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07/12/2005 | FRANCE | N°268679

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 07 décembre 2005, 268679


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin 2004 et 18 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la REGION PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR, dont le siège est Hôtel de Région, 27 Place Jules Guesde à Marseille Cedex 20 (13481), représentée par le président du conseil régional régulièrement habilité ; la REGION PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme e

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin 2004 et 18 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la REGION PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR, dont le siège est Hôtel de Région, 27 Place Jules Guesde à Marseille Cedex 20 (13481), représentée par le président du conseil régional régulièrement habilité ; la REGION PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur le recours gracieux formé par le président de la région exposante, en date du 16 février 2004, dirigé contre l'arrêté interministériel du 29 décembre 2003 fixant le barème des redevances d'utilisation du réseau ferré national pour les années 2004 et 2005, ensemble ledit arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2001 / 14 / CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 modifiée ;

Vu la loi n° 97-135 du 13 février 1997 modifiée ;

Vu la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 ;

Vu le décret n° 97- 446 du 5 mai 1997 modifié ;

Vu le décret n° 2001-1116 du 27 novembre 2001 ;

Vu le décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la REGION PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR et de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat du Réseau ferré de France,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

Considérant que l'arrêté attaqué a été signé, pour le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, par M. Patrice Raulin, directeur des transports terrestres, qui avait reçu délégation de signature par arrêté du 17 juillet 2002, publié au Journal officiel du 31 juillet 2002, pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, par M. Bruno Bezard, chef de service à la direction du trésor, qui avait reçu délégation de signature par décret du 31 juillet 2003, publié au Journal officiel du 2 août 2003, et pour le ministre délégué au budget, par Mme Hélène Eyssartier, administratrice de l'Institut national de la statistique et des études économiques, placée sous l'autorité directe du directeur du budget, et qui avait reçu délégation de signature par décret du 19 septembre 2003, publié au Journal officiel du 21 septembre 2003 ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence des signataires de l'arrêté du 23 décembre 2003 ne peut qu'être écarté ;

Considérant que l'article 132 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit que : « Tout projet de modification des modalités de fixation des redevances d'infrastructure ferroviaire au sens de l'article 13 de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public ‘‘Réseau ferré de France'' doit faire l'objet d'une consultation et d'un avis de la ou des régions concernées » ; qu'aux termes de l'article 137 de cette loi : « Il est créé, auprès du ministre chargé des transports, un comité national de suivi de la décentralisation des services voyageurs d'intérêt régional. Ce comité est consulté sur l'ensemble des questions liées au transfert de compétence prévu à l'article 124. Il est composé de représentants des régions, de l'Etat, de Réseau ferré de France et de la Société des chemins de fer français./ Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article » ; qu'aux termes de l'article 124 de la même loi, qui introduit un article 21-1 à la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs : « La région, en tant qu'autorité organisatrice des transports collectifs d'intérêt régional, est chargée à compter du 1er janvier 2002 : - Des services ferroviaires régionaux de voyageurs (...) » ; qu'aux termes de l'article 10 du décret du 27 novembre 2001 relatif au transfert de compétence en matière de transports collectifs d'intérêt régional : « Un comité national de suivi de la décentralisation des services voyageurs d'intérêt régional est créé auprès du ministre chargé des transports. Le ministre chargé des transports lui soumet au moins une fois par an un bilan du transfert de compétences des services régionaux de voyageurs et les questions que soulève ce transfert. Le comité national peut se saisir de lui-même de toute question entrant dans son domaine d'attribution » ;

Considérant que ces dispositions n'imposent, avant la fixation des redevances d'utilisation du réseau ferré national, que la consultation de la région concernée ; qu'il n'est pas contesté que les régions ont été consultées par lettre circulaire du 7 octobre 2003 ; que le décret du 27 novembre 2001 n'a pas méconnu la portée des dispositions législatives dont il lui appartenait de déterminer les conditions d'application en limitant la consultation du Comité national de suivi de la décentralisation des services voyageurs d'intérêt régional aux questions dont il se saisit lui-même et au bilan annuel que lui soumet le ministre chargé des transports ; que, par suite, la REGION PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR n'est fondée ni à exciper de l'illégalité de ce décret pour soutenir que l'arrêté attaqué aurait dû être soumis au comité national, ni à soutenir que les prescriptions de l'article 137 de la loi du 13 décembre 2000 précitée auraient été méconnues ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 9 du décret du 5 mai 1997 relatif aux redevances d'utilisation du réseau ferré national : « Sur proposition de Réseau ferré de France, un arrêté des ministres chargés des transports, de l'économie et du budget fixe... le barème des redevances et ses conditions d'application conformément aux dispositions du présent décret. L'arrêté est publié trois mois au moins avant l'entrée en vigueur de l'horaire annuel de service prévu à l'article 21 du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 relatif à l'utilisation du réseau ferré national » ; que, si la région requérante fait valoir que cette proposition n'a pas été régulièrement formulée par le conseil d'administration de Réseau ferré de France, il ressort des pièces du dossier que le conseil d'administration de cet établissement a délibéré de cette proposition dans sa séance du 2 octobre 2003, qui a donné son approbation à la proposition transmise aux ministres compétents ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré du défaut de proposition régulière de Réseau ferré de France doit être écarté ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

