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02/12/2010 | FRANCE | N°09NC01554

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 02 décembre 2010, 09NC01554


Vu la requête, enregistrée le 22 octobre 2009, présentée pour la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE, dont le siège est Z.I. de Thionville Nord Est à Basse Ham (57970), représentée par son gérant en exercice, par la SCP d'avocats Baum et Cie ; la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701113 du 22 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de l'inspecteur du travail de Metz en date du 18 janvier 2007 autorisant le licenciement de M. A ;

2°) de rejeter la demande de M.

A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la ch...

Vu la requête, enregistrée le 22 octobre 2009, présentée pour la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE, dont le siège est Z.I. de Thionville Nord Est à Basse Ham (57970), représentée par son gérant en exercice, par la SCP d'avocats Baum et Cie ; la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701113 du 22 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de l'inspecteur du travail de Metz en date du 18 janvier 2007 autorisant le licenciement de M. A ;

2°) de rejeter la demande de M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de M. A une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article R. 2421-4 du code du travail ont été respectées dès lors que M. A a été assisté par le délégué syndical de l'entreprise ;

- l'employeur a été régulièrement représenté lors de l'enquête contradictoire ;

- le code du travail et le principe des droits de la défense ne prévoient que l'obligation pour l'administration de mettre à même le salarié protégé de prendre connaissance des documents produits par l'employeur ;

- M. A a eu communication des griefs qui lui sont reprochés au cours tant de l'entretien préalable que de l'enquête contradictoire ;

- les détournements opérés par M. A en sa qualité de salarié sont prouvés ;

- il s'agit d'une faute suffisamment grave pour justifier le licenciement ;

- ce dernier est sans rapport avec les fonctions représentatives ;

- aucun motif d'intérêt général ne s'oppose au licenciement ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 avril 2010, présenté pour M. A par Me Welsch ; M. A conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, en cas d'annulation du jugement, à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail de Metz en date du 18 janvier 2007 autorisant son licenciement ;

2°) à la condamnation de la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- malgré la demande expresse et écrite de son conseil, il n'a pas eu communication de l'ensemble des pièces produites par son employeur à l'inspecteur du travail ;

- l'inspecteur du travail n'a pas distingué les dépenses engagées en qualité de salarié de celles engagées en qualité de co-gérant ;

- tous les frais en litige ont été engagés en sa qualité de co-gérant soumis au seul contrôle de l'associé unique et du commissaire au compte ;

- les salariés dont il aurait encouragé les malversations ont respecté les modalités de remboursement des frais professionnels, notamment en obtenant la validation de leurs dépenses par la responsable des ressources humaines ;

- l'administration fiscale a considéré que les dépenses incriminées avaient été exposées dans l'intérêt de l'entreprise ;

- si les dépenses ne sont pas à caractère privé, elles ne peuvent constituer un avantage occulte et par conséquent leur engagement ne peut constituer une faute ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 25 juin 2010, présenté pour la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE, tendant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que :

- M. A a été licencié pour faute grave par son ancien employeur en 2003 mais aussi par son nouvel employeur en 2009 ;

- la décision de l'administration fiscale, au demeurant non explicitée, est sans incidence sur le présent litige, qui est d'une autre nature ;

- la société a d'ailleurs été redressée par l'administration fiscale au titre des années 2004 et 2005 et par l'URSSAF au titre de l'année 2006 sur les sommes détournées par le requérant et ses collègues également licenciés ;

Vu l'ordonnance par laquelle le président de la 3ème chambre a fixé la clôture de l'instruction au 27 août 2010 à 16h ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2010 :

- le rapport de M. Trottier, président,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Runge, pour la SCP Baum et Cie, avocat de la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE, et de Me Welsch, avocat de M. A ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, le premier alinéa de l'article R. 436-4 du code du travail alors en vigueur, dont les dispositions ont été reprises au premier alinéa de l'article R. 2421-11 du même code, dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ;

Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ; que toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

