octobre 2012, annulé la décision expresse du ministre chargée du travail du 11 avril 2012 au motif que le ministre s'était prononcé sans prendre en compte l'ensemble des mandats détenus par l'intéressée ; qu'à la suite de cette annulation, le ministre chargé du travail a, par une nouvelle décision du 5 décembre 2012, de nouveau retiré sa décision implicite du 19 février 2012 et autorisé le licenciement de l'intéressée ; que Mme A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 octobre 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande d'annulation de cette dernière décision ;

Sur le moyen relatif au second retrait, par le ministre, de sa décision implicite du 19 février 2012 :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ; qu'un silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre sur un tel recours vaut décision de rejet ; que, toutefois, s'agissant des refus implicites nés avant l'entrée en vigueur, le 1er juin 2016, de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, le ministre peut, par une décision expresse prise dans le délai de recours contentieux contre cette décision de rejet, retirer sa décision implicite de rejet si celle-ci est illégale et faire droit au recours hiérarchique par une décision expresse ;

3. Considérant que si cette décision expresse est ultérieurement annulée par le juge de l'excès de pouvoir, le ministre peut retirer à nouveau sa décision implicite de rejet, réputée n'avoir jamais été retirée, si celle-ci est illégale, et prendre, dans le respect de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache au jugement d'annulation, une nouvelle décision faisant droit au recours hiérarchique ; que, toutefois, le ministre ne peut légalement procéder à un tel retrait que dans le délai de recours contentieux qui court à nouveau contre ce refus, à compter de la notification du jugement d'annulation à l'auteur du recours hiérarchique ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, aucun élément n'établissant une notification à l'association F 93 avant le 4 octobre 2012 du jugement du 2 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision retirant la décision implicite du 19 février 2012, le nouveau délai de recours contentieux à l'encontre de cette décision implicite n'était, par suite, pas expiré le 5 décembre 2012 ; qu'ainsi, la cour a pu, sans erreur de droit, juger que le ministre pouvait encore légalement, à cette date, retirer sa décision implicite et accorder l'autorisation demandée ;

Sur les autres moyens :

5. Considérant, que le ministre chargé du travail ne peut statuer sur un recours introduit sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail qu'après avoir communiqué ce recours au bénéficiaire de la décision en l'invitant à présenter ses observations ; que la cour a pu toutefois juger, sans entacher son arrêt d'erreur de droit, que Mme A... n'avait pas à être invitée à présenter des observations orales ; qu'en jugeant que le ministre n'était pas tenu, après l'annulation de sa première décision expresse du 11 avril 2012, de reprendre intégralement l'instruction du recours hiérarchique, elle n'a pas davantage commis d'erreur de droit ;

6. Considérant que la cour n'a pas insuffisamment motivé son arrêt ni commis d'erreur de droit en jugeant que les nouvelles responsabilités confiées à Mme A... n'étaient pas de nature à caractériser une modification de son contrat de travail, et que celle-ci ne pouvait donc sans commettre de faute refuser d'exécuter les tâches qui lui étaient demandées ; que la cour, dont l'appréciation souveraine sur ce point n'est pas entachée de dénaturation, n'a pas commis d'erreur de droit en appréciant la portée des nouvelles responsabilités confiées à Mme A... au regard de leur difficulté et de leur technicité ;

7. Considérant qu'en relevant que le changement des conditions de travail de l'intéressée était justifié par la réorganisation de l'association, la cour s'est bornée à répondre sur ce point à l'argumentation de MmeA... ; que ce motif présente un caractère surabondant ; que, dès lors, le moyen du pourvoi dirigé contre ce motif est inopérant ;

8. Considérant que, contrairement à ce que soutient MmeA..., il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que la cour a tenu compte de sa situation personnelle, et notamment de son état de santé, pour apprécier la gravité de son refus de modification de ses conditions de travail ; qu'elle n'a, par suite, pas commis d'erreur de droit ;

9. Considérant que la cour, après avoir souverainement estimé que le changement de conditions de travail imposé à Mme A...était de portée limitée, qu'il s'accompagnait d'une amélioration de sa rémunération par le paiement d'heures supplémentaires et que les effets de celui-ci sur la dégradation de l'état de santé n'étaient pas établis, n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que le refus de l'intéressée de ce changement constituait une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

10. Considérant, enfin, que la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en estimant que le licenciement de l'intéressée était dépourvu de lien avec l'exercice de son mandat et qu'aucun motif d'intérêt général ne faisait obstacle à ce licenciement ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme A... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par l'association F 93 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme A...est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'association F 93 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A..., à l'association F 93 et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 4ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 389092
Date de la décision : 17/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 oct. 2016, n° 389092
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Pannier
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY ; SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:389092.20161017
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