Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 février et 28 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DU GORD, représentée par Maître A, mandataire judiciaire 8, Place des Jacobins au Mans (72000) ; la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DU GORD demande au Conseil d'Etat :
1) d'annuler l'arrêt du 4 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 25 novembre 2005 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 323.735 euros en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la carence de l'administration à constater la méconnaissance par sa locataire, la SARL Hydraulique du Gord, des conditions auxquelles était autorisée par le décret du 26 septembre 1978, l'exploitation sur le territoire de la commune de Noyent-sur-Sarthe, de l'usine hydroélectrique installée au barrage du Gord sur la Sarthe,
2) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du 25 novembre 2005 du tribunal administratif de Nantes et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 323.735 euros à titre de dommages et intérêts,
3) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu l'arrêt attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dominique Guihal, chargée des fonctions de maître des requêtes,
- les observations de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DU GORD,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DU GORD ;
Considérant que la SCI DU GORD, propriétaire d'une usine hydroélectrique à Noyent-sur-Sarthe, dont l'exploitation a été autorisée par un décret du 26 septembre 1978, l'a donnée à bail à la société Hydraulique du Gord en 1985 pour une durée de 36 ans ; que cette exploitation était soumise à plusieurs prescriptions, concernant, en particulier, le volume d'eau turbinable et le niveau de la retenue, conditions édictées par le décret d'autorisation et reprises au bail ; que le 9 septembre 1997, la SCI DU GORD a assigné la société hydroélectrique du Gord en résiliation de ce contrat en invoquant, notamment, l'inobservation des conditions de l'autorisation ; que par un arrêt du 7 septembre 1999, devenu définitif à la suite du rejet du pourvoi formé contre lui, la cour d'appel d'Angers a débouté la SCI DU GORD de ses demandes au motif que celle-ci ne pouvait se prévaloir de manquements aux conditions de l'autorisation en dehors de toute intervention de l'autorité administrative habilitée à les constater ; que la SCI DU GORD ayant été placée en liquidation judiciaire en 1997, l'usine a été vendue sur adjudication le 24 avril 2001 moyennant le prix de 428.000 F (65.248 euros) ; que la SCI DU GORD impute à la défaillance de l'administration dans la constatation des manquements aux prescriptions imposées par le décret d'autorisation le rejet de son action en résiliation du bail et la moins-value subséquente subie sur la vente de l'immeuble occupé ; qu'elle a formé devant le tribunal administratif de Nantes une action dirigée contre l'Etat en paiement de la somme de 323 735 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la carence de l'autorité de police ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé le rejet de ses conclusions ;
Considérant que pour rejeter la demande de la SCI DU GORD, l'arrêt attaqué retient qu'il n'est ni démontré ni même allégué que la mise en liquidation judiciaire ait été due à la non-résiliation du bail, que dès lors, à la supposer établie, la prétendue abstention de l'administration à sanctionner l'exploitant pour non respect des conditions auxquelles est subordonnée l'exploitation de cette usine ne saurait être regardée comme étant directement à l'origine du préjudice invoqué par la SCI DU GORD ; qu'en se déterminant ainsi, alors que la requérante, ainsi que le relève l'arrêt lui-même, ne soutenait pas que la carence de l'administration fût à l'origine de la liquidation judiciaire, mais prétendait que cette défaillance l'avait privée de la possibilité de résilier le bail et, par conséquent, de vendre son immeuble libre, la cour administrative d'appel a dénaturé les conclusions dont elle était saisie ; que, dès lors l'arrêt attaqué doit être annulé ;
Sur les conclusions de la SCI DU GORD tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCI DU GORD de la somme de 1 500 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 4 décembre 2007 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera à la SCI DU GORD la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Maître A, es qualité de liquidateur de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DU GORD et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.