Vu 1°/, sous le n° 290650, la requête, enregistrée le 24 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE, représenté par le président du conseil général, domicilié Hôtel du département, 1, boulevard de la Marquette à Toulouse cedex 9 (31090) ; le DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret n° 2005-1711 du 29 décembre 2005 relatif à la compensation financière des charges liées aux routes nationales transférées aux départements et aux régions ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°/, sous le n° 290791, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 6 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE SAINT DENIS dont le siège est Hôtel du Département, B.P. 193, à Bobigny Cedex (93003), représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret n° 2005-1711 du 29 décembre 2005 relatif à la compensation financière des charges liées aux routes nationales transférées aux départements et aux régions ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 juillet 2007, présentée par le DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;
Vu le décret n° 2005-1499 du 5 décembre 2005 ;
Vu le décret n° 2005-1500 du 5 décembre 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat du DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS,
- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la procédure :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales : « Tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'Etat et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant par l'Etat aux communes, aux départements et aux régions des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences » ; qu'aux termes de l'article 18 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales : « ...III. A l'exception des routes répondant au critère prévu par l'article L. 121-1 du code de la voirie routière, les routes classées dans le domaine public routier national à la date de la publication de la présente loi, ainsi que leurs dépendances et accessoires, sont transférées dans le domaine public routier départemental. Ce transfert intervient après avis des départements intéressés sur le projet de décret prévu à l'article L. 121-1 du code de la voirie routière. Cet avis est réputé donné en l'absence de délibération du conseil général dans le délai de trois mois à compter de sa saisine par le représentant de l'Etat dans le département... Il est établi, dans les douze mois de l'entrée en vigueur de la présente loi, une étude exhaustive portant sur l'état de l'infrastructure, au moment de son transfert, ainsi que sur les investissements prévisibles à court, moyen et long termes, liés à la gestion de ce domaine routier... » ; qu'aux termes de l'article 119 de cette même loi : « . I - Sous réserve des dispositions prévues au présent article et à l'article 121, les transferts de compétences à titre définitif inscrits dans la présente loi et ayant pour conséquence d'accroître les charges des collectivités territoriales ou de leurs groupements ouvrent droit à une compensation financière dans les condition fixées par les articles L. 1614-l à L. 1614-7 du code général des collectivités territoriales. Les ressources attribuées au titre de cette compensation sont équivalentes aux dépenses consacrées, à la date du transfert, par l'Etat, à l'exercice des compétences transférées, diminuées du montant des éventuelles réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par les transferts. Le droit à compensation des charges d'investissement transférées par la présente loi est égal à la moyenne des dépenses actualisées, hors taxes et hors fonds de concours, constatées sur une période d'au moins cinq ans précédant le transfert de compétences. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent alinéa, après avis de la commission consultative mentionnée à l'article L. 1211-4-l du code général des collectivités territoriales. Le droit à compensation des charges de fonctionnement transférées par la présente loi est égal à la moyenne des dépenses actualisées constatées sur une période de trois ans précédant le transfert de compétences. II. - La compensation financière des transferts de compétences s'opère, à titre principal, par l'attribution d'impositions de toute nature, dans des conditions fixées par la loi de finances. Si les recettes provenant des impositions attribuées en application de l'alinéa précédent diminuent pour des raisons étrangères au pouvoir de modulation reconnu aux collectivités bénéficiaires, l'Etat compense cette perte dans des conditions fixées en loi de finances afin de garantir à ces dernières un niveau de ressources équivalant à celui qu'il consacrait à l'exercice de la compétence avant son transfert. Ces diminutions de recettes et les mesures de compensation prises au titre du présent alinéa font l'objet d'un rapport du Comité des finances locales. III. - Sous réserve des dispositions de l'article 24, l'Etat et les collectivités territoriales assurent le financement des opérations inscrites aux quatrièmes contrats de plan Etat-régions et relevant de domaines de compétences transférés, dans les conditions suivantes : 1° Les opérations engagées à la date d'entrée en vigueur de la présente loi sont poursuivies jusqu'à leur