Vu la procédure suivante :
Par une décision du 19 octobre 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société Inova dirigées contre l'arrêt n° 13DA00494 du 12 décembre 2014 de la cour administrative d'appel de Douai en tant seulement qu'il s'est prononcé sur les intérêts moratoires dus à la société par le syndicat inter-arrondissement pour la valorisation et l'élimination des déchets (SIAVED).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Montrieux, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Inova ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 mai 2016 , présentée par la société Inova ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un marché conclu le 8 décembre 2000, le syndicat intercommunal de la région de Denain pour le traitement des déchets hospitaliers, industriels et ménagers, devenu le syndicat inter-arrondissement pour la valorisation et l'élimination des déchets (SIAVED), a confié au groupement conjoint d'entreprises formé de la société Inova France SA, mandataire du groupement, la société Sogea Nord et la société d'architectes Copin, Parent, Gasnier et Gosnard, la conception et la réalisation d'une unité de valorisation énergétique par production d'électricité à implanter sur l'usine d'incinération des ordures ménagères de Douchy-les-Mines ; qu'un litige est né entre les parties à propos du règlement financier du marché ; que, par un jugement n° 0905169 du 5 février 2013, le tribunal administratif de Lille a condamné le SIAVED à verser à la société Inova une somme de 1 180 808,28 euros TTC assortie des intérêts moratoires à compter du 12 décembre 2006 et de leur capitalisation ; que cette société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 décembre 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel du SIAVED, réformé ce jugement en ramenant la somme à verser par celui-ci à 477 244,90 euros, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20 %, ainsi que des intérêts moratoires contractuels à compter du 28 décembre 2006, assortis de leur capitalisation, jusqu'au paiement de cette somme ; que par une décision du 19 octobre 2015, le Conseil d'Etat a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société Inova en tant seulement qu'il s'est prononcé sur les intérêts moratoires dus à la société par le syndicat inter-arrondissement pour la valorisation et l'élimination des déchets (SIAVED) ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 178 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " I. L'administration contractante est tenue de procéder au mandatement des acomptes et du solde dans un délai qui ne peut dépasser quarante-cinq jours ; toutefois, pour le solde de certaines catégories de marchés, un délai plus long peut être fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie. Ce délai ne peut être supérieur à trois mois./ II. Le défaut de mandatement dans le délai prévu au I. ci-dessus fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire et du sous-traitant, des intérêts moratoires, à partir du jour suivant l'expiration dudit délai jusqu'au 15ème jour inclus suivant la date de mandatement du principal / Toutefois, dans le cas où le mandatement est effectué hors du délai prévu au présent article, lorsque les intérêts moratoires n'ont pas été mandatés en même temps que le principal et que la date du mandatement n'a pas été communiquée au titulaire, les intérêts moratoires sont dus jusqu'à ce que les fonds soient mis à la disposition du titulaire (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du ministre de l'économie du 17 janvier 1991 modifié, applicable au présent marché : " Pour les marchés (...) d'une durée supérieure à six mois et faisant référence au cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, le délai de mandatement du solde est de deux mois à compter de la notification du décompte général au titulaire du marché " ; qu'aux termes de l'article 13.42 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux : " Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci après : / -quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final / -trente jours après la publication de l'index de référence permettant la révision du solde " ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que le maître d'ouvrage disposait d'un délai de quarante-cinq jours à compter de la notification, par l'entreprise, du projet de décompte final pour adresser à celle-ci le décompte général du marché ; qu'à compter de la notification de celui-ci ou, en l'absence d'une telle notification, à compter de l'expiration du délai précité de quarante-cinq jours, le maître d'ouvrage devait procéder au mandatement du solde dans un délai qui, s'agissant d'un marché dont l'exécution contractuelle dépassait six mois, ne pouvait excéder soixante jours ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la réception, par le SIAVED, le 26 février 2005, du projet de décompte final soumis par la société Inova a fait courir un délai de quarante-cinq jours expirant le 12 avril 2005 ; qu'à cette date, en l'absence de notification par le SIAVED du décompte général à l'entreprise, a commencé à courir le délai de soixante jours prévu par le cahier des clauses administratives générales, applicable aux marchés de travaux, au cours duquel la personne publique était tenue de mandater le solde du marché ; que l'expiration de ce délai, survenue le 11 juin 2005, a fait courir à partir du jour suivant, au profit de l'entreprise, les intérêts moratoires ; qu'il résulte de ce qui précède que les intérêts moratoires étaient dus par le SIAVED à compter du 12 juin 2005, nonobstant la demande de complément de révision du prix qu'il a adressée à la société Inova le 26 juin 2006, soit plus d'un an après avoir reçu le projet de décompte final de son cocontractant ; que, par suite, en jugeant que devait être pris en compte, pour déterminer le point de départ des intérêts moratoires, la date du décompte général finalement notifié par le SIAVED le 27 octobre 2006, et en en déduisant que le point de départ des intérêts moratoires devait être fixé au 28 décembre 2006, la cour a commis une erreur de droit ;
5. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des termes de l'article 178 du code des marchés publics cités au point 2 que, sauf dans le cas où ils n'ont pas été mandatés en même temps que le principal du solde du marché, les intérêts courent jusqu'au quinzième jour inclus suivant la date du mandatement du principal ; qu'en jugeant que ces intérêts seraient dus jusqu'à leur paiement effectif, sans rechercher si le SIAVED avait mandaté le principal en même temps que les intérêts moratoires, la cour a commis une erreur de droit ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Inova est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a statué sur les intérêts moratoires ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
8. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 4, que les intérêts moratoires étaient dus par le SIAVED à compter du 12 juin 2005 ; que cependant, la société Inova s'étant bornée, devant le tribunal administratif, à demander le paiement des intérêts moratoires à compter du 12 décembre 2006, sa demande, en cause d'appel, tendant à ce que le point de départ des intérêts moratoires contractuels soit fixé au 12 juin 2005 est irrecevable dès lors qu'elle constitue une demande nouvelle ; qu'elle a donc droit aux intérêts moratoires sur la somme de 477 244,90 euros, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée, à compter du 12 décembre 2006, et ce jusqu'au quinzième jour inclus suivant la date du mandatement du principal, ainsi qu'il a été dit au point 5 ; qu'elle a également droit à la capitalisation des intérêts à compter du 10 août 2009 ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué en ce sens ;
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SIAVED la somme de 3 500 euros à verser à la société Inova, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 12 décembre 2014 est annulé en tant qu'il statue sur les intérêts moratoires.
Article 2 : Le SIAVED versera à la société Inova les intérêts moratoires contractuels sur la somme de 477 244,90 euros, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée, à compter du 12 décembre 2006, et ce jusqu'au quinzième jour inclus suivant la date du mandatement du principal, avec capitalisation des intérêts à compter du 10 août 2009.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 5 février 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le SIAVED versera à la société Inova une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Inova.
Copie en sera adressée au syndicat inter-arrondissement pour la valorisation et l'élimination des déchets (SIAVED).