Vu le pourvoi, enregistré le 3 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. B...M'A..., demeurant ... ; M. M'A... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 11MA02147 du 21 mars 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, sur la requête du préfet des Alpes-Maritimes, d'une part, annulé le jugement n° 1100316 du 21 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté en date du 4 janvier 2011 en tant qu'il a refusé de délivrer au requérant un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" et, d'autre part, rejeté sa demande devant le tribunal administratif de Nice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Guillaume Déderen, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Copper-Royer, avocat de M. M'A... ;
1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, par arrêté du 4 janvier 2011, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de délivrer un titre de séjour à M. M'A..., qui est de nationalité tunisienne, et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'à la demande de M. M'A..., par jugement du 21 avril 2011, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que M. M'A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 mars 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 21 avril 2011 et a rejeté sa demande ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° l'étranger ne vivant pas en état de polygamie [...] dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. M'A... est père d'un enfant de nationalité française, né le 8 mai 2010, qu'il a eu avec Mme C..., également de nationalité française, et qu'il a reconnu dès sa naissance ; qu'à la date de la décision de refus de lui délivrer un titre de séjour, le requérant vivait effectivement avec l'intéressée ; que, bien que Mme C...soit sans emploi, M. M'A... justifie de l'exercice d'une activité salariée lui permettant de subvenir aux besoins du foyer ; que l'intéressé, qui a bénéficié d'une carte de séjour temporaire en qualité de salarié entre 1998 et 2004, a vécu en France la majeure partie de sa vie d'adulte et en maîtrise la langue ; qu'il ressort des attestations et documents médicaux joints au dossier qu'il a participé de manière effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis la naissance de celui-ci ; que, dans ces conditions, en jugeant que l'arrêté du 4 janvier 2011 n'avait pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. M'A... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, la cour administrative d'appel de Marseille a entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. M'A... est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt du 27 mai 2010 attaqué ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail : " Sans préjudice des dispositions du b) et du d) de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. / Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur. " ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que l'intéressé, qui est père d'un enfant français et qui participait de manière effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis la naissance de celui-ci, remplissait les conditions posées par le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour pouvoir bénéficier d'un titre de séjour, comme d'ailleurs de celles du 7° du même article ; que, par suite, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 pour annuler l'arrêté du 4 janvier 2011 et enjoindre à l'administration de délivrer à l'intéressé un titre de séjour ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet des Alpes-Maritimes n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 21 avril 2011 du tribunal administratif de Nice ; que M. M'A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761 1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Copper-Royer, avocat de M. M'A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Copper-Royer de la somme de 2000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 21 mars 2013 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par le préfet des Alpes-Maritimes devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à Me Copper-Royer, avocat de M.M'A..., la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Monsieur B...M'A... et au ministre de l'intérieur.