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22/02/2006 | FRANCE | N°262623

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 22 février 2006, 262623


Vu 1°/ sous le n° 262623, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 décembre 2003 et 24 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 3 du décret du 8 octobre 2003 qui l'astreint à verser au Trésor une indemnité égale à deux fois son dernier traitement annuel ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Vu 2°/, sous le n°

272689, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 septembre ...

Vu 1°/ sous le n° 262623, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 décembre 2003 et 24 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 3 du décret du 8 octobre 2003 qui l'astreint à verser au Trésor une indemnité égale à deux fois son dernier traitement annuel ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Vu 2°/, sous le n° 272689, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 septembre 2004 et 28 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean X, demeurant 7, rue Boursault, à Paris (75017) ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le trésorier payeur général des créances spéciales du Trésor a rejeté son opposition du 29 mars 2004 à l'avis de perception, d'un montant de 54 796,86 euros, qui lui a été notifié le 30 janvier 2004 ;

2°) d'enjoindre à l'administration de le décharger de l'intégralité des sommes réclamées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 et son Préambule ;

Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ;

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu l'ordonnance n° 45-2283 du 9 octobre 1945, modifiée ;

Vu la loi n° 46 ;2294 du 19 octobre 1946, notamment son article 19 ;

Vu le décret n° 45-2291 du 9 octobre 1945, modifié ;

Vu la loi n° 79 ;587 du 11 juillet 1979, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Vuitton, Vuitton, avocat de M. X,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. X, enregistrées sous les n° 262623 et 272689, présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions dirigées contre l'article 3 du décret du 8 octobre 2003 astreignant M. X à verser au Trésor public une indemnité égale à deux fois son traitement annuel :

Sur l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre du décret du 9 octobre 1945 sur la base duquel a été pris le décret attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 de l'ordonnance du 9 octobre 1945 relative à la formation, au recrutement et au statut de certaines catégories de fonctionnaires et instituant une direction de la fonction publique et un conseil permanent de l'administration civile : « Les fonctionnaires appartenant aux corps et aux services auxquels prépare l'Ecole nationale d'administration sont soumis aux dispositions générales du statut de la fonction publique… Ils sont, en ce qui concerne la discipline et le licenciement, régis par des règles identiques. Ces règles seront fixées par un décret en Conseil d'Etat » ; qu'aux termes de l'article 3 du décret du 9 octobre 1945 portant règlement d'administration publique pour l'application de l'article 12 de l'ordonnance n° 45 ;2283 du 9 octobre 1945 : « Ils doivent, au moment où ils sont affectés à la carrière choisie par eux, … souscrire l'engagement de rester au service de l'Etat pendant une durée minimum de dix années… En cas de rupture de leur engagement, ces fonctionnaires sont révoqués et doivent verser au Trésor une indemnité égale à deux fois leur dernier traitement annuel » ;

Considérant que le décret du 9 octobre 1945 pouvait, sans outrepasser sa compétence, prévoir que les élèves de l'Ecole nationale d'administration s'engagent à servir l'Etat pour une durée minimum de dix ans et assortir la méconnaissance de cette règle statutaire de l'obligation de reverser au Trésor une indemnité équivalente à deux fois le dernier traitement annuel perçu ; qu'il n'appartenait pas, contrairement à ce que soutient M. X, à l'ordonnance du 9 octobre 1945 de mettre en place un tel mécanisme ;

Considérant que la circonstance que les élèves de l'Ecole nationale d'administration ne savent pas précisément, au moment où ils concluent l'engagement de servir l'Etat pendant une durée minimum de dix ans, quel sera le montant du reversement dont ils auront à s'acquitter au cas où ils décident de quitter le service de l'Etat avant l'expiration de ce délai, puisque celui-ci est directement lié au traitement perçu lors de la dernière année de service, est sans incidence sur la légalité des dispositions de l'article 3 précité du décret du 9 octobre 1945, dès lors que les modalités de calcul de l'indemnité à verser au Trésor public sont connues dès la conclusion de l'engagement et permettent un consentement libre et éclairé ;

Considérant qu'aucune disposition législative ni aucun principe général du droit ne fait obstacle à ce que l'article 3 du décret du 9 octobre 1945 prévoie que l'indemnité forfaitaire due en cas de rupture de l'engagement décennal, qui ne constitue pas une sanction disciplinaire, soit équivalente à deux fois le montant du traitement perçu par l'intéressé au cours de sa dernière année au service de l'Etat ; que la circonstance que ce montant serait supérieur à celui des frais de scolarité pris en charge par l'Etat ne constitue pas une violation des dispositions de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ni des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que M. X ne peut utilement invoquer la violation du principe de libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté européenne, prévu à l'article 39 du traité instituant cette Communauté, lequel ne fait pas obstacle au mode de calcul retenu pour fixer le montant des sommes à rembourser par les élèves de l'Ecole nationale d'administration en cas de rupture de l'engagement décennal souscrit ;

