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08/06/2016 | FRANCE | N°375162

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 08 juin 2016, 375162


Vu la procédure suivante :

M. C...A..., M. B... A..., Mme H...A..., M. F... D..., Mme E...D...et M. I...-C... D...ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 février 2007 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a, d'une part, déclaré d'utilité publique la réalisation d'un programme de logements sociaux de la commune de Levallois-Perret et, d'autre part, prononcé la cessibilité des parcelles K83 et K33 situées au 125-127 rue Anatole France. Par un jugement n° 0703843 du 5 février 2009, le tribunal administratif de Ver

sailles a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 09VE01066 du 24 juin ...

Vu la procédure suivante :

M. C...A..., M. B... A..., Mme H...A..., M. F... D..., Mme E...D...et M. I...-C... D...ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 février 2007 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a, d'une part, déclaré d'utilité publique la réalisation d'un programme de logements sociaux de la commune de Levallois-Perret et, d'autre part, prononcé la cessibilité des parcelles K83 et K33 situées au 125-127 rue Anatole France. Par un jugement n° 0703843 du 5 février 2009, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 09VE01066 du 24 juin 2010, la cour administrative d'appel de Versailles, a, d'une part, à la demande de M. C...A..., M. B... A..., Mme H... A..., M. F...D..., Mme E...D...et de M. G... D..., annulé ce jugement du tribunal administratif de Versailles et, d'autre part, annulé cet arrêté.

Par une décision n° 343069 du 19 octobre 2012, le Conseil d'Etat, à la demande de la commune, a annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles et renvoyé l'affaire à cette cour.

Par un arrêt n° 12VE03597 du 19 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du tribunal administratif de Versailles ainsi que l'arrêté du 16 février 2007.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 3 février 2014, 5 mai 2014 et 4 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Levallois-Perret demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de M. A...et autres ;

3°) de mettre à la charge de M. A...et autres la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la commune de Levallois-Perret et à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. C... A...et autres ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 16 février 2007, le préfet des Hauts-de-Seine a, d'une part, déclaré d'utilité publique la réalisation d'un programme de logements sociaux et, d'autre part, prononcé la cessibilité des parcelles cadastrées K83 et K33 situées au 125-127 rue Anatole France nécessaires à la réalisation de cette opération ; que, par un jugement n° 0703843 du 5 février 2009, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande d'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté présentée par les consorts A...et D...; que, par un arrêt n° 09VE01066 du 24 juin 2010, la cour administrative d'appel de Versailles, sur la requête des intéressés, a annulé ce jugement et cet arrêté ; que, sur le pourvoi de la commune de Levallois-Perret, par une décision n° 343069 du 19 octobre 2012, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à cette cour ; que, par un arrêt n° 12VE03597 du 19 novembre 2013, contre lequel la commune de Levallois-Perret se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du 5 février 2009 et l'arrêté du 16 février 2007 ;

Sur le pourvoi :

2. Considérant qu'il appartient au juge administratif, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

3. Considérant qu'il appartient au juge administratif, lorsque la nécessité de l'expropriation est contestée devant lui, d'apprécier si l'expropriant ou, le cas échéant, le bénéficiaire de l'expropriation disposait effectivement de terrains qui, eu égard, d'une part, à leurs caractéristiques, et notamment à leur situation, leur superficie et leur configuration et, d'autre part, à la nature de l'opération projetée, auraient permis de réaliser le projet dans des conditions équivalentes, sans recourir à l'expropriation ;

4. Considérant que, pour estimer que l'expropriation n'était pas en l'espèce nécessaire et annuler en conséquence la déclaration d'utilité publique litigieuse, la cour s'est bornée à relever que la commune était propriétaire, dans le secteur concerné par l'opération, de différents terrains susceptibles de permettre la construction de plusieurs dizaines de logements sociaux dans des conditions équivalentes, notamment sur les parcelles cadastrées 181, 166 et 169 ; qu'en se prononçant ainsi, sans préciser en quoi, compte tenu de l'argumentation détaillée présentée par la commune contestant ce point, ces terrains permettaient, eu égard à leurs caractéristiques et à la nature de l'opération projetée, de réaliser celle-ci sans expropriation, la cour a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la commune de Levallois-Perret est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

5. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il incombe, par suite, au Conseil d'Etat de régler l'affaire au fond ;

Sur les requêtes d'appel :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par les requérants :

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de Levallois-Perret a été régulièrement habilité, par délibérations des 25 mars 2008 et 29 juin 2009, à représenter la commune pour défendre dans l'instance devant la cour administrative d'appel de Versailles ; que, par suite, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, les mémoires de la commune sont recevables ;

En ce qui concerne la déclaration d'utilité publique :

S'agissant de la légalité externe :

7. Considérant, en premier lieu, que s'agissant de la régularité de la procédure d'enquête publique, les requérants ont soulevé les mêmes moyens que ceux présentés devant le tribunal administratif de Versailles et tirés de la sous-évaluation manifeste des coûts retenus dans l'appréciation sommaire des dépenses, ainsi que des insuffisances du rapport du commissaire enquêteur ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif, de les écarter ; qu'en outre, aucune disposition n'impose à l'administration de transmettre le dossier d'enquête publique aux propriétaires concernés ;

8. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la notice explicative jointe au dossier d'enquête publique justifie le projet critiqué par la nécessité de satisfaire les besoins en logements sociaux dans la commune, de développer la mixité sociale, et indique que le projet permettra la réalisation d'un immeuble de qualité et d'une " marge verte " ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la notice explicative doit, par suite, être écarté ;

