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22/11/2006 | FRANCE | N°286156

France | France, Conseil d'État, 8eme et 3eme sous-sections reunies, 22 novembre 2006, 286156


Vu le recours, enregistré le 14 octobre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt du 11 août 2005 en ce que la cour administrative d'appel de Lyon, réformant le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 11 mars 1999, a regardé comme exonéré d'impôt sur les sociétés à concurrence d'une somme de 267 726 F (40 814,57 euros) le bénéfice réalisé pa

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Vu le recours, enregistré le 14 octobre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt du 11 août 2005 en ce que la cour administrative d'appel de Lyon, réformant le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 11 mars 1999, a regardé comme exonéré d'impôt sur les sociétés à concurrence d'une somme de 267 726 F (40 814,57 euros) le bénéfice réalisé par la société Artis, anciennement dénommée SARL Maisons TS Associés, au titre de l'exercice clos le 30 septembre 1991 et déchargé ladite société des droits et pénalités correspondant à cette exonération ;

2°) statuant au fond, de rétablir dans leur intégralité les suppléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Daumas, Auditeur,

- les observations de Me Copper-Royer, avocat de la société Artis,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SARL Maisons TS Associés, nouvellement dénommée société Artis, a été assujettie au titre des exercices clos le 30 septembre des années 1991 à 1993 à des suppléments d'impôt sur les sociétés au motif que certaines de ses activités n'entraient pas dans le champ d'application du régime d'allégement fiscal prévu à l'article 44 sexies du code général des impôts ; que, par jugement du 11 mars 1999, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la société tendant à la décharge de ces impositions en substituant au motif retenu par l'administration celui aux termes duquel l'activité non exonérée d'achat et revente de terrains, exercée à titre accessoire, ne constituait pas le complément indissociable de l'activité exonérée de promotion immobilière, exercée à titre principal ; que, par arrêt du 11 août 2005, la cour administrative d'appel de Lyon a d'une part jugé que la société pouvait se prévaloir de ce régime d'exonération à raison de son activité mais devait en être exclue à compter du 10 janvier 1991, à raison de sa détention indirecte par une autre société, et d'autre part réformé en ce sens le jugement du tribunal ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a déchargé la société des suppléments d'impôts auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 1991, à concurrence des droits et pénalités correspondant à l'exonération d'une somme de 267 726 euros en base, afférente à la fraction de cet exercice antérieure au 10 janvier 1991 ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 44 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : Les entreprises créées à compter du 1er octobre 1988 soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. (...) / Ces dispositions ne s'appliquent pas aux entreprises qui exercent une activité bancaire, financière, d'assurances, de gestion ou de location d'immeubles (...) ; que l'article 34 du même code dispose : Sont considérés comme des bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale... ; que ces dispositions visent les profits tirés de l'accomplissement, dans des conditions caractéristiques de l'exercice d'une activité professionnelle, d'actes réputés de commerce par la loi commerciale ; que l'article 632 du code de commerce alors en vigueur, dont les dispositions sont actuellement reprises à l'article L. 110-1 du code de commerce, répute actes de commerce tout achat de biens immeubles aux fins de les revendre, à moins que l'acquéreur n'ait agi en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux ; qu'ainsi, en qualifiant de commerciale au sens de l'article 34 précité une activité consistant, à la fois, en la construction de maisons et en l'achat de terrains en vue de leur revente, sans rechercher si certains achats de terrains n'avaient pas eu pour objet la construction de maisons suivie de la revente de l'ensemble, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que dès lors, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué par ces motifs sur l'exercice clos le 30 septembre 1991 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Artis exerce à titre principal une activité exclusive de toute opération immobilière, consistant à faire construire des maisons individuelles selon des plans établis par elle, au moyen de contrats de louage d'ouvrages passés avec des entreprises du bâtiment, en s'occupant pour le compte de ses clients, propriétaires des terrains d'assiette, des aspects administratifs et techniques de la construction ; que cette activité, qui est celle d'entrepreneur principal en bâtiment, relève, dès lors que la loi commerciale répute acte de commerce toute entreprise de manufacture, d'une profession commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts ; que la société était donc fondée à soutenir que son activité principale entrait dans le champ de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts ;

Considérant, toutefois, qu'au cours de la période durant laquelle elle s'est prévalue de cette exonération, la société a également effectué plusieurs opérations d'achat de terrains en vue de leur revente qui, ainsi qu'il a été dit plus haut, ne sont constitutives d'une activité commerciale au sens de l'article 34 et pour l'application de l'article 44 sexies du code général des impôts que pour autant qu'elles n'ont pas pour objet l'édification d'un bâtiment en vue de la revente de l'ensemble ; qu'en l'espèce, ces opérations ont eu exclusivement pour but, comme il ressort des écritures mêmes de la société, de faciliter la commercialisation des maisons qu'elle proposait ; que par suite, une partie au moins de ces opérations doit être regardée comme ayant eu pour objet la construction de bâtiments en vue de la revente de l'ensemble et ne pouvaient ainsi entrer, par leur nature, dans le champ de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts ;

Considérant cependant, d'une part, qu'aux termes des écritures non contestées de la société, ces opérations ont représenté une part n'excédant pas, au cours de la période durant laquelle elle s'est prévalue de l'exonération, 7,6% de son chiffre d'affaires annuel ; que d'autre part, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, elles n'ont été réalisées que dans le but de conforter l'activité principale de la société ; qu'ainsi, ces opérations doivent être regardées comme relevant d'une activité accessoire qui constitue le complément indissociable de l'activité de construction de maisons individuelles exercée à titre principal par la société ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Artis, anciennement dénommée SARL Maisons TS Associés, est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 11 mars 1999 en tant qu'il lui a, pour la période de l'exercice 1991 antérieure au 10 janvier 1991, refusé le bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts ; que cette exonération doit être calculée en appliquant au bénéfice réalisé au cours de l'exercice ouvert le 1er octobre 1990, soit 958 040 F (146 052, 26 euros), le prorata du nombre de mois écoulés entre cette date et le 31 décembre 1990, soit 3/12èmes ; qu'il suit de là que la société est fondée à demander la décharge de la somme correspondant à l'exonération à hauteur de 239 510 F (36 513,06 euros) du bénéfice réalisé au cours de l'exercice clos le 30 septembre 1991 ;

Sur les conclusions de la société Artis tendant à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Artis d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 11 août 2005 sont annulés.

Article 2 : Le montant du bénéfice à retenir pour la détermination de l'impôt sur les sociétés dû par la société Artis, anciennement SARL Maisons TS Associés, au titre de l'exercice clos le 30 septembre 1991, est ramené à 718 530 F (109 539,19 euros).

Article 3 : La société Artis est déchargée des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition visée à l'article précédent.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 11 mars 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera à la société Artis la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la société Artis.


Synthèse
Formation : 8eme et 3eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 286156
Date de la décision : 22/11/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 nov. 2006, n° 286156
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Vincent Daumas
Rapporteur public ?: M. Olléon
Avocat(s) : COPPER-ROYER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:286156.20061122
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