Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er février et 2 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09NC01554 du 2 décembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, d'une part, annulé le jugement n° 0701113 du 22 septembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 18 janvier 2007 de l'inspecteur du travail de Metz autorisant son licenciement, d'autre part, rejeté sa demande de première instance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Pierburg Pump Technology France ;
3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la société Pierburg Pump Technology France la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. B...et de la SCP Vincent, Ohl, avocat de la société Pierburg Pump Technology France,
- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. B...et à la SCP Vincent, Ohl, avocat de la société Pierburg Pump Technology France,
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 436-4 du code du travail alors applicable, devenu l'article R. 2421-11, dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat " ;
Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné ; qu'il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation ; qu'enfin, la communication de l'ensemble de ces pièces doit intervenir avant que l'inspecteur du travail ne statue sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur, dans des conditions et des délais permettant au salarié de présenter utilement sa défense ; que c'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;
Considérant que, pour juger que l'inspecteur du travail avait respecté le caractère contradictoire de l'enquête prévue par l'article R. 436-4 du code du travail, au bénéfice de M.B..., salarié protégé de la société Pierburg Pump Technology France, faisant l'objet d'une demande d'autorisation de licenciement pour faute, la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir relevé que l'inspecteur du travail avait demandé à l'employeur de présenter à l'intéressé, au cours d'une confrontation organisée le 4 janvier 2007, l'ensemble des factures correspondant aux dépenses qui lui étaient reprochées, a estimé que l'inspecteur n'était nullement tenu de communiquer au salarié l'intégralité des pièces dont ce dernier avait eu connaissance lors de cette confrontation ; qu'en statuant ainsi, alors que l'intéressé faisait valoir qu'il n'avait pu obtenir l'ensemble des pièces produites par l'employeur, ni pu, dans les circonstances rappelées ci-dessus, préparer utilement sa défense, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, dès lors, être annulé ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Pierburg Pump Technology France la somme de 3 500 euros à verser au requérant au même titre ; qu'enfin, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'ayant pas été partie à l'instance d'appel, n'a pas davantage la qualité de partie en cassation ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 2 décembre 2010 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : La société Pierburg Pump Technology France versera à M. B...la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. B...est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la société Pierburg Pump Technology France présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et à la société Pierburg Pump Technology France.
Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.