Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mars et 24 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE FOURNIER, dont le siège est au 13, rue des Vernais BP 03 à Thones (74230) ; la SOCIETE FOURNIER demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07LY02546-07LY02547 du 23 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0402861 du 28 septembre 2007 du tribunal administratif de Grenoble annulant la décision du 17 mars 2004 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale l'autorisant à licencier M. B...A..., d'autre part, au rejet de la demande de première instance de M.A... ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Bethânia Gaschet, Auditeur,
- les observations de Me Foussard, avocat de la SOCIETE FOURNIER et de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M.A...,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de la SOCIETE FOURNIER et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M.A...,
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 436-4 du code du travail alors applicable, devenu l'article R. 2421-11, dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat " ;
Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des pièces mises en avant par l'employeur afin d'établir la matérialité des faits allégués à l'appui de sa demande ; que c'est seulement lorsque l'accès à ces pièces serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs, que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la décision du 17 mars 2004 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale autorisant le licenciement de M. A...s'est fondée notamment, pour retenir la matérialité des fautes reprochées à l'intéressé, sur un constat d'huissier, dressé le 8 octobre 2003 à la demande de l'employeur, dont seule l'existence a été mentionnée devant le salarié pendant l'enquête préalable menée par l'inspecteur du travail, puis par les services instructeurs du ministre, sans que M. A...ait été informé de son droit d'accès à ces pièces ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Lyon, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et n'a pas entaché son arrêt d'une contradiction de motifs, a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que l'obligation posée par l'article R. 436-4 du code du travail alors applicable, devenu l'article R. 2421-11, n'avait pas été remplie faute pour le salarié d'avoir été mis à même de demander à accéder à ce constat d'huissier, et en déduire l'illégalité de la décision d'autorisation prise par le ministre ;
Considérant, en second lieu, que la cour administrative de Lyon a pu, sans méconnaître le principe selon lequel la légalité de la décision du ministre devait s'apprécier à la date de son édiction, juger que l'irrégularité de la procédure devant l'inspecteur du travail, qui n'avait pas mis à même M. A...de demander communication du constat d'huissier, entachait d'illégalité la décision du ministre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE FOURNIER n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A...la somme que demande la SOCIETE FOURNIER au titre des frais exposés par elle non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SOCIETE FOURNIER la somme de 3 500 euros que demande M. A...au titre des frais de même nature exposés par lui ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE FOURNIER est rejeté.
Article 2 : La SOCIETE FOURNIER versera la somme de 3 500 euros à M. A...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FOURNIER, à M. B...A...et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.