Vu la procédure suivante :
Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir de l'arrêté du 4 juin 2010 par lequel le maire de Charras a, au nom de l'Etat, délivré un permis de construire quatre gîtes avec annexes, sauna et piscine à la SCI Les Jardins du Roc. Par un jugement n° 1003222 du 20 décembre 2012, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à sa demande.
Par un arrêt n° 13BX00529 du 7 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a fait droit à l'appel formé par la SCI Les Jardins du Roc contre ce jugement et rejeté la demande de MmeB....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 décembre 2014 et 9 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la SCI Les Jardins du Roc ;
3°) de mettre à la charge de l'État et de la SCI Les Jardins du Roc la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Corlay, avocat de Mme B...;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 3 octobre 2006, le maire de Charras (Charente) a délivré à la SCI Les Jardins du Roc, au nom de l'Etat, un permis de construire quatre gîtes, une piscine et des bâtiments annexes. Par un arrêt du 31 mars 2009, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce permis de construire. Après que la commune se fut dotée d'une carte communale créant une zone constructible correspondant au périmètre du projet annulé, la SCI Les Jardins du Roc a déposé une nouvelle demande pour la construction sur le même terrain de quatre gîtes avec annexe, sauna et piscine. Par un arrêté du 4 juin 2010, le maire de la commune de Charras a délivré, au nom de l'Etat, le permis sollicité. Par un arrêt du 7 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 décembre 2012 annulant cet arrêté, a rejeté la demande de Mme B...tendant à l'annulation de ce permis de construire. Mme B...se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. Pour écarter le moyen tiré de ce que le projet de construction devait être soumis à l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France en application des articles L. 621-30-1 du code du patrimoine et R. 421-38-4 du code de l'urbanisme, la cour s'est fondée sur ce que la SCI Les Jardins du Roc aurait soutenu, sans être utilement contredite, que la distance séparant le mur d'enceinte de la propriété de Mme B... et la construction projetée la plus proche serait de 534 mètres. D'une part, cette dernière affirmation ne repose sur aucune pièce du dossier soumis aux juges du fond, puisque n'y figure pas le plan faisant état d'une telle distance, qui aurait été réalisé par le géomètre-expert diligenté par la SCI Les Jardins du Roc, que cette dernière évoque dans ses écritures. D'autre part, il ressort des pièces de ce même dossier que Mme B...avait produit un plan, réalisé par un géomètre-expert diligenté par elle, indiquant une distance inférieure à 500 mètres entre sa propriété et l'une des constructions envisagées. La cour administrative d'appel, en estimant, sans se prononcer sur la valeur probante de ce dernier document, que Mme B...ne contredisait pas utilement l'affirmation de la SCI et en fondant son appréciation sur une pièce absente du dossier qui lui était soumis, a dénaturé les pièces de celui-ci.
3. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'arrêt attaqué doit être annulé. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SCI Les Jardins du Roc le versement à Mme B...de la somme qu'elle demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative mais il y a lieu de mettre à la charge de l'État, au titre des mêmes dispositions, le versement de la somme de 2 000 euros à MmeB....
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 7 octobre 2014 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'État versera à Mme B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., à la ministre du logement et de l'habitat durable, au maire de Charras et à la SCI Les Jardins du Roc.