ternie dans les conditions fixées par les contrats. Les sommes versées par l'Etat à ce titre sont déduites du montant annuel de la compensation financière mentionnée au II ; 2° Les opérations non engagées à la date d'entrée en vigueur de la présente loi et ressortissant à un domaine de compétences transféré, au titre duquel elles bénéficient d'une compensation financière, relèvent des collectivités territoriales nouvellement compétentes qui en assurent le financement « ; qu'enfin, aux termes de l'article 121 de cette même loi : « ... III. Pour ce qui concerne les crédits d'investissement, le transfert aux départements des routes, de leurs accessoires et de leurs dépendances s'accompagne du transfert concomitant des ressources équivalentes, calculées hors taxes et hors fonds de concours, à celles qui étaient consacrées aux dépenses d'entretien préventif et curatif, de réhabilitation, d'exploitation et d'aménagements liés à la sécurité routière et à la prise en compte des risques naturels, des voiries transférées. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent III » ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 121-1 du code de la voirie routière, les tronçons de routes nationales n'ayant pas de vocation départementale et appelés à rejoindre le domaine public routier communal doivent demeurer dans le domaine public routier national jusqu'à leur déclassement ; que, par suite, les départements requérants ne justifient pas d'un intérêt à contester l'absence de définition, au sein du décret attaqué, des compensations financières des charges liées aux routes nationales transférées aux communes ;
Sur la légalité externe :
Considérant que le décret attaqué définit les modalités de calcul de la compensation financière des charges liées aux routes nationales transférées aux départements et aux régions ; qu'il décrit, avec une précision suffisante, les différents éléments pris en compte pour la détermination de cette compensation financière ; qu'en particulier, le décret a pu légalement ne pas définir les dépenses par référence à la nomenclature du budget de l'Etat ; que la référence aux dépenses de l'Etat constatées par les lois de règlement pendant les périodes de référence prévues par le I de l'article 119 de la loi du 13 août 2004 susvisée définit avec une précision suffisante le type de crédits servant de base au calcul de la compensation financière ;
Sur la légalité interne :
Considérant que, si le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS fait valoir que le décret attaqué est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il calcule la compensation financière des charges liées aux routes nationales transférées en fonction de ratios financiers nationaux qui ne permettent pas de prendre en compte les particularités attachées à chaque département, un tel moyen ne saurait être accueilli, dès lors que les ratios financiers mis en place par le décret intègrent divers paramètres liés notamment aux catégories de voies, à leur localisation ou encore au type d'équipement qu'elles comportent ;
Considérant que, si le DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE soutient que les crédits nécessaires au développement et à la modernisation des infrastructures auraient dû être pris en compte dans le calcul de la compensation financière octroyée aux départements et aux régions, il ressort des dispositions précitées de l'article 121 de la loi du 13 août 2004 que la loi n'avait pas prévu que de telles dépenses devraient être prises en compte ; que si les départements requérants entendent faire valoir que ces dispositions seraient contraires au principe de l'équivalence, défini au quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, entre les charges liées aux compétences transférées aux collectivités territoriales et les ressources octroyées par l'Etat, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, de contrôler la conformité de la loi à la Constitution ;
Considérant que, si le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS fait valoir que son estimation du coût des travaux nécessaires à la remise en état du réseau qui lui a été transféré diffère sensiblement du montant de la compensation financière qui lui est attribuée, cette circonstance, à la supposer établie, est dénuée d'incidence sur la légalité du décret attaqué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE et le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret du 29 décembre 2005 relatif à la compensation financière des charges liées aux routes nationales transférées aux départements et aux régions ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que les départements requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des départements requérants une somme de 2 000 euros chacun à verser à l'Etat au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes n°s 290650 et 290791 sont rejetées.
Article 2 : Le DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE et le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS verseront chacun une somme de 2 000 euros à l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE, au DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS, au Premier ministre et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.