Vu le recours, enregistré le 16 septembre 2005, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nº 9817939/2 en son article 2, en date du 8 juillet 2005, par lequel le Tribunal administratif de Paris a notamment déchargé la société en commandite par actions (SCA) Parke-Davis, anciennement SA Jouveinal, aux droits de laquelle vient la SCA Pfizer Holding France, du surplus des rappels de taxes sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1990 au 30 juin 1993, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de rétablir à la charge de la société requérante les susdits rappels de taxes au titre de la période susvisée et à hauteur de la somme dont elle a été déchargée par les premiers juges ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2007 :
- le rapport de M. Privesse, rapporteur,
- les observations de M. Kaczynski, pour le ministre, ainsi que celles de Me Leclerc pour la société Pfizer Holding France,
- et les conclusions de M. Adrot, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juin 1990 au 30 juin 1993, la SA Jouveinal, exerçant une activité de holding mixte, aux droits de laquelle vient en dernier lieu la SCA Pfizer Holding France, a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui étant réclamés notamment en raison de la remise en cause par le service de la déduction de la taxe afférente à des honoraires versés pour la cession de titres ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la cour d'annuler l'article 2 du jugement en date du 8 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de ces rappels ;
Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : « Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel … » ; qu'aux termes de l'article 256 A du même code pris pour l'adaptation de la législation nationale à la sixième directive susvisée du 17 mai 1977 et notamment, son article 4 : « Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au troisième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention … Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services … Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. » ; qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : « 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération » ; qu'enfin, aux termes de l'article 261 C du même code, pris pour l'adaptation de l'article 13 B d) -5 de la sixième directive : “Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les opérations bancaires et financières suivantes : … e. Les opérations, autres que celles de garde et de gestion portant sur les actions, les parts de sociétés…”;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA Jouveinal a engagé des dépenses d'honoraires auprès du cabinet de conseil « Jones Day Reavis and Pogues » à la fois liées à la tenue des assemblées d'actionnaires de sa société filiale américaine « Pharm Eco », et également destinées à assurer la réalisation d'une opération de cession des titres de cette même filiale, dont elle entendait se dégager faute, indique-t-elle dans ses écrits, d'obtenir de celle-ci un retour sur investissement suffisamment probant et rapide ; que seuls les honoraires relatifs à la cession des titres de la filiale américaine demeurent en litige, l'administration ayant, devant le tribunal, abandonné les redressements relatifs aux dépenses de tenue d'assemblées, qu'elle regardait comme ayant été supportées au titre de la participation de la société SA Jouveinal dans le capital d'une autre entreprise ;
Considérant en premier lieu, que si les dépenses exposées par une société holding pour les différents services qu'elle a acquis à l'occasion d'une prise de participation dans une filiale peuvent faire partie de ses frais généraux, c'est à la condition qu'elles entretiennent un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique, de nature à permettre la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ces dépenses ; qu'en outre, la vente d'actions ne constitue pas en elle-même une activité économique au sens de la sixième directive européenne, et ne relève donc pas du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant en deuxième lieu, qu'alors même que la société SA Jouveinal soutient que la cession des titres de sa filiale américaine avait pour but un redéploiement de son pôle de distribution sur le territoire français afin de pérenniser son activité dans le cadre d'une stratégie internationale, et que cette opération était le résultat d'exigences financières, il n'est pas établi au dossier par la requérante, qui doit être regardée comme ayant cessé toute participation dans la société américaine, que l'opération de cession en question ait entretenu un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique taxable ; que notamment, il n'est pas allégué, et a fortiori établi, que cette même opération s'inscrivait dans le cadre d'une cession forcée, d'une fusion, d'une scission ou d'un apport direct ou indirect des titres ou du produit de la cession dans une autre société, non plus qu'il n'est soutenu que ce produit était nécessaire au maintien de l'activité de l'intéressée en difficulté ; qu'il en résulte que la taxe afférente aux honoraires versés par la SA Jouveinal dans le cadre de la cession des titres de la société américaine « Pharm Eco » ne présentait pas un caractère déductible ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la SCA Parke-Davis, aux droits de laquelle vient la SCA Pfizer Holding France, du surplus des rappels de taxes sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1990 au 30 juin 1993, ainsi que des pénalités y afférentes ;
