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04/08/2006 | FRANCE | N°254945

France | France, Conseil d'État, 10eme et 9eme sous-sections reunies, 04 août 2006, 254945


Vu 1°) sous le numéro 254945, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 mars et 10 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le COMITE DE REFLEXION D'INFORMATION ET DE LUTTE ANTI-NUCLEAIRE (CRILAN), dont le siège est ... à Les Pieux (50340) et par le RESEAU SORTIR DU NUCLEAIRE, dont le siège est ... ; le COMITE DE REFLEXION D'INFORMATION ET DE LUTTE ANTI-NUCLEAIRE (CRILAN) et le RESEAU SORTIR DU NUCLEAIRE demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 10 janvier 2003 autorisant la compagnie générale d

es matières nucléaires à modifier l'installation nucléaire de base UP...

Vu 1°) sous le numéro 254945, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 mars et 10 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le COMITE DE REFLEXION D'INFORMATION ET DE LUTTE ANTI-NUCLEAIRE (CRILAN), dont le siège est ... à Les Pieux (50340) et par le RESEAU SORTIR DU NUCLEAIRE, dont le siège est ... ; le COMITE DE REFLEXION D'INFORMATION ET DE LUTTE ANTI-NUCLEAIRE (CRILAN) et le RESEAU SORTIR DU NUCLEAIRE demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 10 janvier 2003 autorisant la compagnie générale des matières nucléaires à modifier l'installation nucléaire de base UP 2-800 située sur le site de la Hague ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros à leur verser à chacun au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°) sous le n° 255049, la requête, enregistrée le 12 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION GREENPEACE, dont le siège est ... ; l'ASSOCIATION GREENPEACE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 10 janvier 2003 autorisant la compagnie générale des matières nucléaires à modifier l'installation nucléaire de base UP 2-800 située sur le site de la Hague ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus (Danemark) le 25 juin 1998, publiée par le décret n° 2002-1187 du 12 septembre 2002 ;

Vu la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1982 ;

Vu la directive 96/29/EURATOM du 13 mai 1996 ;

Vu la directive 96/82 CE du Conseil du 9 décembre 1996 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;

Vu la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 2002-1187 du 28 février 2002 ;

Vu le décret n° 63-1228 du 11 décembre 1963 ;

Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;

Vu le décret n° 85-449 du 23 avril 1985 ;

Vu le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 ;

Vu le décret n° 95-540 du 4 mai 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Salesse, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Cogema,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes des associations « COMITE DE REFLEXION, D'INFORMATION ET DE LUTTE ANTI NUCLEAIRE » (CRILAN), « RESEAU SORTIR DU NUCLEAIRE et « GREENPEACE » tendent à l'annulation du décret du 10 janvier 2003 autorisant la Compagnie générale des matières nucléaires à modifier l'installation nucléaire de base UP2-800 située sur le site de La Hague ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la COGEMA ;

