Vu le pourvoi, enregistré le 2 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté pour Mme A épouse B demeurant 2, rue de l'Orne à Toulouse (31100) ; Mme A épouse B demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler l'arrêt n° 10BX01922 du 1er juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé l'article 2 du jugement n° 1001883 du 29 juin 2010 du tribunal administratif de Toulouse et a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2010 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel et d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Cléach, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de Mme A épouse B,
- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Roger, Sevaux, avocat de Mme A épouse B ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A épouse B, ressortissante algérienne, est entrée sur le territoire français le 24 décembre 2007 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour ; que le préfet de la Haute-Garonne a, par un arrêté du 23 mars 2010, rejeté la demande d'admission au séjour de la requérante et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que selon l'article 6 de l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A épouse B a épousé le 15 janvier 2008 à Toulouse un compatriote titulaire d'un titre de séjour en qualité d'étudiant ; que de leur mariage sont nés deux enfants le 30 juin 2009 ; qu'en 2010 l'époux de la requérante a été engagé comme lecteur de langue étrangère arabe par l'université de Toulouse-II et a entamé une thèse de doctorat à l'université Toulouse-II ; qu'il a donc vocation à rester sur le territoire national le temps de terminer ses études ; que dans ces conditions, en estimant que l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 23 mars 2010 ne portait pas au droit de Mme A épouse B au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels le titre de séjour demandé avait été refusé, la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'une inexacte qualification juridique des faits ; qu'il résulte de ce qui précède que Mme A épouse B est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé, au motif que cette décision portait au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, l'arrêté du 23 mars 2010 par lequel le préfet a refusé de délivrer à Mme A épouse B un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme A épouse B dans un délai d'un mois à compter de la notification de cette décision ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à Mme A épouse B au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 1er juin 2011 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par le préfet de la Haute-Garonne devant la cour administrative de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme A épouse B, dans un délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Article 4 : L'État versera à Mme A épouse B, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A épouse B, est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme A épouse B, et au ministre de l'intérieur.