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05/05/2006 | FRANCE | N°277632

France | France, Conseil d'État, 5eme et 4eme sous-sections reunies, 05 mai 2006, 277632


Vu 1°), sous le n° 277632, le recours enregistré le 16 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 30 novembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Dijon a condamné l'Etat à verser à la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot la somme de 107 905 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2002, en r

paration du préjudice résultant du retard fautif de l'Etat dans la m...

Vu 1°), sous le n° 277632, le recours enregistré le 16 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 30 novembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Dijon a condamné l'Etat à verser à la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot la somme de 107 905 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2002, en réparation du préjudice résultant du retard fautif de l'Etat dans la mise en oeuvre du concours de la force publique ;

2°) statuant au fond, de rejeter la demande de la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot et, subsidiairement, de ne retenir la responsabilité de l'Etat que pour la seule période allant du 16 mars au 2 juillet 2000 ;

Vu 2°), sous le n° 277633, le recours, enregistré le 16 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES demande au Conseil d'Etat qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 30 novembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Dijon a condamné l'Etat à verser à la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot la somme de 107 905 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2002, en réparation du préjudice résultant du retard fautif de l'Etat dans la mise en oeuvre du concours de la force publique ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code rural ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Botteghi, Auditeur,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot,

- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les deux recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES enregistrés sous les numéros 277632 et 277633 sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'une même décision ;

Sur les conclusions du recours n° 277632 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du recours ;

Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991 : « L'Etat est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et autres titres exécutoires. Le refus de l'Etat de prêter son concours à la force publique ouvre droit à réparation. » ; qu'aux termes de l'article 50 du décret du 31 juillet 1992 : « Le défaut de réponse à une demande de concours de la force publique dans un délai de deux mois équivaut à un refus » ; qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 613-3 du code de la construction et de l'habitation : « Nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée (…), il doit être sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 15 mars de l'année suivante (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot, propriétaire d'un domaine agricole sur le territoire de la commune de Saint ;Saulge, a demandé le 23 septembre 1999 au préfet de la Nièvre le concours de la force publique pour faire exécuter l'ordonnance d'expulsion du locataire de son domaine, M. A, prononcée le 5 février 1998 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Nevers ; que le tribunal administratif de Dijon, en estimant que la responsabilité de l'Etat était engagée à l'expiration du délai de deux mois suivant la demande de concours de la force publique, soit le 23 novembre 1999, alors qu'en application des dispositions sus rappelées de l'article L. 613 ;3 du code de la construction et de l'habitation aucune suite favorable ne pouvait y être donnée au cours de la période allant du 1er novembre 1999 au 15 mars 2000, a commis une erreur de droit ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci ;dessus, par jugement du 5 février 1998, confirmé en appel le 24 mars 1999, le tribunal paritaire des baux ruraux de Nevers (Nièvre) a autorisé la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot à faire procéder à l'expulsion de M. A de la propriété sise sur la commune de Saint-Saulge dont elle est propriétaire ; que la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot a demandé à l'administration le concours de la force publique par lettre du 23 septembre 1999 ; que ce concours lui a été accordé par une décision du 17 mai 2000 à compter du 3 juillet 2000 ; qu'il a été procédé à l'expulsion de l'occupant le 30 mars 2004 ; que la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot demande réparation des dommages résultant, d'une part, du refus de concours de la force publique qui lui a été opposé jusqu'au 3 juillet 2000 et, d'autre part, du retard anormal de l'Etat dans l'exécution de ce concours à compter de cette date et jusqu'à la libération effective des lieux ;

Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas contesté que la responsabilité de l'Etat pour refus de concours de la force publique se trouve engagée à l'égard de la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot du 16 mars 2000 au 3 juillet 2000, date à laquelle le concours demandé lui a été accordé ;

Considérant, en second lieu, qu'il incombait à l'huissier chargé par la SCI de poursuivre l'exécution de l'ordonnance d'expulsion de se mettre, après le 3 juillet 2000, en rapport avec l'autorité de police et, en raison de la présence sur le domaine d'un très important troupeau de bovins dont une partie était dépourvue d'identification et de vaccination, avec les autorités administratives chargées de veiller au respect de la législation et de la réglementation relative à l'état sanitaire et à la prophylaxie du bétail ; que tel a été le cas, ainsi qu'il résulte du compte rendu d'une réunion organisée à la préfecture de la Nièvre le 25 mai 2001, au cours de laquelle, en présence de l'huissier poursuivant, d'un représentant du commandant du groupement de gendarmerie, du directeur des services vétérinaires et du directeur départemental de l'agriculture, les modalités de l'opération et les rôles de chacun ont été arrêtés, et l'exécution de celle ;ci fixée, à la demande de l'huissier, au mois de septembre 2001 ; que l'intervention effective de la force publique et l'exécution matérielle de l'ordonnance n'ont cependant eu lieu que le 30 mars 2004, soit deux ans et demi plus tard ; que ce délai, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il soit imputable à des carences de la société requérante ou de l'huissier dans la mise en oeuvre des aspects matériels de l'opération qui leur incombait, a présenté un caractère anormal de nature à engager la responsabilité de l'Etat à compter du 1er octobre 2001 et jusqu'à la libération effective des lieux ;

Sur le préjudice :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une exacte appréciation des préjudices afférents aux pertes de revenus locatifs de la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot, par référence au montant du fermage qui aurait dû être perçu et à l'indemnité d'occupation fixée par le juge des référés du tribunal des baux ruraux de Nevers par ordonnance du 21 décembre 2000, en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 86 945 euros ; que la SCI a droit aux intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable d'indemnisation le 8 novembre 2002 sur la fraction de cette somme représentant le montant des loyers échus à cette date, soit 45 734 euros et, pour le surplus, à compter des dates d'échéances successives de ces loyers ; qu'en revanche, si la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot demande également que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 45 734 euros destinée à réparer la dégradation de son domaine et des bâtiments qui y sont implantés, elle n'apporte aucun élément permettant d'imputer ce préjudice au refus d'accorder le concours de la force publique ;

Sur les conclusions du recours n° 277633 :

Considérant que dès lors que la présente décision statue sur la demande en annulation du jugement attaqué, les conclusions du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES tendant à ce que soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot sous le numéro 277632 au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu d'accorder la somme demandée en application de ce même article sous le numéro 277633 ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 30 novembre 2004 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot la somme de 86 945 euros, la fraction de cette somme représentant le montant des loyers échus le 8 novembre 2002, soit 45 734 euros, portant intérêts à compter de cette date, le surplus de cette fraction, représenté par le montant des loyers dus jusqu'au 31 mars 2004, portant intérêts à compter des dates d'échéance successives de ces loyers.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot devant le tribunal administratif de Dijon est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot présentées en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du recours n° 277633.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et à la SCI de la Terre de Savigny et de Fertot.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 05 mai. 2006, n° 277632
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Damien Botteghi
Rapporteur public ?: M. Chauvaux
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Formation : 5eme et 4eme sous-sections reunies
Date de la décision : 05/05/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 277632
Numéro NOR : CETATEXT000008218173 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-05-05;277632 ?
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