Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 octobre et 15 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Ludovic A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 1102603 du 22 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées les 20 et 27 mars 2011 dans le canton du Raincy ;
2°) d'annuler ces opérations électorales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Guillaume Odinet, Auditeur,
- les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de M. Claude B,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de M. Claude B ;
Considérant qu'à l'issue du scrutin qui s'est déroulé les 20 et 27 mars 2011, M. Claude B a été élu conseiller général de la Seine-Saint-Denis, dans le canton du Raincy, avec 194 voix d'avance, représentant 2,48 % des 7 838 suffrages exprimés, sur son adversaire du second tour, M. Ludovic A ; que ce dernier a demandé l'annulation de cette élection au tribunal administratif de Montreuil, qui a rejeté sa protestation par un jugement du 22 septembre 2011, dont M. A fait appel ;
Sur les irrégularités qui auraient entaché la campagne électorale :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 48 du code électoral : Sont applicables à la propagande les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, à l'exception de son article 16. / Ainsi qu'il est dit à l'alinéa 3 de l'article 15 de ladite loi, les affiches des actes émanés de l'autorité seront seules imprimées sur papier blanc. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 49 du même code, dans sa version applicable aux opérations électorales contestées : Il est interdit de distribuer ou faire distribuer, le jour du scrutin, des bulletins, circulaires et autres documents. / (...) ; qu'aux termes de l'article L. 50 du même code : Il est interdit à tout agent de l'autorité publique ou municipale de distribuer des bulletins de vote, professions de foi et circulaires des candidats. ; que l'article R. 26 du code dispose : La campagne électorale est ouverte à partir du deuxième lundi qui précède la date du scrutin et prend fin la veille du scrutin à minuit. En cas de second tour, la campagne électorale est ouverte le lendemain du premier tour et prend fin la veille du scrutin à minuit. ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, dans la nuit du vendredi 25 au samedi 26 mars 2011 et pendant la journée du samedi 26 mars, soit la veille du scrutin, M. B a fait distribuer aux électeurs du canton du Raincy un tract affirmant que M. Borloo, ancien ministre d'Etat, démentait soutenir M. A et manifestait son amitié et son soutien à M. B ; que des affichettes reprenant le contenu de ce tract ont également été apposées sur chacun des emplacements réservés à l'affichage électoral de la commune du Raincy ;
Considérant que ce tract, dont il ne résulte pas de l'instruction que le contenu ait été mensonger, n'excédait pas les limites habituelles de la polémique électorale ; que, dans l'après-midi du samedi 26 mars, M. A a fait diffuser, en réponse, un tract sur le même sujet ; que, dès lors, et eu égard à l'écart de voix entre les candidats au second tour, la diffusion du tract litigieux n'a pas constitué une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que, le vendredi précédant le scrutin, M. B a fait distribuer, devant la mosquée de Clichy-sous-Bois, un tract citant des propos de M. Dahmane, président de l'association Conseil des démocrates musulmans de France , appelant à faire barrage à l'UMP et se prononçant en faveur d'un front républicain ; que des affichettes reprenant le contenu de ce tract ont également été apposées dans la nuit précédant le scrutin sur certains panneaux d'affichage de la commune de Clichy-sous-Bois ;
Considérant qu'il ne résulte de l'instruction ni que la distribution et l'affichage du tract litigieux, dont le contenu n'excédait pas les limites habituelles de la polémique électorale, aient été massifs, ni que M. A ait été dans l'impossibilité matérielle de répondre ; que le tract se bornait au demeurant à reprendre des propos qui avaient fait l'objet d'une large diffusion à l'occasion du débat électoral ; que si les affichettes reprenant le contenu du tract étaient imprimées sur fond blanc, en violation des dispositions de l'article L. 48 du code électoral, cette circonstance, pour regrettable qu'elle soit, ne saurait être regardée comme ayant été de nature, en l'espèce, à donner à la candidature de M. B un caractère officiel ; que, par ailleurs, la circonstance, à la supposer établie, que M. Klein, adjoint au maire de Clichy-sous-Bois, ait procédé à la distribution du tract litigieux, ne saurait être regardée comme une violation des dispositions de l'article L. 50 du code électoral, dès lors qu'un adjoint au maire n'est pas un agent de l'autorité municipale au sens de ces dispositions ; qu'ainsi, la diffusion de ce second tract n'a pas constitué une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
Sur les listes électorales :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 11 du code électoral : Sont inscrits sur la liste électorale sur leur demande : / 1º tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins ; / (...) ; que s'il n'appartient pas au juge de l'élection d'apprécier si un électeur inscrit sur les listes électorales remplit effectivement la condition de domicile exigée par l'article L. 11 du code électoral, il lui incombe de rechercher si des manoeuvres dans l'établissement de la liste électorale ont altéré la sincérité du scrutin ;
Considérant que la seule circonstance, à la supposer établie, que cinq cents personnes aient demandé à être inscrites sur la liste électorale de la commune de Clichy-sous-Bois à la fin de l'année 2010, ne saurait suffire à établir l'existence d'une manoeuvre dans la révision de cette liste électorale ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'instruction demandée par M. A, le grief tiré de l'irrégularité des listes électorales ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées les 20 et 27 mars 2011 dans le canton du Raincy ;
Sur les conclusions de M. B tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A, en application des ces dispositions, le versement à M. B d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. B tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Ludovic A et à M. Claude B.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.