Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars et 11 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 9 novembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 25 mai 2000 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 1992 par lequel le préfet du Loiret a approuvé le tracé de détail et le projet d'établissement des servitudes instituées pour l'alimentation en électricité basse tension de la propriété de M. B ;
2°) statuant au fond, d'annuler le jugement du 25 mai 2000 du tribunal administratif d'Orléans et l'arrêté du 9 mars 1992 du préfet du Loiret ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et d'Electricité de France une somme de 2500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz ;
Vu le décret n° 70-492 du 11 juin 1970, portant règlement d'administration publique pour l'application de l'article 35 de la loi du 8 avril 1946 concernant la procédure de déclaration d'utilité publique des travaux d'électricité et de gaz qui ne nécessitent que l'établissement de servitudes ainsi que les conditions d'établissement desdites servitudes ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Henri Savoie, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Jacoupy, avocat de M. A et de la SCP Coutard, Mayer, avocat d'Electricité de France,
- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 35 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz : « Les servitudes d'ancrage, d'appui, de passage, d'abattage d'arbres, d'aqueduc, de submersion et d'occupation temporaire s'appliquent dès la déclaration d'utilité publique des travaux./ Un décret déterminera les formes de la déclaration d'utilité publique des travaux qui ne nécessitent que l'établissement de servitudes et n'impliquent aucun recours à l'expropriation. Ce décret fixera également les conditions d'établissement desdites servitudes » ;
Considérant que le décret du 11 juin 1970, pris pour l'application des dispositions précitées de la loi du 8 avril 1946, prévoit que l'intervention de l'arrêté préfectoral d'établissement des servitudes ne peut avoir lieu qu'à la suite et sur le fondement de la déclaration d'utilité publique du projet ;
Considérant que par un premier arrêté en date du 2 octobre 1991, le préfet du Loiret a déclaré d'utilité publique les travaux d'alimentation en électricité basse-tension de la propriété de M. B, sur le territoire de la commune de Lion-en-Sullias ; que par un second arrêté en date du 9 mars 1992, ce même préfet a approuvé le tracé de détail et le projet d'établissement des servitudes instituées pour cette ligne électrique ; que M. A, propriétaire d'un terrain sur lequel est implantée en partie cette ligne électrique, se pourvoit en cassation contre un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 9 novembre 2004 rejetant ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral en date du 9 mars 1992 ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que la publication d'un acte dans un recueil administratif rend cet acte opposable aux tiers si l'obligation de publier cet acte dans ce recueil résulte d'un texte législatif ou réglementaire lui-même publié au Journal officiel de la République française ; qu'en l'absence d'une telle obligation, cet effet n'est attaché à la publication que si le recueil peut, eu égard à l'ampleur et aux modalités de sa diffusion, être regardé comme aisément consultable par les tiers ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'arrêté préfectoral du 2 octobre 1991 déclarant d'utilité publique les travaux a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Loiret des mois de novembre / décembre 1991 ; que ce mode de publicité n'était rendu obligatoire par aucun texte ; que, eu égard aux modalités de diffusion de ce recueil, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit en jugeant que l'insertion de cet arrêté préfectoral dans ce recueil constituait une mesure de publicité suffisante pour rendre cet arrêté opposable aux tiers et en a déduit que cet arrêté pouvait servir de base légale à l'arrêté préfectoral attaqué ; que M. A est dès lors fondé à demander l'annulation de l'arrêt en date du 9 novembre 2004 ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant, ainsi qu'il a été dit ci dessus, que l'arrêté du préfet du Loiret déclarant d'utilité publique les travaux en date du 2 octobre 1991 n'a pas fait l'objet d'une publicité de nature à le rendre opposable aux tiers ; que cet arrêté ne pouvait donc pas servir de fondement à l'arrêté attaqué approuvant des servitudes, lequel manquait ainsi de base légale ; que M. A est dés lors fondé à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 25 mai 2000 en tant qu'il rejette les conclusions d'excès de pouvoir dont ce tribunal était saisi et de l'arrêté du préfet du Loiret en date du 9 mars 1992 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge de l'Etat et d'Electricité de France une somme globale de 3500 euros au titre des frais exposés par M. A en appel et en cassation et non compris dans les dépens ; qu'en revanche ces dispositions font obstacle à ce que M. A, qui n'est pas la partie perdante, verse à Electricité de France la somme qu'elle demande à ce même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 9 novembre 2004, le jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 25 mai 2000, en tant qu'il rejette les conclusions d'excès de pouvoir dirigées contre l'arrêté préfectoral du 9 mars 1992, et l'arrêté du préfet du Loiret en date du 9 mars 1992 sont annulés.
Article 2 : L'Etat et Electricité de France verseront solidairement à M. A une somme de 3500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions d'Electricité de France tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard A, à Electricité de France et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.