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 6 de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 : Chaque Partie : a) Applique les dispositions du présent article lorsqu'il s'agit de décider d'autoriser ou non des activités proposées du type de celles énumérées à l'annexe I ; que les installations destinées au traitement de combustibles nucléaires irradiés ou de déchets hautement radioactifs figurent à l'annexe I de la convention ; que le décret attaqué a été adopté à l'issue d'une procédure qui a fait l'objet d'une enquête publique ; qu'il n'a, par suite, pas été édicté à l'issue d'une procédure qui méconnaîtrait les stipulations du 2 de l'article 6 de la convention aux termes desquelles : Lorsqu'un processus décisionnel touchant l'environnement est engagé, le public concerné est informé comme il convient, de manière efficace et en temps voulu, par un avis au public ou individuellement, selon le cas, au début du processus ; que celles du 4 du même article aux termes desquelles : « Chaque Partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c'est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence » ne créent d'obligation qu'à l'égard des Etats signataires et ne sont donc pas directement applicables ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 11 décembre 1963 : I. Les installations nucléaires de base ne peuvent être créées qu'après autorisation. (…)/ II. Lorsque la demande porte sur une installation mentionnée au tableau annexé au décret n° 85-449 du 23 avril 1985, elle est soumise à enquête publique. Cette enquête n'est toutefois pas obligatoire : /a) Pour une installation nucléaire de base ayant déjà fait l'objet d'une enquête préalable à une déclaration d'utilité publique, si l'installation est conforme au projet soumis à enquête ou si les modifications apportées n'affectent pas de façon substantielle l'importance ou la destination et n'augmentent pas les risques de l'installation ;/ b) Dans le cas de modifications apportées à une installation … ayant déjà fait l'objet d'une enquête publique, si ces modifications répondent aux conditions prévues à l'alinéa précédent ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 12 octobre 1977 : Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. /L'étude d'impact présente successivement :/ 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement…/ 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement…/ 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui feront l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu ;/ 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement… ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact et son résumé non technique, présentés par la COGEMA à l'appui du projet d'autorisation de modifier son installation nucléaire de base UP 2-800, comportent une analyse de l'état initial du site, des caractéristiques des installations ainsi que des interactions entre le site de la Hague et son environnement ; que si la partie de l'étude consacrée aux changements projetés pour cette installation nucléaire de base est relativement succincte, elle n'en contient pas moins la présentation de ces modifications ; que les mesures prises pour réduire ou supprimer les effets du projet sur l'environnement y figurent également ; que, dans ces conditions, même si tous les éléments de l'étude ne font pas l'objet d'indications quantitatives, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'étude d'impact serait entachée d'insuffisances ayant un caractère substantiel ;

Considérant que si, à la suite de la modification introduite par l'article 1er, point 11, de la directive du 3 mars 1997, le 1. de l'article 9 de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1982, dispose que « Lorsqu'une décision d'octroi ou de refus d'autorisation a été prise, la ou les autorités compétentes en informent le public selon les modalités appropriées et mettent à sa disposition les informations suivantes : (…) - les motifs et considérations principaux qui ont fondé la décision, (…) », ces dispositions, qui exigent que l'auteur de la décision, une fois cette dernière prise, porte à la connaissance du public une information supplémentaire explicitant les motifs et les considérations qui l'ont fondée, ne sauraient être interprétées comme imposant une motivation en la forme de la décision qui serait une condition de légalité de cette dernière ; que le moyen tiré de ce que, faute d'avoir été modifié, dans le délai de transposition de la directive qui expirait le 14 mars 1999, pour prévoir une telle obligation de motivation, le décret du 11 décembre 1963 serait devenu incompatible avec les objectifs de cette directive, ne peut, par suite, être accueilli ;

