Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juillet et 19 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE PFIZER HOLDING FRANCE, venant aux droits de la société en commandite par actions (SCA) Parke Davis, venant elle-même aux droits de la société Jouveinal Laboratoires, dont le siège social est situé 23/25 avenue du docteur Lannelongue à Paris (75014) représentée par ses dirigeants en exercice ; elle demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 05PA03817 du 21 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit au recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a remis à la charge de la SCA Parke Davis à concurrence des sommes de 39 818,46 euros en droits et de 5 905, 27 euros en pénalités les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1990 au 30 juin 1993 et a réformé en ce qu'il avait de contraire le jugement n° 9817939/2 du 8 juillet 2005 du tribunal administratif de Paris ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 9 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées les 24 novembre et 30 novembre 2010 présentées pour la SOCIETE PFIZER HOLDING France ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE PFIZER HOLDING FRANCE,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE PFIZER HOLDING FRANCE ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société anonyme (SA) Jouveinal, exerçant une activité de holding mixte, a fait l'objet, en 1993, d'une vérification de comptabilité qui a porté en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période comprise entre le 1er juin 1990 et le 30 juin 1993 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a notamment remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée dont ont été grevées les honoraires que la société a versés à un cabinet de conseil au titre des frais engagés pour la cession en 1991 des titres qu'elle détenait dans la société de droit américain "Pharm Eco" ; que la SOCIETE PFIZER HOLDING FRANCE, venant aux droits de la société en commandite par actions (SCA) Parke Davis, venant elle-même aux droits de la société Jouveinal se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit au recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a remis à sa charge les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1990 au 30 juin 1993 à raison de ces dépenses et a réformé en ce qu'il avait de contraire le jugement du tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : "I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...)" ; qu'il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière des paragraphes 1 et 2, 3 et 5 de l'article 17 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977, que l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en amont soit reconnu à l'assujetti et pour déterminer l'étendue d'un tel droit ; que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction ; qu'en l'absence d'un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services en amont, lorsque les dépenses liées à l'acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti ;
Considérant que, lorsqu'une société holding, qui se livre à une activité économique à raison de laquelle elle est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, envisage de céder tout ou partie des titres de la participation qu'elle détient dans une filiale et expose à cette fin des dépenses en vue de préparer cette cession, elle est en droit, sous réserve de produire des pièces justificatives, de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses, qui sont réputées faire partie de ses frais généraux et se rattacher aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant de cette activité économique ; qu'il en va ainsi lorsque l'opération de cession des titres ne se réalise pas ; que, lorsque cette cession est intervenue, que cette opération soit en dehors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans le champ mais exonérée, l'administration est toutefois fondée à remettre en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé de telles dépenses quand, compte tenu des éléments portés à sa connaissance et au vu des pièces qu'il appartient le cas échéant à la société qui les détient de produire, elle établit que cette opération a revêtu un caractère patrimonial dès lors que le produit de cette cession a été distribué, quelles que soient les modalités de cette distribution, ou que, en l'absence d'éléments contraires produits par la société, ces dépenses ont été incorporées dans le prix de cession des titres ;
Considérant que si la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses inhérentes à la transaction elle-même n'est en principe pas déductible dès lors qu'elles présentent un lien direct et immédiat avec l'opération de cession des titres, cette société est néanmoins en droit de déduire cette taxe si, compte tenu de la nature des titres cédés ou par tous éléments probants tels que sa comptabilité analytique, elle établit que ces dépenses n'ont pas été incorporées dans leur prix de cession et que, par suite, elles doivent être regardées comme faisant partie de ses frais généraux et se rattachant ainsi aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques qu'elle exerce comme assujettie ; que les mêmes règles s'appliquent dans le cas où les dépenses ont été payées à un même intermédiaire, chargé à la fois de préparer cette cession et de réaliser la transaction, dès lors que ces deux catégories de prestations n'ont pas donné lieu à une rémunération distincte et qu'elles doivent alors être regardées comme un tout indissociable se rattachant à la transaction ;
Considérant que, pour juger que la taxe sur la valeur ajoutée dont ont été grevées les sommes versées par la SA Jouveinal dans le cadre de la cession des titres de la société américaine "Pharm Eco" ne présentait pas un caractère déductible, la cour a relevé qu'alors même que cette société soutenait que la cession des titres de sa filiale américaine avait pour but un redéploiement de son pôle de distribution sur le territoire français afin de pérenniser son activité dans le cadre d'une stratégie internationale et que cette opération était le résultat d'exigences financières, elle n'établissait pas que cette opération de cession avait entretenu un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique taxable ; qu'elle en a déduit que ces dépenses ne pouvaient être regardées comme faisant partie des frais généraux de la société se rattachant aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques qu'elle exerçait comme assujettie ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si ces dépenses avaient été exposées en vue de préparer cette cession ou étaient inhérentes à la transaction elle-même ni si elles avaient été ou non incorporées dans le prix de cession, la cour a commis une erreur de droit ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la SOCIETE PFIZER HOLDING FRANCE est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'incorporation des dépenses engagées par une société holding mixte dans le prix de cession des titres de la participation qu'elle détient dans une filiale, qu'il s'agisse de dépenses engagées en vue de préparer cette cession ou de dépenses inhérentes à la transaction elle-même fait obstacle à ce que ces dépenses puissent être regardées comme des frais généraux autorisant l'assujettie à déduire la taxe qui les a grevées ;
