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18/10/2006 | FRANCE | N°278557

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 18 octobre 2006, 278557


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars et 15 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Francis B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 10 janvier 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé, d'une part, le jugement du 5 juillet 2001 du tribunal administratif de Besançon rejetant la demande de Mme Valérie A et du Syndicat des pharmaciens du Jura tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 décembre 1999 du préfet du Jura autorisant M.

B à ouvrir une officine de pharmacie par voie dérogatoire à Dampierre ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars et 15 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Francis B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 10 janvier 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé, d'une part, le jugement du 5 juillet 2001 du tribunal administratif de Besançon rejetant la demande de Mme Valérie A et du Syndicat des pharmaciens du Jura tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 décembre 1999 du préfet du Jura autorisant M. B à ouvrir une officine de pharmacie par voie dérogatoire à Dampierre (Jura), et, d'autre part, cet arrêté ;

2°) de rejeter les requêtes d'appel de Mme A et du Syndicat des pharmaciens du Jura ;

3°) de mettre à la charge de Mme A et du Syndicat des pharmaciens du Jura le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Luc Derepas, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. B et de Me Luc-Thaler, avocat du Syndicat des pharmaciens du Jura,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un jugement en date du 8 juillet 1999, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 9 janvier 1998 du préfet du Jura refusant à M. B l'autorisation d'ouvrir une officine de pharmacie par voie dérogatoire à Dampierre ; que, par un arrêt du 12 janvier 2004, la cour administrative d'appel de Nancy a censuré le motif d'annulation retenu par le tribunal, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 571 du code de la santé publique alors en vigueur, tout en confirmant l'annulation de cet arrêté en raison de l'insuffisance de sa motivation ; que le préfet du Jura ayant, par un nouvel arrêté en date du 20 décembre 1999, délivré à M. B l'autorisation qu'il sollicitait, la même cour a, par l'arrêt attaqué du 10 janvier 2005, après avoir censuré pour irrégularité le jugement du 5 juillet 2001 du tribunal administratif de Besançon, annulé cette seconde décision du préfet ;

Considérant que si le dispositif de l'arrêt du 12 janvier 2004 est revêtu de l'autorité absolue de chose jugée en tant qu'il confirme l'annulation de l'arrêté du 9 janvier 1998 mentionné ci ;dessus, seul le motif tiré de l'insuffisante motivation de cet arrêté, qui vient au soutien de cette annulation, est revêtu de la même autorité ; qu'en revanche, le motif par lequel la cour a censuré le motif d'annulation initialement retenu par le tribunal administratif, dès lors qu'il a pour conséquence d'écarter l'un des moyens d'annulation présenté par M. B, ne saurait être regardé comme constituant le support nécessaire du dispositif de l'arrêt du 12 janvier 2004 ni, par suite, comme étant revêtu de cette autorité ; que, dès lors, en se fondant sur l'autorité absolue dont était revêtu ce motif pour annuler l'arrêté par lequel le préfet du Jura a autorisé M. B à créer une officine pharmaceutique, la cour a entaché l'arrêt attaqué d'une erreur de droit ; que M. B n'invoquant aucun moyen à l'encontre de cet arrêt en tant qu'il annule pour irrégularité le jugement du 5 juillet 2001 du tribunal administratif de Besançon et admet l'intervention de la SNC Racine Chagrot, il n'est fondé à demander l'annulation de cet arrêt qu'en tant qu'après avoir évoqué, la cour a annulé l'arrêté du 20 décembre 1999 du préfet du Jura et statué sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de régler dans cette mesure l'affaire au fond en application de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative ;

Considérant que l'article 2 de la loi du 11 juillet 1979 oblige l'administration à motiver « les décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement », au nombre desquelles figuraient les décisions autorisant la création d'une officine pharmaceutique par voie dérogatoire sur le fondement des dispositions de l'article L. 571 du code de la santé publique alors en vigueur ; qu'en motivant la décision d'autorisation attaquée par référence, d'une part, aux articles L. 570 et L. 571 du code de la santé publique et, d'autre part, au jugement du 8 juillet 1999 du tribunal administratif de Besançon annulant la décision de refus d'autorisation prise antérieurement à l'égard de M. B, le préfet, qui a indiqué par ces mentions qu'il s'estimait tenu de délivrer l'autorisation demandée en raison de l'autorité de chose jugée s'attachant aux motifs dudit jugement, a suffisamment motivé sa décision ;

Considérant que, saisi à nouveau de la demande de M. B après l'annulation de l'arrêté du 9 janvier 1998, le préfet pouvait statuer sur cette demande sans procéder à une nouvelle instruction, à moins que des circonstances nouvelles de droit ou de fait n'y fassent obstacle ; qu'en l'espèce, aucun changement de nature à rendre nécessaire une nouvelle instruction n'était intervenu entre l'époque à laquelle le préfet avait instruit l'affaire et la date à laquelle il a pris son second arrêté ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait prendre cet arrêté sans avoir procédé de nouveau à la consultation des syndicats professionnels prévue par les dispositions de l'article L. 571 du code de la santé publique alors en vigueur doit être écarté ;

Considérant que l'article L. 571 du code de la santé publique alors en vigueur dispose que des autorisations d'ouverture d'officines pharmaceutiques peuvent être accordées par dérogation aux critères démographiques définis au même article « si les besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière l'exigent » ; que le même article énonce que pour l'application de ces dispositions, les besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière « sont appréciés au regard, notamment, de l'importance de la population concernée, des conditions d'accès aux officines les plus proches et de la population que celles ;ci resteraient appelées à desservir » ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'officine de M. B, située à Dampierre, commune proche du croisement de la N 73 et de la D 36, est susceptible d'offrir les meilleures conditions d'approvisionnement à la population habitant dans une zone allant de Gendrey et Louvatange au Nord à Rans au Sud ; que la population résidente ainsi desservie était, à la date de la décision attaquée, supérieure à 2 200 habitants ; que l'officine voisine située à Fraisans était, pour sa part, assurée de desservir une zone située à l'Est de la précédente et dont la population était supérieure à 2 100 habitants ; qu'il suit de là qu'en accordant à M. B l'autorisation qu'il demandait, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 571 précité ;

Considérant, enfin, que les dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat et de M. B, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que Mme A et le Syndicat des pharmaciens du Jura demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A et du Syndicat des pharmaciens du Jura la somme de 1 250 euros chacun au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Sont annulés l'article 1er de l'arrêt du 10 janvier 2005 de la cour administrative d'appel de Nancy, en tant qu'il annule l'arrêté du 20 décembre 1999 du préfet du Jura, et l'article 3 du même arrêt.

Article 2 : Les conclusions de Mme A et du Syndicat des pharmaciens du Jura tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 1999 du préfet du Jura sont rejetées.

Article 3 : Mme A et le Syndicat des pharmaciens du Jura paieront chacun 1 250 euros à M. B.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme A et le Syndicat des pharmaciens du Jura sur le fondement de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Francis B, à Mme Valérie A, au Syndicat des pharmaciens du Jura et au ministre de la santé et des solidarités.


Synthèse
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 278557
Date de la décision : 18/10/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 oct. 2006, n° 278557
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Luc Derepas
Rapporteur public ?: M. Devys
Avocat(s) : SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE ; LUC-THALER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:278557.20061018
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