Considérant que, pour les mêmes raisons, les associations requérantes ne peuvent utilement invoquer, pour critiquer la légalité du décret contesté, les dispositions de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans leur rédaction issue de la loi du 27 février 2002 qui, pour assurer la transposition de la directive précitée, prévoient que « sans préjudice de l'application des dispositions des articles L. 11-1-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et L. 126-1 du présent code relatives à la motivation des déclarations d'utilité publique et des déclarations de projet, lorsqu'une décision d'octroi ou de refus de l'autorisation concernant le projet soumis à l'étude d'impact a été prise, l'autorité compétente en informe le public et (…) met à sa disposition les informations suivantes : - la teneur de la décision et les conditions dont celle-ci est le cas échéant assortie ; - les motifs qui ont fondé la décision (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'étude de dangers présente les dispositions prises afin de maîtriser les risques d'origines nucléaires et non nucléaires, externes ou autres, et de limiter les conséquences d'un accident ; qu'elle comporte une présentation de ces risques et des mesures préventives fonction par fonction ; que, dans ces conditions, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'étude de dangers serait elle aussi entachée d'insuffisances ayant un caractère substantiel ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la directive 96/29 EURATOM du 13 mai 1996 : « Les Etats membres veillent à ce que toute nouvelle catégorie ou tout nouveau type de pratique entraînant une exposition à des rayonnements ionisants soient, avant leur première adoption ou leur première approbation, justifiés par leurs avantages économiques, sociaux ou autres par rapport au détriment sanitaire qu'ils sont susceptibles de provoquer » ; que ces dispositions ne sont pas applicables au décret attaqué, la demande d'autorisation ayant été présentée avant le 13 mai 2000, date d'expiration du délai de transposition de cette directive ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 542-2 du code de l'environnement : « Le stockage en France de déchets radioactifs importés, même si leur retraitement a été effectué sur le territoire national, est interdit au-delà des délais techniques imposés par le retraitement » ; que le décret attaqué ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de méconnaître les obligations découlant de ces dispositions ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'environnement : « Ne peuvent être désignées comme commissaires-enquêteurs ou comme membres de la commission d'enquête les personnes intéressées à l'opération à titre personnel ou en raison de leurs fonctions, notamment au sein de la collectivité, de l'organisme ou du service qui assure la maîtrise de l'ouvrage, la maîtrise d'oeuvre ou le contrôle de l'opération soumise à enquête » ; que la circonstance que M. Boiron, président de la commission d'enquête, aurait rempli en 1995 et en 1996 des fonctions d'expertise auprès de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs ne saurait à elle seule faire regarder M. Boiron comme intéressé à l'opération ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 11 décembre 1963 : « I.Les installations nucléaires de base ne peuvent être créées qu'après autorisation (…). IV. L'autorisation est délivrée (…) par décret (…) » ; que l'article 4 du même décret dispose : « I. L'autorisation de création fixe le périmètre et les caractéristiques de l'installation ainsi que les prescriptions particulières auxquelles doit se conformer l'exploitant … » : qu'aux termes de l'article 6 du même décret : « Une nouvelle autorisation, délivrée dans les formes prévues à l'article 3, doit être obtenue / (…) Lorsqu'une installation nucléaire de base doit faire l'objet de modifications de nature à entraîner l'inobservation des prescriptions précédemment imposées … » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas de modification de l'installation de la nature de celles énoncées par l'article 6 précité, les conditions auxquelles est soumise la mise en exploitation de l'installation ainsi modifiée doivent être déterminées par décret ;

Considérant que le décret attaqué précise la capacité annuelle de traitement de l'installation nucléaire de base concernée et détaille la nature des effluents qui pourront y être entreposés et traités ; qu'il définit ce qu'il faut entendre par « type de matière significativement différent » devant faire « le moment venu » l'objet d'une autorisation spécifique des ministres ; qu'ainsi, il détermine avec une précision suffisante les conditions dans lesquelles ces ministres exerceront les pouvoirs qui leur sont confiés, en vue d'autoriser seulement -ainsi qu'il a été dit ci-dessus- l'adaptation des types de matières à traiter dans l'installation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'article 4 du décret attaqué subdéléguerait illégalement à des arrêtés conjoints des ministres chargés de l'environnement et de l'industrie le soin de définir l'adaptation des types de matière à traiter doit être écarté ;

Considérant, enfin, que les moyens tirés de ce que le décret attaqué méconnaîtrait l'article 12 de la directive « Seveso II » et les principes de précaution et de prévention définis au II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ne sont pas assortis de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret du 10 janvier 2003 autorisant la Compagnie générale des matières nucléaires à modifier l'installation nucléaire de base UP2-800 située sur le site de La Hague ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants les sommes que la Cogema demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes des associations « COMITE DE REFLEXION, D'INFORMATION ET DE LUTTE ANTI-NUCLEAIRE » (CRILAN), « RESEAU SORTIR DU NUCLEAIRE » et « GREENPEACE » sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la Cogema tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée aux associations COMITE DE REFLEXION, D'INFORMATION ET DE LUTTE ANTI-NUCLEAIRE » (CRILAN), « RESEAU SORTIR DU NUCLEAIRE » et « GREENPEACE », à la Compagnie générale des matières nucléaires (COGEMA), au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'écologie et du développement durable.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 04 aoû. 2006, n° 254945
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Yves Salesse
Rapporteur public ?: Mlle Verot
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Formation : 10eme et 9eme sous-sections reunies
Date de la décision : 04/08/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 254945
Numéro NOR : CETATEXT000008256152 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-08-04;254945 ?
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