Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 avril et 19 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Muharrem A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09LY01594 du 3 février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 10 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juin 2009 par lequel le préfet de Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour fixant le Kosovo comme pays de destination de cette reconduite, d'autre part, à l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décisions ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie Roussel, Auditeur,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A ;
Considérant que, par un arrêt du 3 février 2010, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la requête de M. A tendant à l'annulation du jugement du 10 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juin 2009 décidant la reconduite à la frontière de M. A et fixant le Kosovo comme pays de destination ; que M. A se pourvoit contre cet arrêt ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le ministre :
Considérant que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière du 6 juin 2009, objet du pourvoi en cassation, ayant été abrogé par un arrêté ultérieur du 12 juillet 2010, qui lui-même a été abrogé par un arrêté du 12 janvier 2011, le présent litige a perdu son objet ;
Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté en date du 6 juin 2009 décidant de la reconduite à frontière de M. A ait fait l'objet d'une abrogation par un arrêté ultérieur, le ministre se bornant à produire une décision de maintien de l'intéressé en rétention du 12 juillet 2010 et une décision du 12 janvier 2011 fixant la Serbie comme pays de destination ; d'autre part, que les éléments produits par le ministre attestent qu'en revanche la décision du 6 juin 2009 fixant le Kosovo comme pays de destination a été remplacée par une décision du 12 janvier 2011 fixant un pays différent, la Serbie, comme pays de reconduite ; que par suite le litige a perdu son objet en tant qu'il tend à l'annulation de l'arrêt en ce qu'il concerne la décision fixant le Kosovo comme pays de destination ; que les conclusions présentées aux fins de non-lieu doivent être accueillies dans cette mesure ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
Considérant que pour écarter le moyen tiré de ce que l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. A a porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale, la cour administrative d'appel de Lyon a relevé que l'intéressé a été condamné le 2 octobre 2001 par la Cour correctionnelle de Genève pour des actes d'ordre sexuel commis sur des enfants et des personnes incapables de discernement ou de résistance, à une peine privative de liberté de trois ans et neuf mois, et qu'il a été incarcéré en Suisse du 22 juillet 2005 au 25 décembre 2007 ; qu'elle a également relevé que si le requérant soutient qu'après sa libération, il a repris une vie commune avec son épouse, qui réside régulièrement en France à Annemasse, et qu'il voit régulièrement ses trois enfants majeurs, entrés en France en 1999 et y résidant eux aussi régulièrement, son petit-fils et deux de ses frères, la réalité de la vie commune entre les époux n'est pas établie dès lors que l'adresse de l'épouse diffère de celle du mari et que les explications données par le requérant en appel sur ce point n'ont pas permis de lever les doutes sur la réalité de la vie commune des époux ; qu'en estimant que dans ces conditions l'arrêté attaqué ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale, la cour administrative d'appel n'a entaché son arrêt, qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'est pas fondé uniquement sur le fait que l'adresse de M. A diffère de celle de son épouse et est par ailleurs suffisamment motivé, ni d'erreur de qualification juridique ni d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 6 juin 2009 décidant de le reconduire à la frontière ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur l'arrêt en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Muharrem A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.