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07/11/2012 | FRANCE | N°354224

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 07 novembre 2012, 354224


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 novembre 2011 et 21 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Mokhtar B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA05235 du 22 septembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement n° 1007805/7-2 du 12 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris avait fait droit à sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du préfet de police du 12 avril 201

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 novembre 2011 et 21 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Mokhtar B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA05235 du 22 septembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement n° 1007805/7-2 du 12 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris avait fait droit à sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du préfet de police du 12 avril 2010 prononçant son expulsion du territoire français et, d'autre part, rejeté sa demande ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du préfet de police ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Airelle Niepce, Maître des requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan , avocat de M. B,

- les conclusions de M. Damien Botteghi, Rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ." ; que, cependant, aux termes de l'article L. 521-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : (...) / 2° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; / 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins quatre ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger relevant du 1°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage ; / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; (...). " ; qu'il résulte toutefois de l'avant-dernier alinéa de ce même article que cette protection n'est pas applicable " à l'étranger mentionné au 3° ou au 4° ci-dessus lorsque les faits à l'origine de la mesure d'expulsion ont été commis à l'encontre de son conjoint ou de ses enfants ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale. (...). " ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'en estimant que l'arrêté d'expulsion pris le 12 avril 2010 par le préfet de police à l'encontre de M. B, ressortissant algérien, était suffisamment motivé, la cour administrative d'appel de Paris s'est livrée à une appréciation souveraine qui, en l'absence de dénaturation, n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'après avoir relevé que M. B avait été condamné par la cour d'assises de Paris, en juin 2004, à treize ans de réclusion criminelle pour des faits, commis entre 1994 et 1997, de viols sur la personne d'une mineure de quinze ans ainsi que pour des faits, commis entre 1997 et 2000, de viols par une personne ayant autorité sur la victime, et que son comportement violent avait été également attesté par sa première compagne française dès 1978, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, a exactement qualifié les faits de l'espèce, compte tenu de la gravité des comportements reprochés au requérant, en jugeant que la présence de l'intéressé sur le territoire français constituait une menace grave pour l'ordre public ;

4. Considérant, en troisième lieu, que la cour a estimé que M. B, qui ne produisait que deux cartes de résident valables pour la période allant de juin 1989 à juin 2009, de laquelle devaient être retranchées les quelque six années passées en détention, mais ne produisait pas les titres de séjour qu'il alléguait avoir détenus entre 1969 et 1989, n'établissait pas une présence régulière de vingt années sur le territoire français et ne pouvait donc se prévaloir des dispositions du 2° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, ce faisant, la cour a porté sur les pièces du dossier, qu'elle n'a pas dénaturées, une appréciation souveraine qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment des dispositions de son avant-dernier alinéa, rapprochées de celles des 3° et 4°, que le législateur a entendu exclure de la protection contre l'expulsion prévue par ces dernières dispositions l'étranger qui a commis les faits à l'origine de la mesure d'expulsion à l'encontre des enfants de son conjoint ou de son concubin ; que par suite, après avoir relevé que les viols pour lesquels M. B a été condamné avaient été commis sur la personne de la fille mineure de sa compagne à l'époque des faits, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il ne pouvait se prévaloir de la protection prévue au 3° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant, enfin, qu'après avoir relevé que M. B était marié avec une ressortissante française depuis juin 2005, mais qu'il reconnaissait lui-même n'avoir plus depuis 2004 de contact avec son fils majeur résidant en France et n'être pas dépourvu de toute attache familiale en Algérie où résident ses deux soeurs, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant, eu égard à la gravité des faits et de la menace que l'intéressé représente, que l'arrêté d'expulsion n'avait pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts de défense de l'ordre public en vue desquels cette mesure a été prise ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mokhtar B et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 354224
Date de la décision : 07/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-02-04 ÉTRANGERS. EXPULSION. DROIT AU RESPECT DE LA VIE FAMILIALE. - PROTECTION CONTRE L'EXPULSION DES 3° ET 4° DE L'ARTICLE L. 521-3 DU CESEDA - EXCEPTION - FAITS À L'ORIGINE DE LA MESURE D'EXPULSION COMMIS À L'ENCONTRE DU CONJOINT DE L'ÉTRANGER OU DE SES ENFANTS OU DE TOUT ENFANT SUR LEQUEL IL EXERCE L'AUTORITÉ PARENTALE (DERNIER ALINÉA DE L'ARTICLE) - CHAMP D'APPLICATION - FAITS COMMIS À L'ENCONTRE DES ENFANTS DU CONJOINT OU DU CONCUBIN DE L'ÉTRANGER - INCLUSION.

335-02-04 Il ressort de l'ensemble des dispositions de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), notamment des dispositions de son avant-dernier alinéa, rapprochées de celles des 3° et 4°, que le législateur a entendu exclure de la protection contre l'expulsion prévue par ces dernières dispositions l'étranger qui a commis les faits à l'origine de la mesure d'expulsion à l'encontre des enfants de son conjoint ou de son concubin.


Publications
Proposition de citation : CE, 07 nov. 2012, n° 354224
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Airelle Niepce
Rapporteur public ?: M. Damien Botteghi
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:354224.20121107
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