Considérant que la circonstance que l'horaire de service de l'ensemble des mouvements de trains et matériels roulants pour l'année 2004 est entré en vigueur, non pas trois mois après, mais une quinzaine de jours avant la publication de l'arrêté attaqué est sans incidence sur la légalité de celui-ci ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 9 du décret du 5 mai 1997 doit être écarté ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'article 1er de l'arrêté attaqué que le prix unitaire du droit d'accès à la section élémentaire pour les catégories A, B et N peut faire l'objet d'un coefficient multiplicateur fixé selon un tableau figurant à l'arrêté, en fonction de la durée de l'engagement contractuel souscrit par l'entreprise ferroviaire et des volumes mensuels de sillons réservés, par catégorie tarifaire et par mois, dans la catégorie pouvant faire l'objet de modulation ; qu'ainsi, les auteurs de l'arrêté, loin de laisser à Réseau ferré de France la possibilité de fixer la modulation du prix unitaire du droit d'accès de façon discrétionnaire, ont précisé les conditions dans lesquelles la modulation pouvait être appliquée ; que, d'autre part, si l'arrêté attaqué fixe un prix unitaire de droit de réservation d'arrêt en gare, ce prix, qui est déterminé par sous-catégorie de section élémentaire et par période horaire, n'opère de distinction ni entre les régions ni entre les utilisateurs du réseau selon les catégories auxquelles ils appartiennent ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation des principes de transparence et de non-discrimination posés par l'article 8-1 de la directive du 26 février 2001 concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire, la tarification de l'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité doit être écarté ;

Considérant qu'en raison de l'immobilisation des sillons qu'impliquent les arrêts en gare et des coûts entraînés par celle-ci, l'arrêté attaqué a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, fixer le niveau tarifaire du droit d'arrêt en gare sans opérer de dégressivité selon le nombre d'arrêts ;

Considérant qu'en assignant pour objectif au système de transports intérieurs notamment la maîtrise des coûts économiques pour la collectivité, les articles 1er et 2 de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs n'ont pas entendu poser une règle dont la méconnaissance pourrait être utilement invoquée à l'encontre d'un arrêté déterminant le niveau de la redevance d'utilisation du réseau ferré national ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait cet objectif ne peut qu'être écarté ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué aurait fixé le niveau de la redevance d'utilisation du réseau ferré national à un niveau manifestement excessif ;

Sur la légalité de la décision implicite de rejet attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article 28 du décret du 7 mars 2003 : « (...) Tout demandeur de sillon (...) ou toute autre partie intéressée peut saisir le ministre chargé des transports, dès lors qu'il s'estime être victime d'un traitement inéquitable, d'une discrimination ou de tout autre préjudice liés : (...) - Au système de tarification, ainsi qu'au niveau et à la structure des redevances d'utilisation de l'infrastructure empruntée, en particulier sa conformité aux dispositions mentionnées dans le décret n° 97-446 du 5 mai 1997 » ; qu'aux termes de l'article 29 du même décret : « Il est créé, auprès du ministre chargé des transports, une mission de contrôle des activités ferroviaires. Elle est chargée d'instruire les réclamations portées devant le ministre, mentionnées à l'article 28 et produit un avis motivé, au plus tard dans un délai d'un mois à compter de sa saisine par le ministre (...) » ; que, si la REGION PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR fait valoir qu'elle a formé, le 16 février 2004, auprès du ministre chargé des transports, un recours gracieux à l'effet d'obtenir le retrait de l'arrêté attaqué, fondé sur le fait que l'augmentation substantielle de la redevance est de nature à préjudicier gravement à ses intérêts, il résulte des dispositions précitées que cette demande, qui n'est pas relative à l'attribution de sillons, n'est pas au nombre de celles visées par l'article 28 du décret du 7 mars 2003 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 28 et 29 de ce décret est inopérant ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la REGION PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté interministériel du 29 décembre 2003 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Réseau ferré de France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la REGION PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la REGION PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Réseau ferré de France et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la REGION PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR est rejetée.

Article 2 : La REGION PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR versera à Réseau ferré de France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la REGION PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR, à Réseau ferré de France, au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

65-01 TRANSPORTS. TRANSPORTS FERROVIAIRES. - DÉCENTRALISATION DES SERVICES FERROVIAIRES D'INTÉRÊT RÉGIONAL - COMITÉ NATIONAL DE SUIVI (ART. 137 DE LA LOI DU 13 DÉCEMBRE 2000) - COMPÉTENCE - LIMITATION AUX QUESTIONS DONT CET ORGANISME SE SAISIT LUI-MÊME ET AU BILAN ANNUEL SOUMIS PAR LE MINISTRE DES TRANSPORTS (DÉCRET DU 27 NOVEMBRE 2001) - LÉGALITÉ.

65-01 Le décret du 27 novembre 2001 relatif au transfert de compétence en matière de transports collectifs d'intérêt régional n'a pas méconnu la portée des dispositions de l'article 137 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dont il lui appartenait de déterminer les conditions d'application, en limitant la consultation du comité national de suivi de la décentralisation des services voyageurs d'intérêt régional aux questions dont ce comité se saisit lui-même et au bilan annuel que lui soumet le ministre chargé des transports.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 07 déc. 2005, n° 268679
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Catherine Chadelat
Rapporteur public ?: Mme de Silva
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; SCP ANCEL, COUTURIER-HELLER

Origine de la décision
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Date de la décision : 07/12/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 268679
Numéro NOR : CETATEXT000008237872 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-12-07;268679 ?
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