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16/03/2016 | FRANCE | N°386878

France | France, Conseil d'État, 1ère ssjs, 16 mars 2016, 386878


Vu la procédure suivante :

La SCI Gilpierre a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 juillet 2011 par lequel le maire de la commune de Saint-Raphaël a rejeté sa demande de permis de construire, ainsi que la décision implicite par laquelle ce maire a rejeté son recours gracieux du 7 septembre 2011. Par un jugement n° 1103436 du 13 décembre 2012, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13MA00670 du 3 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé

par la SCI Gilpierre contre le jugement du tribunal administratif de Toulon...

Vu la procédure suivante :

La SCI Gilpierre a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 juillet 2011 par lequel le maire de la commune de Saint-Raphaël a rejeté sa demande de permis de construire, ainsi que la décision implicite par laquelle ce maire a rejeté son recours gracieux du 7 septembre 2011. Par un jugement n° 1103436 du 13 décembre 2012, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13MA00670 du 3 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la SCI Gilpierre contre le jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 décembre 2012.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 janvier et 7 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Gilpierre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 3 novembre 2014 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Raphaël la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yannick Faure, auditeur,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la SCI Gilpierre, et à la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Saint-Raphaël ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 19 juillet 2010, la SCI Gilpierre a déposé une demande de permis de construire afin de reconstruire à l'identique un bâtiment, situé sur le territoire de la commune de Saint-Raphaël, détruit en 1987 par un incendie. Par un arrêté du 13 juillet 2011, le maire de cette commune a rejeté sa demande au motif, notamment, que la reconstruction à l'identique du bâtiment détruit en 1987 ne satisfaisait ni aux conditions résultant de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ni à celles résultant de l'article N2.14 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune. Par l'arrêt attaqué du 3 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé le rejet de la demande d'annulation de ce refus présentée par la SCI Gilpierre devant le tribunal administratif de Toulon, au motif que le maire de Saint-Raphaël était tenu, en application des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme et de l'article N.2.14 du règlement du plan local d'urbanisme, de rejeter la demande de permis de construire sollicité.

2. L'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, disposait que : " La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié ". La loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures a modifié ces dispositions pour prévoir que : " La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié ".

3. Lorsqu'une loi nouvelle institue, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'un droit précédemment ouvert sans condition de délai, ce délai est immédiatement applicable mais ne peut, à peine de rétroactivité, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Si, en adoptant les dispositions de la loi du 13 décembre 2000 insérées à l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, le législateur n'a pas entendu permettre aux propriétaires d'un bâtiment détruit de le reconstruire au-delà d'un délai raisonnable afin d'échapper à l'application des règles d'urbanisme devenues contraignantes, les modifications apportées à cet article par la loi du 12 mai 2009 ont notamment eu pour objet de créer expressément un délai ayant pour effet d'instituer une prescription extinctive du droit, initialement conféré par la loi du 13 décembre 2000 aux propriétaires d'un bâtiment détruit par un sinistre, de le reconstruire à l'identique. Il en résulte que le délai qu'elle instaure n'a commencé à courir, dans tous les autres cas de destruction d'un bâtiment par un sinistre, qu'à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2009.

4. En jugeant que l'entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2009, en tant qu'elle a modifié l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, a eu pour effet, dès la date de son entrée en vigueur, de limiter à dix ans la possibilité qu'elle autorise de reconstruction d'un bâtiment détruit " et ce quelle qu'ait été la date de destruction ", alors qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que, pour les bâtiments dont les propriétaires auraient pu se prévaloir des dispositions de la loi du 13 décembre 2000, la prescription du droit à la reconstruction d'un bâtiment détruit par un sinistre antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle ne commence à courir qu'à compter de cette dernière date, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit.

5. Il résulte, il est vrai, des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme que le plan local d'urbanisme d'une commune peut faire obstacle, par des dispositions expresses, à la reconstruction à l'identique des bâtiments après sinistre. Toutefois, si la cour administrative d'appel de Marseille a jugé que le maire de Saint-Raphaël était tenu, en application des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme et de l'article N.2.14 du règlement du plan local d'urbanisme, de rejeter la demande de permis de construire sollicité, elle n'a pas recherché si les dispositions de cet article N.2.14 faisaient obstacle à la possibilité de reconstruction à l'identique ouverte par l'article L. 111-3. Dans ces conditions, le motif tiré de ce que les dispositions de cet article faisaient obligation au maire de rejeter la demande de permis ne peut être regardé, contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Raphaël, comme présentant un caractère surabondant.

6. Le motif tiré de ce que la SCI Gilpierre cherchait à reconstruire le bâtiment détruit au-delà d'un délai raisonnable afin d'échapper à l'application des règles d'urbanisme devenues contraignantes, et ne pouvait ainsi se prévaloir des dispositions de l'article L. 111-3 dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 décembre 2000, exige une appréciation des faits à laquelle il n'appartient pas au juge de cassation de se livrer. Il ne peut, dès lors, être fait droit à la demande de substitution de motifs présentée par la commune.

7. Il résulte de ce qui précède que la SCI Gilpierre est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens du pourvoi.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la SCI Gilpierre au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune présentées au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 3 novembre 2014 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Les conclusions de la SCI Gilpierre et de la commune de Saint-Raphaël présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SCI Gilpierre et à la commune de Saint-Raphaël.


Synthèse
Formation : 1ère ssjs
Numéro d'arrêt : 386878
Date de la décision : 16/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 mar. 2016, n° 386878
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yannick Faure
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP JEAN-PHILIPPE CASTON ; SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:386878.20160316
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