Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 avril et 30 mai 2013, présentés pour le syndicat inter-arrondissement pour la valorisation et l'élimination des déchets (SIAVED), dont le siège est 5 route de Lourches à Douchy-les-Mines (59282), représenté par son président en exercice, par la SCP Chéneau et Puybasset ;
Le SIAVED demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0905169 du 5 février 2013 en tant que le tribunal administratif de Lille l'a condamné, par son article 2, à verser à la société Inova France SA une somme de 1 180 808,28 euros toutes taxes comprises (TTC), avec intérêts au taux légal majoré de deux points à compter du 12 décembre 2006, et capitalisation des intérêts à compter du 10 août 2009 ;
2°) de rejeter la demande de la société Inova France SA devant le tribunal administratif de Lille ;
3°) de mettre à la charge de la société Inova la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifié, approuvant le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux ;
Vu l'arrêté ministériel du 17 janvier 1991 relatif aux intérêts moratoires dus en application du code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du 13 novembre 2014 du président de la cour désignant M. Laurent Domingo pour exercer les fonctions de rapporteur public à l'audience du 27 novembre 2014 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public,
- et les observations de Me François Chéneau, avocat du SIAVED, et de Me Stéphanie Juffroy, avocat de la société Inova ;
1. Considérant que, par un acte d'engagement du 8 décembre 2000, le syndicat intercommunal de la région de Denain pour le traitement des déchets hospitaliers, industriels et ménagers (SIRDHIM) a confié au groupement conjoint d'entreprises formé de la société Inova France SA, mandataire du groupement, la société Sogea Nord et la société d'architectes Copin, Parent, Gasnier et Gosnard, la conception et la réalisation d'une unité de valorisation énergétique par production d'électricité à implanter sur l'usine d'incinération des ordures ménagères de Douchy-les-Mines, pour le prix global forfaitaire de 187 053 346,47 francs toutes taxes comprises (TTC), ainsi que des prestations complémentaires pour un montant de 11 510 411,64 francs TTC ; qu'un litige est né entre les parties à propos du règlement financier du marché résultant principalement du retard dans le démarrage des travaux ; que, compte tenu de son argumentation d'appel, le SIAVED doit être regardé comme demandant l'annulation de l'article 2 du jugement du 5 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à la société Inova France SA une somme de 1 180 808,28 euros TTC assortie des intérêts et de leur capitalisation ;
Sur la recevabilité de la demande de la société Inova France SA devant le tribunal administratif de Lille :
2. Considérant que, le 7 décembre 2006, le président du SIAVED a certifié avoir reçu à cette date, de la part de la société Inova France SA, " deux plis concernant le mémoire de réclamation sur décompte général " ; que le SIAVED n'a, à aucun moment avant l'instance contentieuse devant le tribunal administratif de Lille, remis en cause l'origine, la nature ou la portée de ce pli, dont il résulte de l'instruction qu'il ne pouvait s'analyser que comme un mémoire en réclamation présenté par la société Inova France SA au nom du groupement d'entreprises dont elle était le mandataire ; qu'au demeurant, il ne résulte d'aucun texte et notamment pas des stipulations contractuelles que cette réclamation devait être obligatoirement signée de l'entrepreneur ; que, par suite, le SIAVED n'est pas fondé à soutenir que la demande de la société Inova France SA devant le tribunal administratif de Lille était irrecevable au motif qu'aucun mémoire en réclamation valide ne lui aurait été adressé ;
Sur les manquements retenus en première instance :
3. Considérant que les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique ;
4. Considérant que, pour prononcer la condamnation du SIAVED, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage résultant de différents manquements tirés, selon les premiers juges, du défaut de coordination entre le coordonnateur sécurité et la société Inova France SA, du défaut d'animation, de direction et de contrôle du projet par le maître d'ouvrage, du défaut de souscription des assurances par ce dernier et de l'absence d'obtention du permis de construire dans les délais requis, ou, à tout le moins, sur le défaut d'information quant à l'existence d'un permis de construire tacite ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que le retard dans l'exécution du marché procède non de ces éventuels manquements mais directement d'une absence de capacité de financement par le maître d'ouvrage des travaux commandés, ce qui a conduit le groupement à interrompre l'exécution du marché en faisant une application, d'ailleurs non contestée, de l'article 48.3 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux (CCAG " travaux ") en vertu duquel, au cas où trois acomptes mensuels successifs n'ont pas été mandatés - ce qui était le cas en l'espèce entre janvier et mai 2001 -, l'entrepreneur notifie son intention d'interrompre les travaux - ce qu'il a fait le 19 juin 2001 - et, en l'absence d'une obligation de poursuivre notifiée à ce dernier - ce qui a été constaté -, peut interrompre les travaux - ce que le groupement a fait à compter du 19 août 2001 ; que, dès lors, en l'absence de lien de causalité direct entre les préjudices invoqués liés au retard et les manquements retenus par le tribunal qui n'expliquent pas à eux seuls l'origine ou la longueur de ces retards, le SIAVED est fondé à soutenir que c'est à tort, en tout état de cause, que les premiers juges se sont fondés sur de tels manquements pour prononcer sa condamnation à indemniser la société Inova France SA ;