Considérant que la société soutient que les dépenses supportées par la SA Jouveinal ont eu pour contrepartie des prestations d'intermédiation effectuées par un cabinet de conseil ayant agi en qualité de négociateur pour la cession des titres de la société américaine "Pharm Eco" ; que l'administration a indiqué sans être contredite que ce cabinet est une société d'avocats qui fournit des services juridiques portant notamment sur des transactions commerciales complexes et leurs conséquences fiscales et non un intermédiaire dans la cession des participations ; qu'ainsi en l'absence de tout autre élément et de toute précision sur le contenu de ces prestations, ces dépenses doivent être regardées comme ayant été exposées en vue de préparer cette cession ; que la société est, par suite, en droit, sous réserve de produire des pièces justificatives, de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses, qui sont réputées faire partie de ses frais généraux et se rattacher aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant de son activité économique ;
Considérant toutefois que l'administration a soutenu sans être utilement contredite que la société n'avait apporté aucun élément contraire permettant d'estimer que ces dépenses n'avaient pas été incorporées dans le prix de cession des titres ; que par suite l'administration doit être regardée comme établissant qu'elle était fondée à remettre en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé ces honoraires ; qu'ainsi, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour prononcer la décharge des impositions en litige, le tribunal administratif a jugé que de telles dépenses faisaient partie des frais généraux de la société requérante et entretenaient ainsi un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SOCIETE PFIZER HOLDING FRANCE devant le tribunal administratif de Paris et la cour administrative d'appel de Paris ;
Considérant, en premier lieu, que si un avis de mise recouvrement a été établi le 22 novembre 1994 au nom de la SA Jouveinal Holdings, cet avis a été annulé et remplacé par un avis émis le 29 novembre suivant au nom de la SA Jouveinal ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cet avis serait irrégulier au motif qu'il a été établi au nom d'une société n'existant pas manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, la compétence consultative de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires inclut, en ce qui concerne ces dernières taxes, les différends portant sur le montant des chiffres d'affaires réels, mais non ceux qui ont trait aux droits à déduction de la taxe ; que, par suite, et dès lors que le litige porte sur le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, si l'administration n'a pas fait droit à la demande présentée par la société de saisir cette commission, alors même qu'elle lui avait indiqué qu'elle en avait la faculté, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Considérant qu'aux termes de l'article 261 C du code général des impôts : "Sont exonérées de la TVA : 1°) Les opérations bancaires et financières suivantes :...e) les opérations, autres que celles de garde ou de gestion portant sur les actions, les parts de sociétés ou d'associations, les obligations et les autre titres..." ; que la société soutient que le cabinet de conseil ayant facturé sa prestation d'intermédiation a agi en qualité de négociateur en vue de la cession des titres et qu'il n'a pas assuré pour son compte la garde ou la gestion de ces titres ; que les sommes qu'elle a payées devaient ainsi être exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée en application de ces dispositions ; qu'elle en déduit qu'en application du principe de neutralité de la taxe, elle est fondée à récupérer la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée à tort ; que, cependant, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les prestations effectuées par ce cabinet ne peuvent être regardées comme se rattachant au sens de ces dispositions à des opérations autres que celles de garde ou de gestion portant sur ces titres ; que, par suite, ces honoraires n'étaient pas exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, dès lors, le moyen de la société ne peut qu'être rejeté ;
Considérant, enfin, que si la société se prévaut, dans le dernier état de ses écritures des dispositions du b) du V de l'article 271 du code général des impôts dont il résulte qu'ouvrent droit à déduction dans les mêmes conditions que s'ils étaient soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les services bancaires et financiers exonérés en application des dispositions des a) à e) du 1° de l'article 261 C lorsqu'ils sont rendus à des personnes domiciliées ou établies en dehors de la Communauté européenne ou se rapportent à des exportations de biens, ce moyen ne peut qu'être rejeté dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, les prestations en cause ne peuvent être regardées comme des opérations exonérées au sens de ces dernières dispositions ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et des pénalités correspondantes ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la SOCIETE PFIZER HOLDING FRANCE au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 21 mai 2007 est annulé.
Article 2 : Les sommes de 39 818,46 euros en droits et de 5 905,27 euros en pénalités correspondant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités auxquels la SCA Parke Davis a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1990 au 30 juin 1993 sont remises à la charge de cette société.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 8 juillet 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la SOCIETE PFIZER HOLDING FRANCE et les conclusions qu'elle a présentées devant la cour administrative d'appel sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE PFIZER HOLDING FRANCE et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.