Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 juillet et 9 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Roger A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 6 avril 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 27 mars 2001 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de Céaucé sur la demande qu'il lui avait adressée le 16 mai 2000 en vue d'obtenir la réalisation par la commune de travaux d'entretien et d'élargissement sur la voie communale n° 204 et sur les fossés la bordant ;
2°) d'annuler ladite décision implicite de rejet ;
3°) d'enjoindre à la commune de Céaucé de procéder aux travaux demandés ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Céaucé le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu le code rural ;
Vu l'ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Eliane Chemla, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Brouchot, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par lettre adressée le 16 mai 2000 au maire de Céaucé (Orne), M. A a demandé, d'une part, l'élargissement du chemin n° 204 conduisant à son exploitation et, d'autre part, le curage des fossés bordant ce chemin ainsi que l'exécution de travaux pour mettre fin au déversement dans ces fossés d'un ruisseau détourné de son cours d'origine ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 avril 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'il a formé contre le jugement du 27 mars 2001 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de Céaucé sur les demandes formulées dans la lettre du 16 mai 2000 ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales : Les dépenses obligatoires (pour les communes) comprennent notamment : … 20° les dépenses d'entretien des voies communales… ; que l'article 9, alors applicable de l'ordonnance du 7 janvier 1959 susvisée dispose : Deviennent voies communales les voies qui, conformément à la législation en vigueur à la date de la présente ordonnance, appartiennent aux catégories ci-après : … 3°) Ceux des chemins ruraux reconnus dont le conseil municipal aura, dans un délai de six mois, décidé de l'incorporation… ; que l'article L. 161-1 du code rural prévoit que : Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 141-3 du code de la voirie routière : Le classement et le déclassement des voies communales sont prononcés par le conseil municipal ; qu'il résulte de ces dispositions que les chemins ruraux reconnus créés avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 7 janvier 1959 sont devenus des voies communales, soumises à l'obligation d'entretien, dès lors qu'ils ont fait l'objet de la part du conseil municipal soit d'une décision d'incorporation prise dans un délai de 6 mois après l'intervention de l'ordonnance, soit d'une décision postérieure de classement prise après enquête ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le chemin faisant l'objet du litige a été créé, à la demande du conseil municipal de Céaucé, par arrêté du 27 mars 1952 de la commission départementale de l'Orne, avec le statut de chemin rural reconnu ; que figurent à ce dossier la liste des chemins ruraux de la commune de Céaucé, sur laquelle ledit chemin ne figure pas, ainsi que plusieurs photographies de panneaux indicateurs et un extrait de plan cadastral sur lesquels le chemin est dénommé VC 204 ou voie communale n° 204 ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en estimant que le chemin en question n'avait pas été incorporé ou classé dans la voirie communale, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier ; qu'ainsi, M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions relatives au refus opposé à la demande d'élargissement du chemin :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, ainsi que du tableau de classement des voies communales de la commune de Céaucé produit devant le Conseil d'Etat , que le chemin dénommé VC n° 204 a bien le statut de voie communale ;
Considérant, toutefois, que l'obligation d'entretien des voies communales imposée aux communes par l'article L. 2321-2 (20°) du code général des collectivités territoriales ne s'étend pas aux travaux d'amélioration et d'élargissement ; qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que les caractéristiques de la voie ne permettraient pas d'y circuler en sécurité, ni, en tout état de cause, qu'elles ne seraient pas ou plus conformes à ce que prévoyait l'arrêté du 27 mars 1952 de la commission départementale de l'Orne ; qu'enfin, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'accès à la voie communale alors que celui-ci qui n'emporte pas droit à amélioration dudit accès n'a jamais été refusé, ne peut qu'être écarté ; qu'ainsi, en rejetant la demande d'élargissement, le maire de Céaucé n'a pas commis d'illégalité ;
Sur les conclusions relatives au refus opposé à la demande de curage des fossés et d'exécution de travaux pour mettre fin au déversement dans ces fossés d'un ruisseau détourné de son cours d'origine :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, les fossés de la voie communale n° 204 étaient convenablement entretenus, des travaux de curage ayant été effectués par la commune en 1999 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de Céaucé qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que M. A a demandées devant la cour administrative d'appel de Nantes et le Conseil d'Etat au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. A la somme de 762 euros que la commune de Céaucé a demandée devant la cour administrative d'appel de Nantes ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 6 avril 2004 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté ainsi que sa requête devant la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : M. A versera à la commune de Céaucé une somme de 762 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Roger A, à la commune de Céaucé et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.