5. Considérant toutefois qu'il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen tiré de la faute commise par la personne publique, présenté par la société Inova, venant aux droits de la société Inova France SA, devant la juridiction administrative ;
Sur le manquement tiré de l'absence de capacité de financement de la part du maître d'ouvrage :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la date de signature du marché, pas plus qu'à la date d'émission de l'ordre de service n° 1 du 4 janvier 2001, le SIRDHIM ne disposait des garanties bancaires et du financement permettant la réalisation de l'opération projetée ; que ce défaut dans la capacité de financement a d'ailleurs fait obstacle à ce que le syndicat puisse s'acquitter de ses obligations contractuelles et régler aux entreprises les acomptes mensuels correspondant à la conception du projet entre janvier et mai 2001 ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, cette carence du maître d'ouvrage a été seule à l'origine de la décision de la société Inova France SA d'interrompre l'exécution du marché en application de l'article 48.3 du CCAG " travaux " ; qu'en procédant ainsi, le groupement n'a commis aucune faute ; qu'il résulte de l'instruction que l'exécution du marché portant sur les prestations de réalisation des travaux n'ont pu débuter qu'à compter d'octobre 2001 après que le maître d'ouvrage a pu retrouver une capacité de financement suffisante ; que, par suite, la société Inova est fondée à soutenir que le SIAVED, venant aux droits du SIRDHIM, a manqué à ses obligations contractuelles en ne s'assurant pas des capacités de financement suffisantes, alors que l'événement n'était ni imprévisible, ni extérieur au syndicat intercommunal existant à l'époque ; que ce manquement est directement à l'origine du retard de vingt-trois mois constaté, qu'il suffit à expliquer ;
Sur la réparation des préjudices liés au retard :
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avenant n° 4 signé le 2 octobre 2002, qui a eu pour objet de " recaler le planning d'intervention " des entreprises pour le démarrage des travaux sur le terrain, a également modifié l'article 6.1.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) en excluant du prix forfaitaire du marché les frais supportés par les entreprises intervenantes en raison du retard dans le démarrage des travaux ; que, dès lors, le groupement est susceptible d'être indemnisé des frais réellement exposés en lien avec ce retard ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport établi le 30 juin 2008 par l'expert désigné en référé par le tribunal administratif de Lille, que les frais de " démobilisation " du personnel de la société Inova France SA à compter du mois de mai 2001, puis de " remobilisation " à compter du mois d'août 2002, correspondent à la somme totale de 462 000 euros hors taxes (HT) ; que le SIAVED n'apporte aucun élément probant de nature à remettre en cause cette évaluation ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'allouer cette somme à la société Inova ;
9. Considérant que la société Inova admet dans ses écritures n'avoir fait l'objet d'aucune condamnation à l'égard de ses sous-traitants, la SAS Leroux et Lotz technologies et la société Alstom Power industrie ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société Inova aurait indemnisé ces sociétés du préjudice qui aurait résulté de l'allongement de la durée du chantier ; que, par suite, la société Inova ne peut prétendre à une indemnité à ce titre ;
Sur la restitution de la retenue de garantie :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 7.5 du CCAP relatif à la retenue de garantie : " Elle sera applicable à chaque décompte et plafonnée à 5 % du montant du marché de travaux. / Elle sera libérée à la fin de la période de garantie définie au présent CCAP ou versée au prononcé de la réception contre remise d'une caution bancaire à première demande couvrant la période de garantie de l'installation " ;
11. Considérant qu'en vertu de l'article 7.5 du CCAP, il y a lieu de mettre à la charge du SIAVED la somme, d'ailleurs non contestée, de 15 244,90 euros HT à ce titre ;
Sur l'actualisation des prix :
12. Considérant que l'article 6.3 du CCAP en litige stipule que l'actualisation des prix ne pouvait intervenir que dans le cas d'un retard d'au moins trois mois dans l'envoi de l'ordre de service ; que l'ordre de service n° 1, qui a fixé le point de départ de l'ensemble des prestations tant de conception que de réalisation, est intervenu le 26 décembre 2000, soit dans le délai contractuel tel que fixé par l'article 6.3 du CCAP ; qu'aucune actualisation n'était donc due à ce stade ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, les travaux de réalisation du projet sur le terrain n'ont pu commencer qu'avec retard ; que, toutefois, si l'avenant n° 4, qui avait comme objet " de recaler le planning d'intervention de l'entreprise pour le démarrage des travaux du centre de valorisation ", valait ordre de " redémarrage " des travaux, il n'a comporté aucune stipulation destinée à modifier l'article 6.3 du CCAP pour obtenir une actualisation des prix du marché à la date de redémarrage de ces travaux ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que la commune intention des parties était de considérer que l'avenant n° 4 se substituait à l'ordre de service n° 1 ; que, par suite, la société Inova n'est pas fondée à demander l'application de ces stipulations ;
