Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 août et 2 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Raymond A, demeurant ..., agissant en qualité de tuteur de M. Michel A ; M. Raymond A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 5 août 2003 de la commission centrale d'aide sociale en tant que par ladite décision, la commission a fixé le montant de la contribution de M. Michel A à la prise en charge de ses frais d'hébergement à la somme de 7 123 F par mois, comprenant l'intégralité de l'aide personnalisée au logement et susceptible d'être révisée en fonction de l'évolution des ressources de l'intéressé ;
2°) statuant au fond, de fixer à 5 194,80 F soit 791,94 euros le montant de la participation de M. Michel A ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code des assurances ;
Vu la loi n° 69 ;1161 du 24 décembre 1969 ;
Vu la loi n° 91 ;647 du 10 juillet 1991 ;
Vu la loi n° 2002 ;2 du 2 janvier 2002 ;
Vu le décret n° 54 ;883 du 2 septembre 1954 ;
Vu le décret n° 77 ;1548 du 31 décembre 1977 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Martin Hirsch, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. Raymond A et de M. Michel A et de la SCP Parmentier, Didier, avocat du département des Côtes-d'Armor,
- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 168 du code de la famille et de l'aide sociale, en vigueur à la date de la décision litigieuse de la commission d'admission à l'aide sociale d'Etables-sur-Mer et dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 344 ;5 du code de l'action sociale et des familles : « … Les frais d'hébergement et d'entretien des personnes handicapées dans les établissements de rééducation professionnelle et d'aide par le travail ainsi que dans les foyers et foyers-logement sont à la charge : / 1° A titre principal, de l'intéressé lui ;même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au ;dessous d'un minimum fixé par décret et par référence à l'allocation aux handicapés adultes, différent selon qu'il travaille ou non, majoré, le cas échéant, du montant des rentes viagères visées à l'article 8 de la loi n° 69 ;1161 du 24 décembre 1969 portant loi de finances pour 1970 ; / 2° Et, pour le surplus éventuel, de l'aide sociale (…) » ; que l'article 2 du décret du 31 décembre 1977, pris pour l'application de ces dispositions et dont les dispositions ont été reprises à l'article D. 344 ;35 du code de l'action sociale et des familles, prévoit que les ressources laissées à la disposition de l'intéressé s'élèvent au tiers des revenus tirés du travail majoré du dixième des autres revenus, sans que la part laissée à la personne puisse descendre au ;dessous de 30 p. cent du montant mensuel de l'allocation aux adultes handicapés ; que l'article 3 du même décret, aujourd'hui repris à l'article D. 344 ;36 du même code, prévoit que ce dernier seuil est majoré à hauteur de 20 p. cent de l'allocation aux adultes handicapés lorsque l'intéressé prend régulièrement à l'extérieur de l'établissement au moins cinq repas par semaine ;
Considérant qu'il est constant qu'en 1999, année de la demande de renouvellement de l'aide sociale allouée à M. Michel A, le montant maximum de l'allocation aux adultes handicapés, tel qu'il résultait des dispositions de l'article D. 821 ;3 du code de la sécurité sociale, s'élevait à 3 540 F par mois ; qu'il suit de là que le montant minimum devant être laissé à la disposition de l'intéressé en application des dispositions de l'article 2 du décret du 31 décembre 1977 était de 1 062 F ; que, par suite, en jugeant que le montant de ressources laissé à M. Michel A en application des dispositions de l'article 168 du code de la famille et de l'aide sociale, soit 993 F, excédait de 33 F le minimum résultant de l'article 2 du décret du 31 décembre 1977, la commission centrale d'aide sociale a entaché sa décision d'une erreur matérielle ; que cette décision doit, pour ce motif, être annulée en tant qu'elle a fixé à 7 123 F le montant de la contribution de l'intéressé ;
Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 141 du code de la famille et de l'action sociale, alors applicable et dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 132 ;1 du code de l'action sociale et des familles : « Il sera tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu qui sera évaluée dans les conditions fixées par règlement d'administration publique … » ; que l'article 1er du décret du 2 septembre 1954, pris pour l'application de ces dispositions, dispose : « … pour l'évaluation des ressources des postulants, les biens non productifs de revenu, à l'exclusion des meubles d'usage courant, sont considérés comme procurant un revenu égal à la rente viagère que servirait la Caisse nationale d'assurances sur la vie contre le versement à capital aliéné, à la date d'admission à l'aide sociale de l'intéressé, d'une somme représentant la valeur de ces biens » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'ensemble des revenus procurés par le placement de capitaux doit être pris en compte pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, sans qu'y fassent obstacle ni la circonstance que ces revenus seraient capitalisés et, à ce titre, temporairement indisponibles, ni les dispositions du code des assurances définissant le régime des contrats d'assurance sur la vie ;
Considérant, en deuxième lieu, que s'il résulte de l'article 168 du code de l'action sociale et des familles alors en vigueur que les rentes viagères définies à l'article 8 de la loi n° 69 ;1161 du 24 décembre 1969 portant loi de finances pour 1970 sont intégralement laissées à la disposition des intéressés, ces dispositions sont applicables aux contrats d'assurance décès souscrits par des parents au profit de leurs enfants bénéficiaires de l'aide sociale, et non aux contrats d'assurance contractés, comme en l'espèce, par un bénéficiaire de l'aide sociale lui ;même ; que si les dispositions de l'article L. 344 ;5 du code de l'action sociale et des familles, applicables à la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 2 janvier 2002 dont elles sont issues, prévoient que les rentes telles que celles résultant des contrats d'assurance vie conclus par M. Michel A sont exclues des ressources prises en compte pour le calcul de la participation de l'intéressé, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en compte des revenus procurés par de tels contrats avant le versement des rentes ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par le département, que M. Michel A remplit la condition de prise des repas à l'extérieur de l'établissement en conséquence de laquelle, en application des dispositions combinées des articles 2 et 3 du décret du 31 décembre 1977, le montant des ressources laissées à la disposition de l'intéressé ne peut être inférieur à 50 p. 100 de l'allocation aux adultes handicapés ;
Considérant, enfin, que les dispositions précitées de l'article 168 du code de l'action sociale et des familles imposent de laisser à la disposition de l'intéressé au moins le tiers des revenus qu'il tire de son travail, soit, selon les dires de M. Raymond A non contestés par le département, 527 F, et qu'à ce montant doit être rajouté 10 p. cent des autres revenus, y compris les revenus capitalisés procurés par les contrats d'assurance vie contractés par M. Michel A, soit 467 F ; que la somme de ces montants, soit 994 F, étant inférieure à 50 p. 100 de l'allocation aux adultes handicapés, soit 1 770 F, ce dernier montant doit être retenu comme celui qui devait être laissé à la disposition de l'intéressé ; qu'il suit de là que la contribution de M. Michel A à ses frais d'hébergement et d'entretien à compter du 1er octobre 1999 doit être fixée, en incluant l'intégralité de l'allocation personnalisée au logement qu'il perçoit, à 6 348 F ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. Raymond A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département des Côtes ;d'Armor demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, et sous réserve que la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau, avocat de M. Raymond A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département des Côtes ;d'Armor, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement à cette société de la somme de 1 500 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision en date du 5 août 2003 de la commission centrale d'aide sociale est annulée en tant qu'elle fixe à 7 123 F le montant de la contribution de M. Michel A à la prise en charge de ses frais d'hébergement.
Article 2 : Les frais d'hébergement et d'entretien de M. Michel A au foyer l'Albatros de Saint ;Brieuc seront pris en charge par l'aide sociale à compter du 1er octobre 1999 sous réserve d'une contribution de l'intéressé de 6 348 F (967,75 euros) par mois, susceptible d'être révisée en fonction de l'évolution de ses ressources.
Article 3 : Le département des Côtes ;d'Armor versera à la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Les conclusions du département des Côtes ;d'Armor tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Raymond A, au département des Côtes ;d'Armor et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.