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17/02/2010 | FRANCE | N°316347

France | France, Conseil d'État, 7ème sous-section jugeant seule, 17 février 2010, 316347


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mai et 30 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Patrick A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance du 13 mars 2008 par laquelle le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur sa requête tendant à l'annulation de la décision du 6 janvier 2005 de la délégation générale pour l'armement, lui refusant l'annulation de deux titres de perception en date du 22 septembre 2004 et à titre subsidiaire, à la condamnation de

l'Etat à lui verser la somme de 7 839,61 euros augmentée des int...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mai et 30 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Patrick A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance du 13 mars 2008 par laquelle le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur sa requête tendant à l'annulation de la décision du 6 janvier 2005 de la délégation générale pour l'armement, lui refusant l'annulation de deux titres de perception en date du 22 septembre 2004 et à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 7 839,61 euros augmentée des intérêts légaux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la défense ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Auditeur,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. A ;

Considérant que la demande de M. A, ingénieur en chef de 2ème classe des études et techniques de l'armement, dont a été saisi le tribunal administratif de Paris, est dirigée contre la décision du 17 janvier 2005 par laquelle le trésorier payeur général, agent comptable des services industriels de l'armement du ministère de la défense, a rejeté son recours gracieux contre les titres de perception émis à son encontre les 15 et 16 septembre 2004, pour le recouvrement d'une part d'une somme d'un montant de 4 414,78 euros représentant un trop-perçu d'indemnité pour charges militaires pour la période du 1er décembre 2002 au 31 décembre 2003, et, d'autre part, d'une somme de 1 424,28 euros représentant un trop-perçu de supplément familial de traitement et d'indemnité pour charges militaires pour la période du 1er janvier 2004 au 30 avril 2004 ; qu'à titre subsidiaire, M. A a demandé la condamnation de l'Etat au versement d'une indemnité égale au trop-perçu dont le reversement lui est réclamé et d'une indemnité d'un montant de 2 000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi du fait des retards de paiement de son traitement en 2001 et 2003 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Sur la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 3º Des litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires nommés par décret du Président de la République en vertu des dispositions de l'article 13 (3ème alinéa) de la Constitution et des articles 1er et 2 de l'ordonnance nº 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat ; qu'aux termes de l'article 2 de cette ordonnance : Sont nommés par décret du Président de la République : (...) les officiers des armées de terre, de mer et de l'air ; qu'enfin, il résulte des termes de l'article 1er du décret n° 79-1135 du 27 décembre 1979 alors en vigueur portant statut particulier du corps militaire des ingénieurs des études et techniques d'armement que les ingénieurs des études et techniques d'armement constituent un corps d'officiers de carrière ; que la demande de M. A, ingénieur en chef de 2ème classe du corps des ingénieurs des études et techniques d'armement, est relative à un trop-perçu d'indemnité pour charges militaires et de supplément familial de traitement dont le reversement lui est réclamé ; que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort d'un tel litige, qui est relatif à la situation individuelle d'un officier ; que par suite, le président de la 5ème section du Tribunal administratif de Paris n'était pas compétent pour statuer par l'ordonnance en date du 13 mars 2008 sur ce litige ; que par conséquent, il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée et de statuer directement sur la demande de M. A ;

Sur les conclusions principales à fin d'annulation :

Considérant que les titres de perceptions des 15 et 16 septembre 2004 et la décision de rejet du recours gracieux de M. A du 17 janvier 2005 sont signés par M. C, titulaire de la délégation de signature du directeur de l'établissement central de soutien de la direction générale de l'armement qui a la qualité d'ordonnateur en vertu de l'arrêté du 21 janvier 1997 et que la lettre demandant à M. A de payer les sommes dues est signée de Mme B, titulaire d'une délégation de signature à cet effet du 5 mai 2004 ; que par suite le moyen tiré de ce que ces décisions seraient entachées d'incompétence du fait de l'absence de délégation de signature de leurs titulaires doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 13 octobre 1959 modifié fixant le régime de l'indemnité pour charges militaires : 1. L'indemnité représentative de frais dite indemnité pour charges militaires est attribuée aux officiers et militaires non officiers à solde mensuelle, ainsi qu'aux volontaires dans les armées, pour tenir compte des diverses sujétions spécifiquement militaires, et notamment de la fréquence des mutations d'office. (...) / 3. L'indemnité pour charges militaires varie en fonction du grade, de la situation de famille et des conditions de logement des militaires ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret : Les militaires (...) bénéficient, quelle que soit leur situation de famille, d'un taux de base. (...) les militaires mariés ou ayant un ou deux enfants à charge (...) peuvent bénéficier en plus du taux de base d'un taux particulier correspondant à cette situation de famille. (...) les militaires ayant trois enfants à charge ou plus (...) peuvent bénéficier en plus du taux de base et du taux défini à l'alinéa ci-dessus d'un second taux particulier correspondant à cette situation de famille. (...) La législation fiscale sert de référence pour la définition de l'enfant à charge ; qu'aux termes de l'article 10 du décret du 24 octobre 1985 modifié fixant le régime du supplément familial de traitement : le droit au supplément familial de traitement au titre des enfants dont ils assument la charge effectives et permanente (...) est ouvert aux militaires à solde mensuelle (...) la notion d'enfant à charge à retenir pour déterminer l'ouverture du droit est celle fixée par le titre 1er du livre V du code de la sécurité sociale ;

Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; qu'une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage ; qu'en revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement ; que le maintien indu du versement d'un avantage financier à un agent public, n'a pas le caractère d'une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation ; qu'il appartient à l'administration de corriger cette erreur et de réclamer le reversement des sommes payées à tort, sans que l'agent intéressé puisse se prévaloir de droits acquis à l'encontre d'une telle demande de reversement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la situation de famille de M. A avait changé le 1er décembre 2002, l'intéressé n'ayant plus qu'un enfant à charge au lieu de trois, et à compter du 1er janvier 2004 du fait de son divorce intervenu le 30 décembre 2003 ; que l'administration a continué à lui verser l'indemnité pour charge de famille au taux marié pour 3 enfants au cours de la période allant du 1er décembre 2002 au 31 décembre 2003 et le supplément familial de traitement au taux pour trois enfants pour la période du 1er janvier au 30 avril 2004 ; que le maintien de ce versement a constitué une erreur de liquidation ; qu'il appartenait à l'administration de corriger cette erreur et de demander à l'intéressé le recouvrement des sommes indûment payées ; que, par suite, M. A n'est fondé à demander ni l'annulation des titres de perception émis à son encontre les 15 et 16 septembre 2004 pour le recouvrement d'une somme totale de 5 839,06 euros à raison du trop-perçu d'indemnité pour charges militaires et du supplément familial de traitement pour les périodes mentionnées ci-dessus ni celle de la décision du 17 janvier 2005 rejetant son recours contre ce titre ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité :

Considérant qu'en maintenant d'une part, pendant dix sept mois à M. A le versement de l'indemnité pour charges militaires au taux correspondant à trois enfants à charge et d'autre part, pendant quatre mois l'indemnité pour charges militaires au taux correspondant à un agent marié avec trois enfants à charge ainsi que le supplément familial au taux pour trois enfants à charge et en exigeant le remboursement du trop-perçu correspondant les 15 et 16 septembre 2004, sans avoir vérifié pendant la période considérée si M. A réunissait les conditions pour continuer à bénéficier de ces avantages à ces taux et notamment en n'effectuant pas de vérification des changements intervenus dans sa situation familiale, l'administration a commis une négligence constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, qui a causé à M. A un préjudice dont il est fondé à demander réparation ; que toutefois, M. A ayant omis de signaler en mars 2004 son changement de situation matrimoniale intervenu du fait de son divorce par jugement du 30 décembre 2004, cette attitude constitue une faute de la part de l'intéressé de nature à atténuer la responsabilité de l'administration ; qu'eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par le requérant en ramenant le montant du premier titre de perception émis à son encontre le 15 septembre 2006 à 4 000 euros ;

Considérant que si M. A soutient avoir subi des retards dans le paiement de son traitement en 2001 et en 2003, dont il n'établit d'ailleurs pas l'existence, en tout état de cause il n'apporte pas la preuve des frais que ces retards lui auraient selon lui occasionnés ; que par suite sa demande tendant à la condamnation de l'administration à lui verser une indemnité de 2 000 euros en réparation de ces préjudices ne peut qu'être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 13 mars 2008 du président de la 5ème section du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La somme que M. A doit à l'Etat, fixée par le titre de perception émis à son encontre le 15 septembre 2004, est ramenée à 4 000 euros.

Article 3 : L'Etat versera à M A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Patrick A et au ministre de la défense.

Copie pour information en sera adressée au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 7ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 316347
Date de la décision : 17/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 fév. 2010, n° 316347
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Schwartz
Rapporteur ?: Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:316347.20100217
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