Sur le solde :
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SIAVED doit être condamné à verser à la société Inova la somme totale de 477 244,90 euros HT à ajouter au solde du marché ;
Sur la taxe sur la valeur ajoutée :
14. Considérant qu'aux termes du point 6.3.4 du cahier des clauses administratives particulières : " Les montants des acomptes et du solde sont calculés en appliquant les taux de TVA en vigueur lors de l'établissement des pièces de mandatement. Ces montants sont éventuellement rectifiés en vue de l'établissement du décompte général en appliquant les taux de TVA en vigueur lors des encaissements " ;
15. Considérant qu'à la date de lecture du présent arrêt, à partir de laquelle la société Inova encaissera le supplément de rémunération dû sur le solde du marché fixé au point 13, l'article 278 du code général des impôts fixe à 20 % le taux de la TVA ; qu'ainsi, ce taux doit s'appliquer sur le montant de 477 244,90 euros ;
Sur les intérêts moratoires et leur capitalisation :
16. Considérant qu'aux termes de l'article 178 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable au marché litigieux : " I. L'administration contractante est tenue de procéder au mandatement des acomptes et du solde dans un délai qui ne peut dépasser trente-cinq jours ; toutefois, pour le solde de certaines catégories de marchés, un délai plus long peut être fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie et des finances. Ce délai ne peut être supérieur à trois mois. (...) / II. Le défaut de mandatement dans le délai prévu au I ci-dessus fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant, des intérêts moratoires, à partir du jour suivant l'expiration dudit délai jusqu'au quinzième jour inclus suivant la date du mandatement du principal (...). / Le défaut de mandatement de tout ou partie des intérêts moratoires lors du mandatement du principal entraîne une majoration de 2 p. 100 du montant de ces intérêts par mois de retard (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du ministre de l'économie du 17 janvier 1991 modifié, applicable au présent marché : " Pour les marchés (...) d'une durée supérieure à six mois et faisant référence au cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, le délai de mandatement du solde est de deux mois à compter de la notification du décompte général au titulaire du marché. " ; qu'aux termes de l'article 2 du même arrêté : " Le taux des intérêts moratoires prévu à l'article 182 du code des marchés publics est le taux d'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts ont commencé à courir, majoré de deux points " ;
17. Considérant que la société requérante a droit aux intérêts moratoires contractuels, correspondant au taux légal majoré de deux points, sur la somme de 477 244,90 euros, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée, deux mois après la notification du décompte général définitif, soit le 28 décembre 2006 et jusqu'au paiement de ces sommes ;
18. Considérant que la société Inova France SA avait demandé la capitalisation des intérêts pour la première fois dans sa demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lille le 10 août 2009 ; qu'à cette date, était due, compte tenu du point de départ des intérêts moratoires fixé au point 17, plus d'une année d'intérêts ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'augmenter le solde du marché en litige en ce qu'il concerne la société Inova France SA de la somme totale de 477 244,90 euros, à laquelle s'ajoute la taxe sur la valeur ajoutée comme il a été dit au point 15 ainsi que des intérêts moratoires contractuels assortis de leur capitalisation selon ce qui a été dit aux points 17 et 18, et de réformer en ce sens l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Lille ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Inova, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le SIAVED demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du SIAVED une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Inova et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le syndicat inter-arrondissement pour la valorisation et l'élimination des déchets versera à la société Inova, au titre du solde du marché, une somme complémentaire de 477 244,90 euros, qui sera augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20 %, ainsi que des intérêts moratoires contractuels assortis de leur capitalisation selon ce qui a été dit aux points 17 et 18.
Article 2 : L'article 2 du jugement du 5 février 2013 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le syndicat inter-arrondissement pour la valorisation et l'élimination des déchets versera à la société Inova la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat inter-arrondissement pour la valorisation et l'élimination des déchets et à la société Inova.
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N°13DA00494 2