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30/11/2005 | FRANCE | N°280457

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 30 novembre 2005, 280457


Vu l'ordonnance en date du 10 mai 2005, enregistrée le 12 mai 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application des articles R. 311 ;1 ;5° et R. 351 ;2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par la SA FLORALPINA ;

Vu la demande, enregistrée le 18 février 2005 au greffe du tribunal administratif de Nantes, présentée pour la SA FLORALPINA, dont le siège est ... à La Flèche (72200), représentée par son président ;directeur général

en exercice et tendant :

1°) à l'annulation de la décision du 15 décemb...

Vu l'ordonnance en date du 10 mai 2005, enregistrée le 12 mai 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application des articles R. 311 ;1 ;5° et R. 351 ;2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par la SA FLORALPINA ;

Vu la demande, enregistrée le 18 février 2005 au greffe du tribunal administratif de Nantes, présentée pour la SA FLORALPINA, dont le siège est ... à La Flèche (72200), représentée par son président ;directeur général en exercice et tendant :

1°) à l'annulation de la décision du 15 décembre 2004 du directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) suspendant le conditionnement et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux des gélules de millepertuis qu'elle commercialise jusqu'à la mise en conformité de ce médicament au regard de l'article L. 5121 ;8 du code de la santé publique ;

2°) à ce que soit mis à la charge de l'AFSSAPS le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la directive du Parlement européen et du Conseil 2001/83/CE du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ;

Vu la directive du Parlement européen et du Conseil 2002/46/CE du 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des Etats membres concernant les compléments alimentaires ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 97-964 du 14 octobre 1997 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Anne Courrèges, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Tiffreau, avocat de la SA FLORALPINA,

- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne la compétence du Conseil d'Etat :

Considérant qu'aux termes du 5° de l'article R. 311 ;1 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort « des recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort d'un seul tribunal administratif » ;

Considérant que la décision du 15 décembre 2004, par laquelle le directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a suspendu, jusqu'à leur mise en conformité avec la législation et la réglementation en vigueur, le conditionnement et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux des gélules de millepertuis commercialisées par la société requérante, sur le fondement des dispositions de l'article L. 5312 ;2 du code de la santé publique, produit des effets directs au-delà du seul siège de l'entreprise exploitant les produits en cause ; qu'ainsi, le litige né de la décision attaquée relève de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'Etat ;

En ce qui concerne la légalité de la décision :

Sur sa légalité externe :

Considérant que la loi du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, exige, par son article 1er, que soient motivées, notamment les décisions individuelles qui « restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police », au nombre desquelles figurent les mesures de suspension de produits à finalité sanitaire prises en application de l'article L. 5312 ;2 du code de la santé publique ; qu'elle précise, en son article 3, que « la motivation (…) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ;

Considérant que la décision attaquée du directeur de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé mentionne que les gélules de millepertuis sont des médicaments par fonction du fait des propriétés anti ;dépressives de la sommité fleurie de millepertuis qu'elles contiennent et que le produit, répondant ainsi à la définition du médicament énoncée à l'article L. 5111 ;1 du code de la santé publique, aurait dû faire l'objet avant sa commercialisation d'une autorisation de mise sur le marché telle que prévue à l'article L. 5121 ;8 du même code ; qu'elle précise que le non-respect de cette réglementation peut présenter des risques pour la santé publique dans la mesure où le millepertuis est susceptible de provoquer des interactions avec d'autres médicaments ; qu'une telle motivation répond aux exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; que la SA FLORALPINA n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

Sur sa légalité interne :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 5312 ;2 du code de la santé publique : Sans préjudice des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsqu'un produit ou groupe de produits mentionné à l'article L. 5311 ;1 est mis sur le marché, mis en service ou utilisé sans avoir obtenu l'autorisation, l'enregistrement ou la certification préalable exigé par les dispositions législatives ou réglementaires applicables à ce produit ou groupe de produits, l'agence peut suspendre, jusqu'à la mise en conformité du produit ou groupe de produits au regard de la législation et de la réglementation en vigueur, les essais, la fabrication, la préparation, l'importation, l'exploitation, l'exportation, la distribution en gros, le conditionnement, la conservation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la publicité, la mise en service, l'utilisation, la prescription, la délivrance ou l'administration de ce produit ou groupe de produits ; que parmi les produits visés à l'article L. 5311 ;1 figurent notamment les médicaments par fonction, définis par l'article L. 5111 ;1 comme « tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de la rédaction même de la décision attaquée que, pour qualifier les gélules de millepertuis commercialisées par la société requérante de médicaments « par fonction », le directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ne s'est pas estimé lié par l'inscription des plantes composant ce produit à la pharmacopée mais a procédé à une appréciation concrète du produit en cause au regard notamment des propriétés pharmacologiques des substances le composant ainsi que de ses modalités d'emploi et de la connaissance qu'en ont les consommateurs ; qu'il ressort des pièces du dossier que c'est à bon droit, eu égard aux caractéristiques de ce produit, que l'agence a retenu une telle qualification ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ne pouvait faire usage des pouvoirs que lui confère l'article L. 5312 ;2 du code de la santé publique compte tenu de la nature du produit en cause doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que le fait que, d'une part, le produit faisant l'objet de la mesure de suspension ait été commercialisé sous l'appellation de « compléments alimentaires » et aurait été reconnu comme tel par les autorités d'autres Etats membres de la Communauté européenne et que, d'autre part, d'autres entreprises continueraient à commercialiser des produits semblables, ne s'oppose pas à ce que le produit en cause, dès lors qu'il répond en pratique à la définition des médicaments, issue de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, puisse être qualifié comme tel par le directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, sans méconnaître le principe de la libre circulation des marchandises prévu aux articles 28 et 29 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, en troisième lieu, que si la société requérante excipe de la non ;conformité des dispositions du décret du 14 octobre 1997 fixant la définition des compléments alimentaires à la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002, il ressort de l'analyse de cette directive que son champ d'application ne concerne que des vitamines et des minéraux dont la liste est arrêtée aux annexes I et II et ne s'applique pas aux compléments alimentaires contenant d'autres substances ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que la procédure de délivrance d'une autorisation de mise sur le marché appliquée au produit en cause serait longue, coûteuse et difficile à mettre en oeuvre, est sans incidence sur la légalité de la décision du directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ;

Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 15 décembre 2004 du directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la SA FLORALPINA est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SA FLORALPINA, à l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et au ministre de la santé et des solidarités.


Synthèse
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 280457
Date de la décision : 30/11/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 nov. 2005, n° 280457
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Dominique Versini - de Bethencourt
Rapporteur public ?: M. Stahl
Avocat(s) : SCP TIFFREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:280457.20051130
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