Considérant que, par décision du 18 janvier 2007, l'inspecteur du travail de Metz a fait droit à la demande de la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE de l'autoriser à procéder au licenciement pour faute grave de M. A, son directeur, qui, en sa qualité de conseiller prud'homme de Thionville, bénéficiait de la protection prévue par les dispositions combinées des articles L. 514-2 et L. 412-18 du code du travail alors en vigueur ; que le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision au motif que, malgré une demande en ce sens, M. A n'avait pas, préalablement à l'autorisation de le licencier, obtenu communication des tableaux produits par son employeur et répertoriant les dépenses qui lui étaient reprochées ;

Sur le moyen retenu par le tribunal :

Considérant qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment de l'attestation établie le 29 mars 2007 par le délégué syndical qui a assisté M. A lors de l'enquête contradictoire à laquelle a procédé l'inspecteur du travail, que ce dernier avait organisé, le 4 janvier 2007, une confrontation entre la responsable des ressources humaines de la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE représentant l'employeur de M. A et ce dernier ; qu'au cours de cette confrontation, l'inspecteur du travail a, d'une part, lu un à un les motifs figurant dans la demande d'autorisation de licenciement et, d'autre part, demandé à la responsable des ressources humaines de présenter les factures et les preuves au fur et à mesure de l'énonciation des dépenses concernées et invité l'intéressé à se justifier ; que l'inspecteur du travail n'était nullement tenu de communiquer au salarié l'intégralité des pièces dont ce dernier a ainsi été mis à même de prendre connaissance ; que, dans ces conditions, l'enquête a été menée contradictoirement conformément aux dispositions de l'article R. 436-4 alors en vigueur du code du travail ; qu'ainsi, la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision de l'inspecteur du travail en date du 18 janvier 2007 ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg et devant la Cour ;

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant que ni l'article R. 436-4 du code du travail, qui, n'ayant pas pour effet d'obliger les salariés à adhérer à un syndicat, ne méconnaît donc pas l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni une autre disposition ou principe général du droit n'imposent à l'inspecteur du travail d'informer le salarié de la possibilité d'être assisté d'une personne de son choix lors de l'enquête contradictoire ;

Considérant que dès lors qu'il est constant que l'inspecteur du travail avait invité tant M. A que son employeur à prendre part à l'enquête contradictoire, le demandeur ne peut utilement soutenir que de la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE n'aurait pas été régulièrement représentée lors de cette enquête ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'au cours des années 2004, 2005 et 2006, M. A avait utilisé la carte bancaire qui lui avait été attribuée dès son recrutement, le 1er mars 2004, en qualité de directeur de la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE pour procéder à d'importantes dépenses, notamment d'achat de vins, de restaurant, d'hôtel ou de matériel informatique, qui ne peuvent revêtir qu'un caractère personnel compte tenu de leur nature, des dates ou des lieux où elles ont été effectuées ; que le fait que l'administration fiscale ait renoncé à poursuivre le redressement des sommes en cause en tant que revenus distribués par la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE est sans incidence sur le caractère personnel desdites dépenses et, eu égard aux fonctions exercées par l'intéressé, sur la faute consistant à avoir ainsi détourné à des fins personnelles des fonds de l'entreprise ; que la circonstance, au demeurant non établie, que M. A aurait procédé aux dépenses litigieuses en sa qualité de co-gérant de la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE, ne saurait leur ôter leur caractère de détournement à des fins personnelles de fonds de l'entreprise qui constitue une faute grave justifiant le licenciement du salarié ; que ce seul motif étant de nature, ainsi qu'il vient d'être dit, à justifier le licenciement du salarié, la circonstance qu'il n'aurait fait qu'apposer un visa sur les notes de frais présentées par deux collaborateurs en vue de leur remboursement par l'entreprise sans cautionner un système de détournement est sans incidence sur la légalité de l'autorisation de licenciement accordée par l'inspecteur du travail ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Strasbourg a annulé la décision du 18 janvier 2007 de l'inspecteur du travail de Metz autorisant le licenciement pour faute grave de M. A ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. A une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 22 septembre 2009 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : M. A versera à la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de M. A tendant au bénéfice des dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE PIERBURG PUMP TECHNOLOGY FRANCE, à M. Gaston A et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

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N° 09NC01554


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC01554
Date de la décision : 02/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Thierry TROTTIER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP BAUM ET CIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-12-02;09nc01554 ?
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