S'agissant de la légalité interne :

9. Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutiennent les requérants, le délai de convocation des élus à la séance du conseil municipal est régi non par l'article L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales, mais par l'article L. 2121-12 du même code, s'agissant d'une commune qui compte plus de 3 500 habitants ; qu'au demeurant, la convocation a été adressée aux élus le 21 février 2006, en vue d'une séance le 27 février 2006, dans le délai de cinq jours francs prescrit par ce dernier article ; que la note explicative de synthèse jointe à la convocation a permis une information suffisante des membres du conseil municipal ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir, par un moyen soulevé par la voie de l'exception, que la délibération du 27 février 2006 par laquelle le conseil municipal de Levallois-Perret a demandé au préfet de prendre l'arrêté attaqué serait illégale en raison de la méconnaissance des règles de convocation et d'information des conseillers municipaux ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés de ce que la délibération précitée du 27 février 2006 et l'arrêté du préfet portant ouverture de l'enquête publique n'auraient pas fait l'objet des mesures de publicité prescrites par la réglementation en vigueur ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'aucune disposition n'impose, par ailleurs, ni que la délibération comporte le résultat du vote, ni que le maire prenne une décision de transmission du dossier nécessaire à la déclaration d'utilité publique ;

11. Considérant, en troisième lieu, que l'opération envisagée a eu pour objet d'accroître le parc de logements sociaux de la commune de Levallois-Perret, afin de se conformer aux exigences en matière de mixité sociale résultant notamment de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ; qu'elle répond ainsi à une finalité d'intérêt général ;

12. Considérant que, pour contester la nécessité de recourir à l'expropriation, les requérants soutiennent que d'autres parcelles appartenant à la commune auraient permis de réaliser l'opération projetée dans des conditions équivalentes ; qu'eu égard toutefois à l'objet de l'opération projetée, qui tend à la construction, dans un secteur déterminé de la commune et conformément aux orientations de la politique municipale en matière d'habitat, d'un immeuble collectif de sept étages comportant vingt-sept logements sociaux, il ne ressort pas des pièces du dossier que les diverses parcelles mentionnées par les requérants, eu égard à leur situation, leur superficie, leur configuration, ou à leur disponibilité, seraient de nature à permettre de réaliser l'opération projetée dans des conditions équivalentes, soit parce qu'elles sont trop éloignées du quartier dans lequel la commune souhaite réaliser son projet, soit parce qu'elles sont d'une emprise insuffisante pour accueillir l'ensemble du projet, d'autant que celui-ci prévoit une " marge verte ", soit parce qu'elles sont déjà affectées à un autre usage ou à un projet précisément envisagé ; qu'en particulier, il ne ressort pas des pièces du dossier que les parcelles situées à proximité de l'intersection des rues Marius Aufan et Paul Vaillant Couturier étaient disponibles à la date de la déclaration d'utilité publique, eu égard à la délibération du conseil municipal du 25 juin 1998 les destinant à accueillir une autre opération immobilière portant sur la réalisation de logements ; que les requérants ne peuvent utilement exciper de la circonstance que la commune aurait pu acquérir par voie de préemption un autre terrain pour réaliser cette opération ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que si les requérants soutiennent que l'opération projetée risque d'entraîner la densification du quartier où elle est située et, la disparition d'espaces verts, et aurait un coût excessif, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces inconvénients et les atteintes portées à la propriété privée qu'ils invoquent seraient de nature à la priver d'utilité publique, eu égard à l'intérêt qui s'attache à la réalisation du programme de logement social envisagé ;

14. Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré de ce qu'à la date à laquelle la déclaration d'utilité publique a été prise, celle-ci aurait été incompatible avec les servitudes d'alignement alors en vigueur dans la commune de Levallois-Perret n'est, en tout état de cause, pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

15. Considérant, en sixième lieu, que l'annulation par un arrêt, devenu défintif, de la cour administrative d'appel de Versailles de la délibération du 27 septembre 2004 par laquelle la commission permanente du département des Hauts-de-Seine a procédé au retrait des plans d'alignement des propriétés riveraines des routes départementales n°s 9 bis, 16 et 17 ne peut conduire à l'annulation par voie de conséquence de la déclaration d'utilité publique attaquée ;

16. Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

En ce qui concerne la cessibilité des parcelles :

17. Considérant qu'il ressort des écritures produites par les requérants qu'ils n'ont soulevé, dans le délai de recours contentieux, que des moyens de légalité interne contre l'arrêté attaqué, en tant qu'il prononce la cessibilité des parcelles ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Versailles a estimé, après avoir relevé ce moyen d'office, qu'ils n'étaient pas recevables à soulever des moyens de légalité externe, qui relevaient d'une cause juridique distincte, postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les autres moyens dirigés contre l'arrêté attaqué en tant qu'il prononce la cessibilité des parcelles et tirés de l'illégalité de la déclaration d'utilité publique ne peuvent qu'être écartés ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n° 0703843 du 5 février 2009, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 16 février 2007 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Levallois-Perret au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt n° 12VE03597 du 19 novembre 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : La requête de M. A...et autres est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Levallois-Perret et par M. A...et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Levallois-Perret et M. C... A..., premier défendeur dénommé. Les autres défendeurs seront informés de la présente décision par la SCP Le Bret-Desaché, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 375162
Date de la décision : 08/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2016, n° 375162
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP LE BRET-DESACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:375162.20160608
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