Considérant que le principe d'égalité de traitement entre agents publics n'est applicable qu'aux agents d'un même corps ; que, par suite, M. X ne peut utilement se prévaloir, pour contester la légalité des dispositions précitées de l'article 3 du décret du 9 octobre 1945, de la différence de règles prévues entre les fonctionnaires recrutés à l'issue de leur scolarité à l'Ecole nationale d'administration et ceux recrutés à l'issue de leur scolarité à l'école polytechnique ;

Considérant que le montant de l'indemnité dont sont redevables les fonctionnaires recrutés à l'issue de leur scolarité à l'Ecole nationale d'administration rompant leur engagement de servir est fixé à deux fois leur dernier traitement annuel ; qu'ainsi, les modalités de calcul de l'indemnité sont identiques pour tous les fonctionnaires auxquels elle est susceptible d'être appliquée ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'article 3 du décret du 9 octobre 1945 instituerait une différence de traitement entre les fonctionnaires selon la durée des services qu'ils ont accompli avant la rupture de leur engagement de servir ; que la circonstance, à la supposer établie, qu'il n'aurait pas été fait application des dispositions de l'article 3 du décret du 9 octobre 1945 à certains anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration n'ayant pas accompli les dix années de service prévues par le statut est sans incidence sur la légalité desdites dispositions ;

Sur les autres moyens :

Considérant que l'article 3 du décret attaqué, qui se borne à faire application de l'article 3 du décret du 9 octobre 1945, ne revêt pas le caractère d'une décision administrative individuelle défavorable ; qu'il n'avait pas, dès lors, à énoncer les éléments de fait relatifs à l'espèce ; que le moyen tiré du défaut de motivation doit, par suite, être écarté ;

Considérant que les dispositions de l'article 16 de l'ordonnance du 9 octobre 1945 précitée, instituant le conseil permanent de l'administration civile, ont été abrogées par l'article 19 de la loi du 19 octobre 1946 relative au statut général des fonctionnaires ; que le moyen tiré de ce qu'il aurait été nécessaire de consulter ce conseil avant de prendre le décret attaqué ne saurait, dès lors, être accueilli ;

Considérant que, si le décret attaqué prévoit qu'il appartient à M. X de verser au Trésor public une somme correspondant notamment aux émoluments perçus en sa qualité de fonctionnaire stagiaire lors de sa scolarité à l'Ecole nationale d'administration, il ne porte pas atteinte, en tout état de cause, au principe de gratuité de l'enseignement public énoncé par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Considérant, enfin, qu'il est constant que M. X a souscrit, à l'issue de sa scolarité à l'Ecole nationale d'administration, l'engagement de rester au service de l'Etat pendant une durée minimum de dix années et qu'il a choisi de démissionner de ses fonctions d'administrateur civil avant l'expiration de cette durée ; qu'ainsi, il entrait dans le champ d'application de l'article 3 du décret du 9 octobre 1945 précité ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 3 du décret du 8 octobre 2003 qui l'a astreint, en application du dernier alinéa de l'article 3 du décret du 9 octobre 1945, à verser au Trésor une indemnité égale à deux fois son dernier traitement annuel ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision implicite du trésorier-payeur général des créances spéciales du Trésor rejetant l'opposition à état exécutoire formée par M. X :

Considérant que le titre de perception d'un montant de 54 796,86 euros émis le 21 novembre 2003, à l'encontre de M. X en application de l'article 3 du décret du 8 octobre 2003, a été régulièrement signé par le chef de service de la trésorerie générale de Chatellerault, agissant par délégation du trésorier-payeur général des créances spéciales du Trésor ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit, par suite, être écarté ;

Considérant que si M. X entend faire valoir que la procédure ayant conduit à la notification du titre de paiement en date du 21 novembre 2003 a été entachée d'irrégularité, il n'apporte, à l'appui de son moyen, aucun élément permettant d'en établir le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, en l'absence de tout autre moyen différent de ceux soulevés à l'encontre du décret du 8 octobre 2003, que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le trésorier payeur général a rejeté son opposition à l'avis de perception qui lui a été notifié le 30 janvier 2004 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions de M. X tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le trésorier payeur général des créances spéciales du Trésor a rejeté sa réclamation dirigée contre l'avis de perception qui lui a été notifié le 30 janvier 2004, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. X doivent, par suite, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes n° 262623 et n° 272689 de M. X sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean X, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la fonction publique.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 22 fév. 2006, n° 262623
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Catherine Chadelat
Rapporteur public ?: Mme de Silva
Avocat(s) : SCP VUITTON, VUITTON

Origine de la décision
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 22/02/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 262623
Numéro NOR : CETATEXT000008251759 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-02-22;262623 ?
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