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28/09/2012 | FRANCE | N°340285

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 28 septembre 2012, 340285


Vu 1°), sous le n° 340285, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juin et 7 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la Société Parc Eolien Guern, dont le siège est au 23-25 rue Jean-Jacques Rousseau à Paris (75001) ; la Société Parc Eolien Guern demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n°s 09NT00829, 09NT00830, 09NT00890 du 7 avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir annulé le jugement n° 05-3898 du 5 février 2009 du tribunal administratif de Rennes, a an

nulé l'arrêté du 8 avril 2005 du préfet du Morbihan en tant qu'il autorise l...

Vu 1°), sous le n° 340285, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juin et 7 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la Société Parc Eolien Guern, dont le siège est au 23-25 rue Jean-Jacques Rousseau à Paris (75001) ; la Société Parc Eolien Guern demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n°s 09NT00829, 09NT00830, 09NT00890 du 7 avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir annulé le jugement n° 05-3898 du 5 février 2009 du tribunal administratif de Rennes, a annulé l'arrêté du 8 avril 2005 du préfet du Morbihan en tant qu'il autorise la construction des éoliennes E1, E2, et E4 par la société requérante sur le territoire de la commune de Guern ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Association contre le projet éolien de Guern le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 340524, le pourvoi, enregistré le 14 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer ; le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n°s 09NT00829, 09NT00830, 09NT00890 du 7 avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 5 février 2009 du tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du préfet du Morbihan en tant qu'il autorise la construction des éoliennes E1, E2 et E4 sur un terrain situé sur la commune de Guern ;

2) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard avocat de la Société Parc Eolien Guern, et de Me Spinosi avocat de l'Association contre le projet éolien de Guern.

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard avocat de la Société Parc Eolien Guern, et à Me Spinosi avocat de l'Association contre le projet éolien de Guern ;

1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que le préfet du Morbihan a, par arrêté du 8 avril 2005, délivré à la société Zjn Grundstucks-Verwaltungs Gmbh un permis de construire quatre éoliennes et un poste de livraison sur un terrain sis au lieudit Niziau, sur le territoire de la commune de Guern, ce permis ayant été transféré, par arrêté préfectoral du 3 décembre 2007, à la Société Parc Eolien Guern ; que, suite à la demande de permis de construire modificatif présentée le 22 janvier 2009 par cette société tendant notamment à la suppression de l'éolienne E3, le préfet du Morbihan a délivré à ladite société, par arrêté du 30 janvier 2009, un permis de construire modificatif autorisant la construction des trois éoliennes E1, E2 et E4 ; que, par jugement du 5 février 2009, le tribunal administratif de Rennes a, à la demande de l'Association contre le projet éolien de Guern, annulé l'arrêté du 8 avril 2005 ; que, par un arrêt du 7 avril 2010 contre lequel se pourvoient en cassation la Société Parc Eolien Guern et le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir annulé pour irrégularité le jugement du tribunal administratif de Rennes, a également annulé l'arrêté préfectoral du 8 avril 2005 en tant qu'il autorise la construction des éoliennes E1, E2 et E4 ; que les pourvois de la Société Parc Eolien Guern et du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer sont dirigés contre ce même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 553-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'implantation d'une ou plusieurs installations produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent dont la puissance installée totale sur un même site de production, au sens du troisième alinéa (2°) de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, excède 2,5 mégawatts, est subordonnée à la réalisation préalable : a) De l'étude d'impact définie à la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier du présent code ; / b) D'une enquête publique soumise aux prescriptions du chapitre III du titre II du livre Ier du présent code. (...) " ; que l'article 2 du décret du 12 octobre 1977 pris pour l'application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement dispose que : " Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. / L'étude d'impact présente successivement : 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement (...) ; / 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique (...) / 4° Les mesures envisagées (...) pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes (...) " ;

3. Considérant que contrairement à ce qui est soutenu, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier, ni commis d'erreur de droit, en jugeant que l'étude d'impact figurant au dossier de l'enquête publique préalable au permis autorisant la réalisation du projet de parc éolien en cause était insuffisante au regard de l'analyse tant de l'état initial de l'environnement que des mesures destinées à compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause et répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises ; que les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial ; que lorsque des insuffisances de nature à nuire à l'information complète de la population ou à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative affectent l'étude d'impact figurant au dossier de l'enquête publique préalable au permis autorisant la réalisation d'un projet, les études complémentaires destinées à corriger ces insuffisances doivent, préalablement à la délivrance d'un permis modificatif, faire l'objet d'une nouvelle consultation du public, et ce alors même que le permis modificatif n'apporterait pas de modification substantielle au projet en cause ; qu'ainsi, en jugeant que les études complémentaires à l'étude d'impact initiale effectuées postérieurement à la consultation du public n'étaient pas de nature à régulariser la procédure suivie pour en déduire que l'étude d'impact jointe au dossier de demande du permis initial ne satisfaisait pas aux exigences du décret du 12 octobre 1977, la cour, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier, n'a pas commis d'erreur de droit ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique " ;

6. Considérant qu'en précisant qu'il ressortait de l'étude d'impact que des habitations étaient situées dans une zone directement exposée aux risques de destruction et de projection de pales, la cour a estimé que les caractéristiques de la topographie ne pouvaient constituer un obstacle à la projection de pales sur les habitations concernées ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la topographie des lieux pour apprécier l'existence d'un risque d'atteinte à la sécurité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour s'est fondée sur la dimension des éoliennes en cause, composées d'un mat d'une hauteur de cent mètres et d'un rotor d'un diamètre de 80 mètres, sur la présence de maisons d'habitation situées à 380 mètres et 450 mètres d'une des éoliennes en cause, dans une zone directement exposée aux risques de projection de pales, et sur la survenance de vents très violents dans la zone concernée pouvant provoquer la destruction totale ou partielle des éoliennes, pour en déduire que le préfet du Morbihan avait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en délivrant le permis contesté ; que la cour, par une décision suffisamment motivée, s'est ainsi livrée à une appréciation souveraine des faits et des pièces du dossier qui, contrairement à ce que soutiennent la société et le ministre requérants, est exempte de dénaturation ; que si la cour a relevé que l'éolienne E4 était située à 380 mètres des habitations du lieu-dit Les bruyères, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la distance exacte serait de 412,5 mètres ; qu'une telle erreur purement matérielle était, en l'espèce, sans incidence sur l'appréciation souveraine à laquelle s'est livrée la cour ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société Parc Eolien Guern et le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes ;

8. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge respectivement de l'État et de la Société Parc Eolien Guern le versement à l'Association contre le projet éolien de Guern de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Association contre le projet éolien de Guern qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les pourvois de la Société Parc Eolien Guern et du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer sont rejetés.

Article 2 : L'État et la Société Parc Eolien Guern verseront chacun à l'Association contre le projet éolien de Guern une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société Parc Eolien Guern, à la ministre de l'égalité des territoires et du logement, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à l'Association contre le projet éolien de Guern.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 340285
Date de la décision : 28/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 sep. 2012, n° 340285
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Christine Maugüé
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: Mme Suzanne Von Coester
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD ; SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:340285.20120928
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