La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2006 | FRANCE | N°254526

France | France, Conseil d'État, 10eme et 9eme sous-sections reunies, 17 novembre 2006, 254526


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 février et 26 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Y... A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 14 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté leur appel formé à l'encontre du jugement du 10 octobre 1998 du tribunal administratif de Marseille rejetant leurs demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujetti

s au titre des années 1983 à 1988 et des pénalités correspondantes ainsi...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 février et 26 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Y... A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 14 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté leur appel formé à l'encontre du jugement du 10 octobre 1998 du tribunal administratif de Marseille rejetant leurs demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1983 à 1988 et des pénalités correspondantes ainsi que du prélèvement social de 1 % auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 1986 ;

2°) statuant au fond, de les décharger des impositions litigieuses et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Marion, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. et Mme A,

- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un avis de vérification en date du 24 mai 1991, l'administration a engagé un examen de la situation fiscale de M. A, président-directeur général de la SA Semoulières de Bellevue, portant sur les années 1988 à 1990 ; que le 3 mars 1992, l'autorité judiciaire a transmis à l'administration fiscale l'ensemble des pièces de la procédure qu'elle avait engagée de son côté à l'encontre de M. A pour détention irrégulière d'avoirs monétaires à l'étranger ; que l'administration fiscale, estimant que ces pièces faisaient apparaître que M. A avait exercé de 1983 à 1986 une activité occulte de courtier en blé dur, a, par une notification du 16 décembre 1992, réintégré dans les revenus imposables de 1983 à 1986 les bénéfices industriels et commerciaux réalisés comme courtier ; que M. et Mme A se pourvoient en cassation contre l'arrêt en date du 14 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté leur requête dirigée contre le jugement du 10 octobre 1998 du tribunal administratif de Marseille rejetant leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1983 à 1988 et des pénalités correspondantes, ainsi que du prélèvement social de 1% auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 1986 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 104 de la loi du 29 décembre 1989 portant loi de finances pour 1990 : « Même si les délais de reprise prévus à l'article L. 169 sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due » ; que les dispositions de la loi du 29 décembre 1989 ont eu pour effet de modifier le délai spécial de reprise ouvert à l'administration par l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, notamment en fixant un délai maximal de dix ans à compter de l'année au titre de laquelle l'imposition est due pour réparer les insuffisances d'imposition révélées ; que le nouveau délai de reprise prévu par de telles dispositions, qui sont immédiatement applicables, court à compter de leur entrée en vigueur, l'ancien délai ne demeurant applicable que s'il a commencé à courir avant l'entrée en vigueur des dispositions qui l'ont modifié et s'il expire avant la date d'expiration du délai nouveau ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que le nouveau délai de reprise spécial prévu par l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 104 de la loi de finances pour 1990, n'était pas applicable dès lors que le fait générateur des impositions litigieuses était antérieur à l'entrée en vigueur de cette loi, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ;

Considérant que M. et Mme A sont dès lors fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que l'administration fiscale est en droit de se prévaloir à tout moment devant le juge de l'impôt de la situation d'évaluation d'office des bénéfices industriels et commerciaux dans laquelle elle estime que se trouvent des contribuables ; qu'aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable, peut être évalué d'office le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales (...) lorsque ces contribuables sont imposables selon un régime de bénéfice réel et que la déclaration annuelle des résultats n'a pas été déposée dans le délai légal ; que M. et Mme X... n'établissent pas avoir régulièrement déposé une déclaration de résultats dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 1983 à 1986 ; qu'ainsi l'administration est fondée à se prévaloir de la situation d'évaluation d'office dans laquelle se trouvaient M. et Mme A pour les années 1983 à 1986 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination … ; que la notification adressée le 16 décembre 1992 à M. et Mme A, qui indiquait que l'administration entendait retenir en produits le montant des versements encaissés en dollars et en deutsche marks sur un compte ouvert à la Midland Bank en Suisse et en charges des montants que l'administration estimait afférents à l'activité commerciale du contribuable, répondait aux exigences de l'article L. 76 précité ;

Considérant que, compte tenu de la situation d'évaluation d'office dans laquelle ils se trouvaient pour leurs bénéfices industriels et commerciaux des années 1983 à 1986, les requérants ne peuvent utilement soutenir que la réponse de l'administration à leurs observations n'était pas suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et que c'est en méconnaissance des dispositions de l'article L. 59 du même livre que l'administration a refusé de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

Sur le délai de reprise :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'activité occulte de courtier en blé exercée par M. A pendant les années 1983 à 1986 a été révélée par des pièces de la procédure judiciaire close par le jugement prononcé le 30 janvier 1991 par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse statuant en matière correctionnelle et non lors de l'instance civile comme le soutiennent les requérants ; qu'en application des dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction issue de l'article 104 de la loi de finances pour 1990, un délai spécial de reprise était ouvert à l'administration à compter du 30 janvier 1991, alors même que le jugement du tribunal de Bourg-en-Bresse ne précisait pas lui-même l'origine des revenus litigieux ; que ce délai spécial n'était pas clos le 16 décembre 1992, date de la notification de ses bases d'imposition à M. A ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'il appartient aux requérants, eu égard à leur situation d'évaluation d'office, d'établir l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;

Considérant que, si l'administration a retenu, pour évaluer les bénéfices industriels et commerciaux réalisés par M. X..., les encaissements constatés sur son compte bancaire en Suisse, les requérants ne sauraient soutenir qu'une telle méthode était radicalement viciée dans son principe, dès lors, d'une part, que l'administration ne disposait d'aucune comptabilité, d'aucun contrat ni d'aucune facture pour évaluer des créances acquises, et, d'autre part, qu'elle soutient sans être contredite, que, compte tenu des délais de règlement habituels dans les activités de courtage, les encaissements correspondaient à des créances acquises dans l'année ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille, qui a suffisamment motivé son jugement, a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des impositions litigieuses et des pénalités correspondantes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demandent M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 14 novembre 2002 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par M. et Mme A devant la cour administrative d'appel de Marseille et leurs conclusions devant le Conseil d'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Y... A et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 17 nov. 2006, n° 254526
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Laurence Marion
Rapporteur public ?: Mme Mitjavile
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Formation : 10eme et 9eme sous-sections reunies
Date de la décision : 17/11/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 254526
Numéro NOR : CETATEXT000008084311 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-11-17;254526 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award