Considérant toutefois, qu'il appartient à la cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la société requérante tant devant la cour que devant le tribunal ;
Considérant d'une part que l'avis de mise recouvrement, une première fois établi le 22 novembre 1994 au nom de la SA Jouveinal Holdings, a été finalement adressé le 29 novembre suivant au nom de la SA Jouveinal, dont il n'est pas contesté qu'il s'agissait là, à l'époque, de la bonne dénomination de la société contribuable ; qu'il comportait en outre l'ensemble des précisions légales exigées notamment par l'article 389 de l'annexe II du code général des impôts ; que dès lors, le moyen tiré de ce que cet avis serait irrégulier dans sa forme car adressé à une société n'existant pas, manque en fait ;
Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : « Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis … de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires …. La commission peut également être saisie à l'initiative de l'administration » ; qu'il résulte de ces dispositions que la saisine de la commission départementale des impôts par l'administration à la demande du contribuable n'est obligatoire, en application des dispositions précitées, que si le désaccord qui persiste concerne une question sur laquelle la commission est compétente pour donner son avis ; que les questions de droit, et notamment celle relative à la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des honoraires versés pour la cession de titres de participation d'une société dans une autre, échappent à la compétence de la commission départementale des impôts ; qu'il s'ensuit que la circonstance que l'administration n'ait pas fait droit à la demande de saisine de ladite commission par la société contribuable, alors même qu'elle lui avait indiqué qu'elle en avait la faculté, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ; que le moyen tiré de la violation des dispositions précitées du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
Considérant que les dépenses litigieuses, qui ont consisté en des honoraires versés par la SA Jouveinal à un cabinet de conseil, avaient pour finalité une opération en capital destinée à céder la filiale américaine de celle-ci, afin de réaliser sa participation dans celle-ci ; que, comme il a été dit ci-avant, il n'est pas établi que cette opération entretenait un lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité économique de cette société ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle relative à la question de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses dont s'agit, celles-ci, afférentes à la cession par la SA Jouveinal des titres de sa filiale américaine, ne pouvaient faire partie de ses frais généraux ;
Considérant enfin que les arguments et moyens selon lesquels d'une part, les dispositions précitées de l'article 261 C-1 du code général des impôts devraient trouver à s'appliquer dans le présent litige, et d'autre part, le tribunal aurait commis une erreur de droit en appliquant les dispositions de l'article 212 et non celles des articles 217 à 221 de l'annexe II du code général des impôts, sont, compte tenu de ce qui précède, sans incidence sur la solution du litige, et doivent donc être également écartés ; que la SCA Pfizer Holding France ne saurait, en tout état de cause, invoquer les dispositions de l'instruction 3 D-4-01 du 15 octobre 2001 qui ne concernent que les dépenses des entreprises exposées au titre d'opérations se rapportant à leur capital social et à leur participation dans le capital d'autres entreprises, et en aucun cas celles exposées au titre de la cession de leurs participations ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à obtenir, outre l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué, la remise à la charge de la SCA Pfizer Holding France des susdits rappels de taxes sur la valeur ajoutée au titre de la période susvisée, à hauteur de la somme dont elle a été déchargée par les premiers juges ; que par voie de conséquence, les conclusions de la société intimée tendant au remboursement de ses frais irrépétibles, doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le complément de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à la SCA Parke-Davis, aux droits de laquelle vient la SCA Pfizer Holding France, au titre de la période du 1er janvier 1990 au 30 juin 1993, est remis à sa charge à concurrence de la somme de 39 818,46 euros (soit 261 192 F) de droits et de 5 905,27 euros (soit 38 736 F) de pénalités.
Article 2 : Le jugement en date du 8 juillet 2005 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions de la SCA Pfizer Holding France sont rejetées.
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N° 05PA00938
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No 05PA03817
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N° 05PA01536
M. Georges HAZIZA