Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. X... A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 14 avril 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mars 2004 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a ordonné sa reconduite à la frontière et fixé l'Autriche comme pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 94-107 du 5 février 1994 autorisant la ratification de la convention relative à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres des Communautés européennes, ensemble le décret n° 97-911 du 30 septembre 1997 qui en porte publication ;
Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc El Nouchi, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (…) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité sri-lankaise, est entré en France de façon irrégulière et ne pouvait justifier, à la date de l'arrêté attaqué, d'un document l'autorisant à séjourner sur le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, entré irrégulièrement en Autriche, y a déposé le 14 juin 2003 une première demande d'asile ; qu'ayant pénétré de façon irrégulière en France, l'intéressé a présenté le 25 juillet 2003 une demande d'asile à la préfecture de Tarn-et-Garonne et sollicité, le 26 août 2003, auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), la reconnaissance du statut de réfugié ; que, par l'arrêté attaqué du 19 mars 2003, le préfet de Tarn-et-Garonne, faisant application des articles 16 et 20 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003, a décidé que M. A serait reconduit à destination de l'Autriche ;
Considérant que l'article 29 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 dispose : Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne. / Il est applicable aux demandes d'asile présentées à partir du premier jour du sixième mois suivant son entrée en vigueur et s'appliquera, à compter de cette date, à toute requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de demandeurs d'asile, quelle que soit la date à laquelle la demande a été faite. La détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile introduite avant cette date se fait conformément aux critères énoncés dans la convention de Dublin ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées que le règlement (CE) n° 343/2003, notamment ses articles 16 et 20, n'est pas applicable aux demandes d'asile formées, comme en l'espèce, avant le 1er septembre 2003 ; que la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen des demandes d'asile formées par M. A devait donc se faire conformément aux critères énoncés dans la convention de Dublin ;
Considérant, d'autre part, que l'article 11 de la convention de Dublin impartit à l'Etat membre qui estime que l'examen d'une demande d'asile formée par un ressortissant d'un pays tiers relève de la compétence d'un autre Etat membre, un délai de six mois pour saisir cet Etat ; que ce délai n'a, en l'espèce, pas été respecté puisque l'Autriche n'a été saisie par l'administration française d'une demande de réadmission que le 11 mars 2004 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A ne se trouvait pas dans la situation de devoir être reconduit à la frontière sans que les autorités françaises compétentes aient au préalable statué sur sa demande d'asile ; qu'il est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel par M. A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 14 avril 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 19 mars 2004 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... A, au préfet de Tarn-et-Garonne et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.