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22/02/2006 | FRANCE | N°264024

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 22 février 2006, 264024


Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA MOSELLE ; le PREFET DE LA MOSELLE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 27 décembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 25 décembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Hasan X et fixant la Turquie comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droit...

Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA MOSELLE ; le PREFET DE LA MOSELLE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 27 décembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 25 décembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Hasan X et fixant la Turquie comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45 ;2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu la loi n° 52 ;893 du 25 juillet 1952, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003 ;1176 du 10 décembre 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Boutet, avocat de M. X,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité turque, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 29 mars 2003, de la décision en date du 27 mars 2003 par laquelle le PREFET DE LA MOSELLE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas mentionné au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il vit en France depuis plusieurs années avec son épouse et ses trois enfants, dont le dernier est né sur le territoire français, qu'aucune décision de reconduite à la frontière n'a été prise à l'encontre de ceux-ci, que sa famille se trouverait ainsi séparée du fait de l'arrêté du 25 décembre 2003 par lequel le PREFET DE LA MOSELLE a décidé sa reconduite à la frontière, que deux de ses frères ont été admis au statut de réfugié en Allemagne et en France, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que son épouse s'est vu également opposer un refus à ses demandes d'asile et de séjour sur le territoire français, d'autre part, qu'il n'est pas établi que sa famille serait empêchée de le rejoindre en Turquie, où il n'est pas dépourvu d'attache familiale ; qu'ainsi, eu égard notamment aux conditions du séjour de M. X en France et aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du 25 décembre 2003 par lequel le PREFET DE LA MOSELLE a décidé la reconduite à la frontière de M. X n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il suit de là que le PREFET DE LA MOSELLE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur la violation de ces stipulations pour annuler l'arrêté du 25 décembre 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et fixant la Turquie comme pays de destination ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X ;

Considérant que, si M. X fait valoir, à l'encontre de la mesure distincte fixant le pays de destination, contenue dans l'arrêté contesté, que, d'origine kurde, sa famille a été victime de tortures et d'oppressions, que son épouse et ses deux enfants ont fui le pays pour le rejoindre en France et que deux de ses frères ont obtenu la reconnaissance de la qualité de réfugié, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, dont la demande d'admission au statut de réfugié et la demande d'asile territorial ont été rejetées, n'apporte aucune justification probante permettant d'établir la réalité des risques qu'il courrait à titre personnel en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 25 décembre 2003 du PREFET DE LA MOSELLE en tant qu'il fixe la Turquie comme pays de destination de la reconduite, aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA MOSELLE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 25 décembre 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X à destination de la Turquie ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 27 décembre 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA MOSELLE, à M. Hasan X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 22 fév. 2006, n° 264024
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Catherine Chadelat
Rapporteur public ?: Mme de Silva
Avocat(s) : SCP BOUTET

Origine de la décision
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 22/02/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 264024
Numéro NOR : CETATEXT000008253294 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-02-22;264024 ?
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